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ETATS, CLASSES et DECLASSE

Anonyme, Tuesday, May 10, 2005 - 16:04

Jeff

ETATS, CLASSES et DECLASSE

Le monde est devenu sans ambiguïté possible un gigantesque camp de la mort planétaire, avec sursis ou non. Ce camp de travail forcé global, dans la version sursitaire, les capitalistes légaux et illégaux, ainsi que leurs sicaires, fifres, sous-fifres, chiens de garde et autres sbires stipendiés, sans compter les simples exécutants ou même les ‘artisans indépendants’ fournisseurs de délicatesses post-modernes à tous le précités, qui n’ont pas besoin d’être stipendié pour être loyaux, continuent de l’appeler économie, ou société. L’économie, la société, est la banalisation du crime organisé en toute légalité, eu égard auquel le crime illégal ne tient lieu que d’image spéculaire. La dissymétrie fait office de trompe l’œil pour l’œil industriellement désaverti par la marchandise qui sert à vendre toutes les autres : l’information. Cette marchandise toute particulière, à laquelle il faudrait ajouter toutes celles qui participent du ‘luxe spectaculaire’ - mais quelles sont celles qui se soustraient à la ‘culture’, à l’heure où même les détergents et les téléphones participent d’un genre de vie ‘irréductible à la simple reproduction’ ? - est fournie par les producteurs de loyauté au jeu de la grande sarabande parthénogénétique globale, à laquelle toutes les marchandises participent. Le mirage du crime en tant qu’opposé au règne légitime résulte du fonctionnement normal des Etats, qui ne font en réalité plus rien d’autre que départager leurs puissants clients des concurrents déloyaux, ces derniers seuls, désormais, étant traités en criminels (mafias centrales versus mafias émergentes).

Etats

Les mafias officielles, à la différence des mafias privées qui en achètent l’état-major et intimident le personnel subordonné qui aurait encore des lubies d’autonomie pour la politique, détiennent certes seules, selon la formule consacrée, les moyens légaux de contrainte physique - en dehors de la légitime défense - susceptibles de se diriger contre les justiciables. Mais les liens privilégiés noués par les castes dominantes privées avec l’état-major des services d’Etat non judiciaires disposant de la violence dernière de fait depuis toujours, mais également de droit depuis la refonte global du bloc de pouvoir étatique à l’échelle globale (cf. Patriot Act I, II, etc. ainsi que leurs traductions en droit ‘national’, il faudrait dire désormais ‘provincial’, dans le monde entier), expliquent les effets d’intimidation sus-cités : l’itinéraire politique n’est plus qu’une procédure de recrutement par cooptation dans la bourgeoisie et sa signification épuise le contenu de la démocratie : qui veut peut faire la pute, un jour il sera maquereau. De telle sorte que le recours à la violence d’Etat s’apparentera toujours davantage, au-delà de tout garantisme c’est-à-dire après la fin de l’Etat de droit - en particulier de l’habeas corpus, fin déjà sanctionnée légalement pour les ressortissants nationaux au Royaume Uni -, à l’usage d’un droit naturel de légitime défense préventive réservé aux seules castes dominantes. Nous avons déjà les guerres préventives contre les bicots et les bougnoules, les bons blancs ne sauraient tarder à déguster, pour peu qu’ils fassent les malins.

La principale fonction rémanente impartie aux appareils d’Etat consiste à se disputer sur un marché devenu mondial les services de protection légaux dont les mafias privées sont demandeuses. Seuls les Etats constituent pour cette raison des mafias au sens originel du mot, puisque leur secteur d’activité exclusif est la sécurité, c’est-à-dire le racket : tu paies (moins) d’impôts chez moi, je te protège aussi bien. La réservation de l’appellation mafieuse aux entreprises privées oeuvrant également dans les autres secteurs tient à l’élargissement des acceptions possibles, outre même celle de capital illégal sous ses autres formes (drogue, traite humaine, armes, etc.), à la notion d’intérêt privé tenant lieu d’unique loi à ceux qui en sont porteurs - quitte à considérer les effets de sécurité (emploi, salaire) qu’elles procurent de fait (de moins en moins) comme des produits intermédiaires de leur activité principale non racketeuse et toujours réductible la plus-value monétisée. Mais là encore, le racket que chaque entreprise exerce sur ses dépendants augmente son pouvoir de persuasion en proportion d’une concurrence oligopolistique qui n’a plus cure ni que faire de salariés récalcitrants largement surpayés par rapport aux enfants du sud du camp travaillant quinze heures sans salaire ni syndicat pour les défendre. Le boniment paternaliste de l’entreprise (boucle-la et bosse, on est déjà bien bon de te payer un salaire et sans nous c’est le chômage qui t’attend) est la self fulfilling prophecy de la concurrence capitaliste.

