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Critique de la spécificité du Québec favorisant la réussite en enseignement supérieurAnonyme, Wednesday, April 13, 2005 - 23:38 Critique d'une lettre (Fil des Évènements du 7 avril 2005) rédigée dans le prolongement du Séminaire sur l’enseignement supérieur de la session d’automne 2004, ayant pour thème la réussite éducative. Groupe de 5 étudiants d’origine géographique variée (2 québécoises, un burkinabé, un mexicain et moi-même) : aspect interculturel du cours qui a induit de nombreux débats autour des enjeux éducatifs dans nos pays respectifs et de l’importance de l’accessibilité à l’enseignement, aussi bien primaire, secondaire que postsecondaire. Pourquoi investir en éducation supérieure ? La réussite scolaire La diversité dans la population étudiante les femmes, les groupes ethniques minoritaires, les immigrants, les étudiants de première génération : Les expériences vécues par les membres des groupes ethniques minoritaires sont également révélatrices des difficultés qui pourraient s’accentuer dans un système d’éducation marqué par le capitalisme académique (Le « capitalisme académique » (qui sera développé un peu plus loin lorsqu’on parlera du dégel des frais de scolarité) se manifeste notamment par une plus grande participation des entreprises privées dans le financement, les politiques et la recherche universitaires, une hausse des coûts reliés à la scolarisation pour les étudiant-e-s et une conception prioritaire de l’éducation en termes économiques : la performance des universités se mesure à leur capacité de produire des diplômés qui répondent à la demande du marché de l’emploi .) Nous ne pouvons ignorer les expériences des étudiant-e-s des Premières Nations au Canada, non seulement parce que ce groupe est en forte croissance démographique et qu’il a un besoin de main-d’œuvre éduquée, mais aussi parce que les relations entre les représentants et les membres du personnel des systèmes d’éducation canadiens et les Premières Nations n’ont pas été couronnées de succès jusqu’à maintenant. Les immigrant-e-s récemment arrivés au Canada vivent une expérience similaire à celle des étudiant-e-s des Premières Nations. Certaines recherches montrent qu’un délai de sept ans est nécessaire pour que les nouveaux arrivant-e-s au Canada dont la langue maternelle est autre que l’anglais acquièrent une connaissance de cette langue et du système d’éducation qui leur permet d’entreprendre des études supérieures sur un pied d’égalité avec les étudiant-e-s d’origine canadienne . En plus d’apprendre à fonctionner en anglais ou en français dans un système scolaire qui leur était inconnu, ces jeunes doivent aussi se forger une nouvelle identité à multiples appartenances issue du déchirement potentiel entre le respect de la culture d’origine et l’insertion dans la société d’accueil. Une étude menée à Toronto montre que les étudiant-e-s des collèges communautaires ayant immigré au Canada suite à leur douzième anniversaire de naissance expriment de nombreux besoins insatisfaits : des besoins d’aide dans l’apprentissage de l’anglais ou dans la poursuite du programme d’études sélectionné, dans le financement des études, dans le soutien moral et affectif et dans l’accès à l’information quant aux services qui s’adressent à eux . Les personnes de première génération à l’université composent aussi un groupe qui risque d’être marginalisé par les mesures reliées à la promotion du modèle et des pratiques reliés au « capitalisme académique ». Ces personnes sont désavantagées par rapport à celles qui ont des parents éduquées puisqu’elles ne disposent pas des mêmes capitaux social et culturel . Les informations sur l’enseignement supérieur dont elles disposent sont moins abondantes ou peuvent être erronées, les membres de leur entourage ne peuvent les aider avec aisance dans leur processus de choix ou les familiariser ou socialiser au fonctionnement du système universitaire et des attentes vis-à-vis les étudiant-e-s. Une étude longitudinale réalisée par Ernest Pascarella et ses collaborateurs aux États-Unis examine les différences entre les étudiant-e-s de première génération et leurs collègues dont les parents ont fréquenté l’université. Parmi leurs conclusions, les auteurs notent que les étudiants de première génération fréquentent des institutions d’enseignement moins sélectives, ont une moyenne cumulative inférieure à celle des autres étudiant-e-s, complètent moins de cours, consacrent davantage de temps à un emploi, ont tendance à vivre hors campus, à s’inscrire à temps partiel et à être