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La bourgeoisie a décidé: pas d'élections ce printemps

Eric Smith, Sunday, May 22, 2005 - 17:04

Arsenal-express

Au terme d'une semaine particulièrement mouvementée, le gouvernement libéral de Paul Martin a donc réussi à faire adopter son budget en deuxième lecture à la Chambre des communes et conséquemment, à se maintenir au pouvoir, avec l'appui du NPD et d'un obscur député indépendant de la Colombie-Britannique. Les chefs des deux principaux partis d'opposition, qui s'étaient alliés pour tenter de renverser le gouvernement Martin, ont annoncé qu'ils renonçaient, pour l'instant, à leur objectif. Il n'y aura donc pas d'élections ce printemps, ni même peut-être avant le dépôt du rapport de la commission Gomery sur le scandale des commandites, prévu pour la fin novembre. Cette "crise politique" aura surtout mis en lumière le contrôle absolu que la grande bourgeoisie canadienne exerce sur l'appareil politique au Canada.

Au terme d'une semaine particulièrement mouvementée à Ottawa, le gouvernement libéral de Paul Martin a donc réussi à faire adopter son budget en deuxième lecture à la Chambre des communes et conséquemment, à se maintenir au pouvoir, avec l'appui du NPD et d'un obscur député indépendant de la Colombie-Britannique, lui-même ex-allianciste. Les chefs des deux principaux partis d'opposition, qui s'étaient alliés pour tenter de renverser le gouvernement Martin, ont annoncé qu'ils renonçaient, pour l'instant, à leur objectif. Il n'y aura donc pas d'élections ce printemps, ni même peut-être avant le dépôt du rapport de la commission Gomery sur le scandale des commandites, prévu pour la fin novembre.

Ce dénouement inattendu tient évidemment à la défection spectaculaire de l'ex-candidate au leadership du Parti conservateur, Belinda Stronach, qui a traversé le parquet de la Chambre et s'est joint au Parti libéral à peine deux jours avant la tenue du vote de confiance. Sa voix aura finalement fait la différence (153 à 152!), tout en portant un dur coup aux élans des Stephen Harper et Gilles Duceppe, qui se voyaient déjà régner l'un sur le Canada anglais, l'autre sur le Québec, dans le cadre d'une alliance qui n'aurait pas été sans rappeler l'épisode du "beau risque" en 1984, quand le Parti québécois avait soutenu le gouvernement Mulroney.

Héritière d'un des plus illustres représentants de la grande bourgeoisie canadienne (Frank Stronach, président de la firme Magna International) et possédant elle-même ses propres entrées parmi les puissants de ce monde, Belinda Stronach constitue une étoile montante au firmament de la politique canadienne. Les supporters du Bloc québécois et du Parti conservateur, qui n'ont pu cacher leur stupéfaction et leur désarroi face à ce coup fumant (qu'ils n'ont d'ailleurs jamais venu venir), ont rapidement accusé Stronach d'être une opportuniste qui s'est laissée acheter par le gouvernement Martin.

Pourtant, Mme Stronach n'a aucunement besoin de ce genre de prébendes, et encore moins du salaire qui accompagne désormais son nouveau titre de "ministre des Ressources humaines et du développement des compétences". En vérité, comme d'autres l'ont souligné avec un peu plus de perspicacité, on devrait plutôt dire que c'est elle qui s'est achetée un poste au sein du gouvernement, plutôt que l'inverse...

Mais tout bien considéré, le roman-savon qui s'est déroulé cette semaine ne tient pas tant à la volonté ou aux aspirations personnelles d'une Belinda Stronach -- fut-elle aussi opportuniste qu'on le prétend -- mais aux intérêts de la grande bourgeoisie canadienne, qui contrôle le processus politique de A à Z au Canada et qui a décidé que le moment n'était pas venu pour la tenue d'élections générales. Dans la conjoncture actuelle, il est évident qu'un scrutin anticipé n'aurait eu pour résultat que de reconduire le rapport de force déjà existant à la Chambre des communes et n'aurait en rien contribué à régler la "crise politique", si tant est qu'on puisse qualifier ainsi le cirque auquel on a eu droit au cours des dernières semaines.