Quand nous évoquions la fonction sécuritaire des Etats dans la production de capital, il s’agissait avant tout de sécurité fiscale, c’est-à-dire de sécurité des profits. Bien entendu, ces mêmes Etats sont également pourvoyeurs de sécurité au sens physique du mot, et garantissent l’intégrité de l’infrastructure dure des sociétés extractrices de profit. De ce point de vue, on peut dire que sous l’égide étasunienne, une impulsion formidable a été donnée à la refonte complète des systèmes juridiques, non sans répercussion jusques et y compris sur le droit public, c’est-à-dire sur la forme même de l’Etat en général, en particulier en direction d’une subordination complète du pouvoir d’inculpation à l’autorité exécutive, c’est-à-dire en dernière instance policière. L’exécutif, dans son pouvoir de désignation arbitraire du terroriste se trouve épaulé, par la police, devenue corps dans le corps étatique, voire sa vérité nouvelle dans un Etat par ailleurs entièrement ordonné, dans un contexte de coordination interétatique global, à la gestion de la main d’œuvre, du pool global de force de travail productrice de capital. On conçoit qu’il s’agisse moins pour cet antiterrorisme de lettre de cachet de pourchasser de manière indiscriminée les mafias entendues selon une définition même restreinte aux activités criminelles, que de combattre les formes de concurrence jugées déloyales aux yeux des acteurs dominants, seuls agréés pour la compétition mondiale. La légalité des activités n’entre donc ici aucunement en ligne de compte. A la fin de l’habeas corpus qui abolit l’ancienne constitution moderne et partant l’ancien droit public d’un coup sec, il faudrait ajouter les modifications dont elle commande l’esprit intervenues dans le droit de la procédure pénale (garde à vue illimitée, dématérialisation de l’administration de la preuve, laissée à la totale discrétion de la police sans possibilité pour la défense de consulter le dossier à charge, liquidation effective et concomitante du rôle du juge d’instruction, mais aussi accords d’extradition E-U/CE regardant des ressortissants non étasuniens désignés par l’attornee general), le droit pénal (suppression du nulla poena sine lege ou principe de légalité, par la latitude d’interprétation dévolue à travers l’indétermination de la loi, à une magistrature de plus en plus debout, c’est-à-dire ultimement la police, etc., pour ne pas parler des nouvelles et variées incriminations des pratiques internautes etc.). Dans pareil contexte, la démocratie n’est plus que l’autre nom pour une dictature patronale à société de cour abondante, à tel point que le personnel politique apparaît comme une étrange population largement surnuméraire eu égard aux tâches désormais strictement administratives dévolues à l’appareil d’Etat, en dehors de sa fonction répressive s’entend. Nous avons là un vivier décoratif d’affidés, bardés de statuts gratificatoires au pro rata des mérites démontrés dans la seule loyauté sans faille à des chef politiques eux-mêmes transformés en garde-chiourmes du patronat trans-frontière.

Etats-Unis

Dans cette refonte, la puissance de frappe prééminente de l’Etat étasunien et son pouvoir d’injonction sur tous les autres (ou presque) se soutient de la position économique de ses ressortissants dynastiques, qui en retour justifie aisément auprès de ses créanciers une position d’endettement durable par une capacité militaire, c’est-à-dire étatique, d’intervention ubiquitaire capable de débloquer de nouvelles sources de profits, susceptibles d’éponger des pertes perçues dès lors comme provisoires et d’apurer les dettes en question sans coup férir, quel que soit le terme. Il s’agit d’un bluff se dotant effectivement des moyens de supprimer le mensonge sur lequel il repose, c’est-à-dire qui cesse d’en être un. Ceux qui prédisent à l’empire une fin prochaine en arguant de l’insoutenabilité de son endettement oublient que l’endettement en question a permis de produire les conditions militaires susceptibles de faire se rengorger ceux qui prétendraient au remboursement en moyens de paiement internationaux originaux. Du reste, c’est comme si la créance océanique de sang et de sueur que le prolétariat détient depuis des siècles sur le capital mettait per se en danger l’existence de celui-ci.

Etat de gauche ou repli dans les campagnes ? La fausse alternative

On protestera que le secteur public et le tiers-secteur constituent des remparts contre les ‘dérives’ du ‘libéralisme’. Outre que le secteur public se voit peu à peu démanteler, que, puisqu’en général rentre sous cette rubrique la subsidiation des assurances obligatoires (la sécu), lesdites assurances passent aux mains du capital, il n’y a pas plus de dérive, de notre point de vue, qu’il n’y a de bons camps avec de bons bourreaux ; qu’il n’y a, non plus, de libéralisme, nous y reviendrons. Quant au tiers-secteur, ceux qui y entraient comme dans le cheval de Troie du capitalisme ont dû déchanter à mesure que leur mission, de plus en plus encadrée par l’Etat, puisque dépendant des deniers publics, apparaissait de plus en plus clairement pour ce qu’elle était : la voiture-balai de la société, chargée de gérer ses rebuts. Ceux qui en appellent à l’Etat, dans pareil contexte, fournissent les verges pour se faire fouetter. Nous ne nous associerons jamais à leur chorus altermondialiste, quand la seule question pertinente en cette période cruciale pour l’espèce humaine et son biotope, c’est-à-dire en particulier toutes les autres espèces, est celle des moyens d’interrompre les menées du monstre et de l’empêcher de nuire une fois pour toutes. Tout cela ne signifie aucunement que la question de l’Etat soit éludée, c’est-à-dire la question du rapport qu’il y a à entretenir avec lui : il s’agit bien sûr d’un non-rapport, mais d’un non-rapport d’incompatibilité effective, destructeur à l’avantage des formes de vie de la forme de mort centrale que l’Etat soutient de tout son poids, même d’une manière entièrement renouvelée par rapport au keynésisme d’après-guerre. Ce non-rapport est donc de pression et de pesée, voire d’investissement neutralisant, symétrique à la manœuvre étatique permanente, ubiquitaire et inverse d’investissement neutralisant des formes de vie autonomes et anti-étatiques parce qu’anti-capitalistes. Tout ceci suppose une vaste puissance de coordination des luttes, en l’absence desquelles le radicalisme de pensée le plus échevelé est voué à l’écrasement définitif et ce, à très bref délai. L’angélisme au mains pures et le pseudo-réalisme réformiste sont ainsi renvoyés dos à dos.

classes et déclasse

Le crime banalisé en toute légalité est organisé à échelle globale et nul ne se soustrait entièrement à sa commission. Il ne s’agit pas ici pour autant de susciter le sentiment de faute, contre-révolutionnaire en tout état de cause, comme toute tristesse. Même les agents dominants du système n’ont pas de visée criminelle et sont toujours au moins devenus de bonne foi ; l’absurdité de la prétention contraire est patente en particulier lorsque le recours au crime délibéré se justifie dans des situations exceptionnelles par un intérêt supérieur toujours synonyme sinon d’universalité, au moins de plus grande généralité possible. L’oxymore du ‘crime involontaire’ est pourtant la désignation chaque jour plus adéquate du rapport social qui le produit comme sa conséquence aveugle à tous, sauf à ceux qui, pour tombant inéluctablement sous son emprise, s’y refusent - pour autant qu’il est le verdict prononcé contre ce système létal depuis le règne sourd d’une humanité nouvelle, sourdant dans les pores de la vie concentrationnaire.