D'aucuns se sont plaints de ce que la défection de Belinda Stronach et son passage au Parti libéral auront pour effet de renforcer le régime "à parti unique" qui règne depuis une douzaine d'années au Canada, marqué par la réélection constante des Libéraux. Mais en fait, ce que cet événement nous montre surtout, c'est que si on peut dire, effectivement, que le Canada se caractérise par un régime à parti unique, ce parti, c'est bien celui de la grande bourgeoisie impérialiste -- un parti unique composé de ces deux ailes interchangeables que sont le Parti libéral et le Parti conservateur. Et il ne s'agit surtout pas là d'un phénomène nouveau.

En effet, depuis que le Canada existe, le pays a été dirigé, par alternance, par l'un ou l'autre de ces deux partis exclusivement, sans jamais que la structure du pouvoir ait connu, fondamentalement, quelque changement significatif que ce soit: l'un comme l'autre, à quelques nuances près, ont toujours su défendre et promouvoir les intérêts de "nos" grands capitalistes.

Entre un Brian Mulroney et un Jean Chrétien, les différences n'étaient pas si importantes qu'elles ont pu en avoir l'air; et entre un Paul Martin et une Belinda Stronach non plus -- en tous cas, certainement pas au point d'empêcher cette dernière de se prêter à ce coup de théâtre -- cela, dans la mesure où son "revirement" correspondait aux intérêts de la grande bourgeoisie (et en l'occurrence, aux siens propres). On sait d'ailleurs que la transfuge n'a pas pris sa décision toute seule: elle a notamment consulté l'ancien premier ministre libéral ontarien David Peterson et d'autres personnages influents, dont Brian Mulroney lui-même, qui n'aurait apparemment rien fait pour la décourager de chier dans les mains de Stephen Harper!

Certains, comme le directeur de L'aut'journal et nouvelle recrue du PQ Pierre Dubuc, ont voulu voir dans la "crise politique" des dernières semaines une autre preuve que "le Canada est devenu ingouvernable". On aimerait bien que ce soit vrai, mais force est d'admettre que le pouvoir de la grande bourgeoisie canadienne, dont la bourgeoisie québécoise fait partie et à laquelle elle est liée par mille et un fils, reste en réalité relativement stable et puissant. Son système de domination est éprouvé et son contrôle sur l'appareil d'État s'avère plus que total.

De cela, un autre événement s'étant déroulé ces derniers jours mais qui fut un peu relégué au second plan de l'actualité au profit du débat sur le vote de confiance, est venu nous le rappeler avec éloquence: vendredi le 13 mai, les gouvernements canadien et québécois annonçaient en effet leur décision de contribuer, à hauteur de 450 millions de dollars, au financement de la nouvelle usine que la multinationale Bombardier compte installer au Québec, où elle construira ses nouveaux avions de marque CSeries. L'annonce en a été faite conjointement par le ministre fédéral des Transports Jean Lapierre et le ministre québécois du Développement économique Claude Béchard, avec le soutien total et inconditionnel du chef du Parti québécois Bernard Landry, du Bloc québécois, du NPD et même du Parti conservateur -- celui-ci étant pourtant réputé "non-interventionniste"! Pour la petite histoire, on retiendra que c'est le président de la centrale syndicale FTQ, Henri Massé, qui a servi d'intermédiaire auprès de Stephen Harper pour s'assurer de son soutien à cette nouvelle mesure "d'assistance sociale pour les riches", comme on qualifiait jadis les programmes de subventions aux capitalistes...

Un des plus importants fleurons du capital canadien et québécois, Bombardier pourra ainsi concurrencer plus aisément ses principaux rivaux, Boeing et Embraer. Il va sans dire qu'un tel objectif transcende toutes les soi-disant querelles "idéologiques" ou nationales qui divisent la classe politique canadienne.

Cette annonce en dit encore plus sur la réalité du pouvoir au Canada, que la "crise politique" dont on vient de connaître le dénouement. Chose certaine, elle nous rappelle la voie à suivre, si on veut vraiment s'attaquer à la domination de la bourgeoisie dans ce pays: ce ne sont pas quelques réformes institutionnelles qui y changeront quoique ce soit, mais ça prendra une bonne révolution, qui saura détruire tout l'appareil d'État bourgeois!

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Article paru dans Arsenal-express, nº 50, le 22 mai 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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