Il est clair à cet égard que la seule classe révolutionnaire ne saurait plus trouver de définition dans des contours dessinés en toute objectivité par de gentils sociologues, fussent-ils aussi doués que Poulantzas. Il est évident que la classe est la déclasse, même chez Marx, qui voyait précisément dans le prolétariat la non-classe absolue, pourtant classe secrète et double fond du chapeau à lapins capitaliste. On dira que Marx s’en prend au lumpen, qui n’est rien d’autre que l’ensemble des déclassés. Mais ces déclassés ne sont pas les nôtres : Marx visait principalement le rebut omniclasse prompt à se recycler dans les milices jaunes, dont, particulièrement, les surnuméraires de l’armée de réserve ayant brisé tout lien de solidarité avec leur classe d’origine, alors sujet antagoniste par définition, la classe travailleuse s’assimilant à l’époque au prolétariat, pourvu de ses seuls enfants (ce qui le distinguait de l’esclavage) et par ailleurs dénué à tel point que sa seule organisation à quelque fin particulière ne pouvait que participer de la vaste conjuration révolutionnaire. Nos déclassés sont déclassés non pas parce qu’il se soustrairaient à la classe définie comme force de travail global, mais précisément parce qu’ils constitueraient la seule classe définissable comme révolutionnaire, c’est-à-dire ce secteur de ladite force de travail qui chercherait, en formant un sujet de réel, à confondre toutes les classes y compris la sienne propre, y compris donc le secret honteux de la seule classe à proprement parler de la société bourgeoise, la bourgeoisie. Il n’y a de classe qui compte pour Marx que communiste. Certes la sociologie ‘compte’ en quelque manière, puisqu’elle sert à identifier la classe objective, c’est-à-dire la classe empirique ou subjective pour tous, et son rôle producteur du capital contradictoire, contradictoire puisque cherchant à l’abattre du geste même qui l’en sustente et en exprime tout le jus. Mais cette classe n’est pas révolutionnaire en puissance comme l’enfant est adulte en puissance. Pour autant, et c’est là l’utilité de la sociologie, c’est d’elle seule que sourd la déclasse active, le désir d’en finir, de fonder un autre monde.

Au demeurant, quels seraient ces contours de classe ? y a-t-il sens à parler de classe travailleuse à l’heure de classes moyennes même en pure délitescence dans certaines zones du monde (Argentine, p. ex.), où l’étirement des statuts et revenus est sans précédent depuis les sweat shops du sud et du nord jusqu’aux postes de conseiller, sous-directeur et directeur ? on ne saurait il est vrai assimiler la bourgeoisie des patrons à un classe salariée même aristocratique pour une raison simple : elle est expressément la classe des commis de la propriété, elle s’assimile évidemment à la classe dominante. Mais nous parlons de commis, après avoir évoqué la commission du crime, que nous disions être quant à elle le lot de tous. Nulle contradiction pour autant. Que l’empire sans rivage des petites mains reproduise en produisant la plus-value les conditions de son asservissement, cela ne fait nul doute. Les commis exprès du capital n’ont pas besoin de travailler pour vivre, mais de commander et d’accumuler du patrimoine. Le capital-cadrisme n’est pas une appellation vide de sens. Répétons cependant que la notion de frontière de classe est relativement de peu d’intérêt, dans la mesure où non seulement les purs propriétaires dynastiques se réduisent à une caste de plus en plus insignifiante en nombre, de telle sorte que presque tout le monde travaille parce qu’il doit travailler, mais parce que la question est plutôt de savoir quels sont les secteurs, dans cette classe sans rivage, le plus susceptible de laisser fuir des ratés volontaires de reproduction désirés et de fournir ses troupes à la révolution mondiale. Or la question est difficile précisément en raison de l’étirement sans précédent des conditions que nous avons évoqué, la variété inouïe des mentalités et des modes de vie afférents à l’intérieur de la classe planétaire même. On dira que c’est encore sans compter la porosité des classes, la fluidité du passage de l’une à l’autre, etc. On dira que la nécessité de travailler n’est pour beaucoup de hauts revenus que la nécessité de soutenir un train de vie en rapport avec les revenus en question : mais c’est dire autrement que la nécessité de commander, le désir du pouvoir prend le pas sur ou n’est simplement pas la nécessité de travailler. Nous ne nions rien de tout cela, il suffira de concéder que l’aspiration ascentionnelle transforme un travailleur forcé particulièrement dévoué à la civilisation de ses exploiteurs en cadre dirigeant participant pleinement aux privilèges de classe de la bourgeoisie, qui sont autant d’obligations à la fois de soutenir un train de vie rapporté à leur revenu et de continuer de ‘travailler’ au niveau qui est le leur pour se maintenir, voire s’élever dans le train en question. Et éventuellement qu’il s’agit d’élargir la notion de classe dominante aux aspirants exploiteurs avides de travailler pour pouvoir non pas s’en dispenser un jour mais plutôt ‘travailler’ un jour à contraindre leurs nouveaux subordonnés à leur faire les couilles en or attestant sans équivoque leur appartenance à la race des seigneurs.

D’où vient que si la bête classe n’est pas révolutionnaire en puissance, c’est de pourtant bien de sa seule substance que se tirent les déclassés, la classe communiste ? Il s’agit d’une loi probabiliste de psychosociologie. Dans un climat civilisationnel partagé entre la culture de la mortification et celle du bonheur terrestre, c’est-à-dire où cette dernière option est loin d’être laminée par la démence nihiliste des traditions abrahamiques, la probabilité de dérapage dans la reproduction sociale est nettement plus élevée pour les secteurs subalternes de la classe, pour peu que leurs membres aient absorbé une dose inutilement élevée, du point de vue fonctionnel de la reproduction systémique, de culture orale eudémoniste, c’est-à-dire de dressage des désirs d’expression langagière au bonheur, ou, plus simplement, qu’ils soient encore dépositaires de savoir-faire témoignant comme strates ou sédimentations corporelles de dispositions à informer joyeusement l’excès énergétique. Plus gravement encore, ils peuvent avoir passé fût-ce succinctement par la ‘grande culture bourgeoise’, qui, de manière sophistiquée, porte aussi témoignage de libres gambadements de pensée aimantés par la nostalgie desdits savoir-faire en voie de perdition, qui sont, à ce titre, susceptibles de provoquer des déviances d’actualité insupportables du point de vue, encore une fois, de l’assignation à laquelle la bourgeoisie, mais dès lors également les classes travailleuses sont tenues, du fait de leur conscience possible, au rôle de confortement de la civilisation économique et donc matérielle dont la classe qui produit cette culture est porteuse. La classe conquérante, même industrieuse, conquiert aussi ‘l’oisiveté’ des castes dominantes, c’est-à-dire cette part de son activité non fonctionnelle à la reproduction de son rang.

Mais précisément, si la culture bourgeoise, recelant des trésors propices au grand refus, n’est par définition pas l’apanage de classes travailleuses même époqualement suréduquées du point de vue de leur fonction dans l’usine-bureau planétaire, pourquoi donc ce risque accru de raté concerne-t-il principalement les secteurs subalternes de la classe travailleuse, qui constituent la seule classe travailleuse à proprement parler, puisque ses membres sont incapables de s’élever à bref délai, c’est-à-dire bien avant l’âge de la pension, à des sphères de revenu qui permettent de dépasser très rapidement l’accumulation des réserves nécessaires à la satisfaction des besoins de reproduction de la force de travail de toute une vie ? Parce que les statuts y consentent à ceux qui en sont porteurs nettement moins de gratifications, prestige, égards, etc. qu’aux membres de la bourgeoisie concentrée à un point stratosphérique des droits de propriété, ou à ceux de la bourgeoisie cooptée des CEO, dépêchée à la gestion patronale des affaires, les cadres supérieurs participant aussi, bien que dans des proportions significativement inférieures, à une quantité de propriété mobilière susceptible de les décharger formellement eux aussi, en très peu de temps, de l’obligation de travailler. En outre, le dressage des élites à leur rôle fait en général plus que compenser les effets de débauche que sont susceptibles de produire les dotations de prestige en capital culturel, d’ailleurs en chute libre : à part les résidus de dynasties régnantes, on n’exige plus d’un premier ministre qu’il sache qui était le frère de Romulus, pas plus que d’un grand patron, qui pourront se contenter de sortir de HEC en parfaits illettrés, comme tout le monde. En termes ‘philosophiques’, l’épuisement rapide des possibles ou des mirages ascensionnels, ou même seulement des possibilités de jouir du pouvoir y compris sous forme patrimoniale, traduit leur incapacité à compenser de manière supportable le désenchantement provoqué par les ‘désavantages’ inéluctables de la misère et de l’aliénation.

travaux nord et sud, lager unique

De plus en plus la masse des salariés du nord se comportent comme les travailleurs de multinationales recourant aux investissements directs à l’étranger (IDE) en vue de gagner des marchés de services (market seeking) mais pour des biens produits de plus en plus souvent au ‘sud’ du pool de la main d’œuvre globale. Telle est l’affaire de la tertiarisation, typiquement ‘nordique’ : les services juridiques, économiques, les divers conseils techniques et technoscientifiques sont produits en interne, pour et à l’intérieur de l’entreprise, à moins qu’ils soient externalisés, si les effets de la concurrence entre petites unités de services intermédiaires font plus que compenser des coûts de transaction autrement absents.

La comparaison avec les IDE de services de la politique des producteurs de biens assemblés au ‘sud’ à destination de la métropole tient à ce que la fidélisation des marchés est devenue la grande affaire pour les secteurs de biens (de moins en moins) durables, dont la réalisation ne peut plus se soutenir des ressorts traditionnels de la concurrence en prix et de la différenciation annoncée par la pub. La surenchère dans les enquêtes destinées à capturer au mieux le ‘paysage bariolé des styles de vie’, de plus en plus instable, et d’adapter la production à des niches que les acteurs de l’hyper-concurrence oligopolistique tentent de transformer en chasses gardées autant qu’ils se les disputent à mort, vise à huiler la réalisation en produisant une différenciation toujours plus pointue qui anticipe la saturation des marchés et vise à ménager des rentes de monopole précaires en s’engouffrant dans des poches d’accumulation dynamiques rapidement épuisées. L’obsolescence accélérée du capital, sa rapide dévalorisation, cèdent la place à l’obsolescence de la marchandise alors que la capital, comme le travail, se fait productif au possible. Cette différenciation se distingue d’ailleurs de plus en plus mal d’une ‘innovation’ permanente, en réalité un réarrangement permanent d’éléments préexistants (électronique domestique, typiquement), la production de produits joints, etc.
La réduction programmée du cycle de vie des marchandises constitue également une réponse à la saturation des marchés, puisqu’elle permet à moins de frais encore de tirer la chasse plusieurs fois pendant la rotation (l’amortissement) du capital, c’est-à-dire avant l’envoi à la casse ou la liquidation du parc productif : les biens durables se distinguent de moins en moins du dentifrice. La rentabilité élevée des investissements tient également au développement d’une troisième demande dynamique (rentiers du cadrisme), aristocratie salariée ou non, dévoreuse de dividendes et donc de plus-value réalisée non accumlulable : profits élevés et faible accumulation cessent de former un couple monstrueux. Les poches de forte rentabilité s’épuisent aussi rapidement que les modes - ce qui a toujours été le cas, à ceci près la mode passe de plus en plus vite.
Les opportunités de croissance résident dès lors dans les continents ‘émergents’. Au nord, la course à l’innovation c’est-à-dire à la satisfaction monétisée, c’est-à-dire hétéronome et débilitante de besoins nouveaux, de toute façon produits par un durcissement sans cesse accru de l’abrutissement au travail suscite le même tapage par lequel les services capitalistes cherchent à convertir à la soumission et à l’incapacité des continents entiers, par ailleurs inondables d’usines à biens périmés dans le nord (cf. les usines de vieilles VW revendues clés-en-main au Brésil, par ex.). Des populations millénaires, aux modes de production parfaitement originaux, autosubsistants, non énergétivores (au sens des énergies fossiles) et donc non polluants (pétrole), aux effets environnementaux compatibles avec la reconstitution des ressources vivantes (quand bien même elles n’omettaient pas de choisir leurs morts) sont désormais promises à bref délai à la déchéance et à la dégénérescence.

Ce qui doit ressortir de tout ceci, c’est que la bêtise de moins en moins luxueuse dont jouit au nord le pool de main d’œuvre se sustente du sud comme les kapos juifs du travail de leurs propres enfants dans les camps nazis, et les retraites des pensionnés comme leur salaires jadis pour des activités de plus en plus serviles (R. Reich) sont toujours payés par le travail gratuit de trois cent millions d’enfants dans le monde. Ceux qui parlent d’échappement de la valeur comme si la contrainte de réalisation s’était évaporée à l’heure de la hard budget constraint et des sanctions boursières instantanées répondant à de seules rumeurs de moindre rendement parlent un langage adapté aux réalités de l’union soviétique.

envoi (en l’air de la thanatocratie)

Le crime banalisé dans le camp planétaire est une catastrophe écogénocidaire et pneumatocidaire, qui détruit toute culture de l’énergie en excès par rapport aux besoins de la simple survie, qui distinguait pourtant jusque là peu ou prou l’espèce humaine. L’amour de l’humanité dans sa déhiscence d’espèce transformatrice peut de moins en moins se permettre d’exclure l’amour de son biotope. Nous en sommes venus à ce que les autres espèces ont intérêt à ce que nous dsparaissions. La portée transformatrice de l’espèce humaine n’est plus qu’une vaste entreprise de saccage, humanité comprise, forcément. Ceux qui s’étonnent du traitement réservé au bétail, épuisable comme la flore et le pétrole, sont les mêmes imbéciles qui se figurent pour l’humain des droits supérieurs à ceux du cheptel, prompts à la déchéance de cette valetaille d’affidés pâmés devant des dirigeants de droite ou de gauche spécialisés dans le gargarisme juridique et le boniment garantiste. Certes, nul ne leur déniera le droit de crever du cancer avec la pleine assistance aux personnes de l’industrie hospitalière. De leur point de vue, le fait que l’empoisonnement général des moyens de consommation, marchandables ou non d’ailleurs, se produise épisodiquement comme phénomène catastrophique est la preuve du bon fonctionnement des institutions, capables de défendre les hommes et la nature contre le crime ou de contraindre à dédommager en cas d’accident (pas à Bhopal, évidemment). L’étonnant n’est pas que la règle effective apparaisse comme l’exception, puisque celle-ci confirme la règle imaginaire chère à ceux qui font ‘confiance au système’. Le fonctionnement ordinaire passe pour du dysfonctionnement, et son symptôme chronique comme le raté d’un fonctionnement autrement idéal. C’est le rôle de l’Etat de faire passer l’interdiction des bouilleurs de cru artisanaux pour une mesure de santé publique, là où elle garantit aux producteurs industriels le droit d’empoisonner le monde en toute légalité.

Walter Benjamin évoquait l’énervement du mouvement ouvrier, à l’époque où l’on ne craignait pas encore tout à fait de penser, c’est-à-dire forcément de froisser la sensibilité des exploiteurs,négriers et autre bourreaux des peuples. Il visait la veulerie d’une social démocratie qui n’avait plus d’yeux que pour les générations futures et oubliait commodément que la révolution vengerait tout d’abord les victimes générations passées. Nos statolâtres d’aujourd’hui, sûrs de leur audace, feraient bien de méditer cette réflexion, ô combien intempestive. Attendant le salut de l’Etat, à l’heure où celui protège les ateliers de travail clandestin tout en réprimant les clandestins à la sauvette ou au coup de massue selon le cycle électoral de manière à pourvoir une délocalisation sur place en passe d’ailleurs de légalisation, à l’heure où les fraudeurs intergalactiques sont remerciés par les ministres des finances et où l’évasion fiscale dans les paradis pour sociétés-écrans est considérée comme un sport qui a nom ingéniérie fiscale, à l’heure où le blanchiment d’argent sale est un facteur de dopage de l’économie en général et le trafic d’influences érigé en système susceptible de non-lieu, bien malin qui feindrait d’exciper de la neutralité de l’Etat pour s’en servir au service de l’émancipation. L’investissement neutralisant n’a plus grand chose à voir avec la prise du pouvoir. Une coordination révolutionnaire doit désormais se donner pour objectif ‘gouvernemental’ prioritaire sinon exclusif de désamorcer la capacité de nuire de l’arsenal répressif et, le cas échéant, de s’en servir contre les milices privées que les assassins ‘involontaires’ (ou moins), officiels et privés, s’empresseront de monter lorsque des menaces sérieuses se mettront à peser sur leur ‘civilisation’. Si les mesures de communisation requièrent des services industriels minimum, provisoires ou moins, le moment venu, qui n’est pas à demain mais qui cherche ses voies à nouveau et dès aujourd’hui, fournira l’occasion d’en préciser les modalités.

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