moins impliqués dans les activités académiques et parascolaires. Toutefois, celles et ceux qui persistent voient les différences entre leurs résultats et ceux des autres étudiant-e-s s’estomper entre la deuxième et la troisième année d’études. Afin d’aider les étudiant-e-s de première génération, Pascarella et ses collaborateurs suggèrent de les inciter à prendre part à des activités parascolaires, à être actifs dans les discussions et les travaux en classe et de revoir l’aide financière accordée à ces étudiant-e-s, ce qui leur permettrait de se consacrer pleinement à leur vie académique, de faciliter leur insertion et de maximiser leurs chances de succès . Mais pourquoi donc investir auprès de ces groupes ? Tout d’abord, du fait que la diversité culturelle est bénéfique à l’ensemble des étudiants. Le contact entre étudiant-e-s de différentes origines et expériences sociales permet l’acquisition d’aptitudes qui sont essentielles au travail d’équipe, au fonctionnement et à la réussite tant scolaire que professionnelle : l’écoute, l’analyse d’une problématique sous plusieurs angles et la recherche d’un compromis dans le respect et le meilleur intérêt de tous. Cela est tout particulièrement vrai dans un contexte de mondialisation, où la connaissance de diverses cultures facilite un meilleur arrimage entre les membres d’une équipe multiethnique. Selon Gurin et al., (2002), la diversité est essentielle pour apprendre les relations humaines et les compétences analytiques dont les étudiantEs ont besoin pour fonctionner dans une société et dans le milieu de travail (notamment les habilités à bien travailler avec des collègues et / ou personnels d’origine différente). Également, l’accessibilité à l’enseignement supérieur doit être repensée dans une perspective à long terme. De façon générale dans les pays industrialisés, les enfants tendent à atteindre un niveau d’éducation supérieur à celui de leurs parents. Dans une étude historique portant sur les étudiant-e-s qui ont diplômé des universités britanniques dans les années 1930, Carol Dyhouse note que ces étudiant-e-s ont vu leurs enfants et petits-enfants compléter en grand nombre des études supérieures . Cet effet multiplicateur a eu comme conséquence de favoriser la mobilité sociale intergénérationnelle. En donnant accès à un plus grand nombre de personnes à l’enseignement supérieur aujourd’hui, nous leur permettons de se former et nous augmentons les probabilités que leurs enfants et petits-enfants suivent leurs traces. Dans une économie du savoir, y a-t-il une meilleure façon d’assurer la continuité d’une offre de main-d’œuvre qualifiée? Des recherches (Archer, Pratt et Phillips : 2001) réalisées en Angleterre auprès d’étudiantes et étudiants ayant décidé de ne pas poursuivre leurs études au collégial démontrent que leur manque d’intérêt est dû entre autres au fait qu’ils ne s’identifient pas aux systèmes scolaires élitistes et à la population étudiante qui les fréquentaient. Parmi les facteurs qui expliquent cette faible représentation des étudiant-e-s de milieux sociaux moins favorisés se trouve la croyance que les frais reliés à la scolarité sont hors de leurs moyens financiers. D’ailleurs, au cours de la première année où le gouvernement britannique a remplacé les bourses offertes aux étudiant-e-s par des prêts et a imposé des frais de scolarité, la proportion d’étudiant-e-s provenant de milieux moins favorisés a chuté. Nombreux sont ceux qui craignent l’endettement et qui voient les études supérieures comme un pari, puisque, à leurs yeux, l’investissement ne garantit en rien l’obtention d’un emploi stable et convenable. Ces jeunes croient aussi que les universités sont gérées comme des entreprises, où l’argent a préséance sur le savoir, et déplorent que l’État n’offre aucune assistance à celles et ceux qui désirent entreprendre des études. Les inquiétudes face à l’avenir L’augmentation des prêts en défaveur des bourses est une tendance qui n’est pas unique au Québec et dans tous les pays représentés par notre corpus, les chercheuses et chercheurs en sciences sociales appliquées à l’éducation s’inquiètent des conséquences de la diminution de l’aide financière et de l’accroissement de l’endettement étudiant sur l’accessibilité aux études. La déréglementation des frais de scolarité préoccupe également et l’expérience ontarienne est révélatrice : la population étudiante fréquentant des programmes professionnels, plus coûteux, a radicalement changé depuis la déréglementation des frais de scolarité pour les programmes professionnels, en 1998, ce qui a donné à chaque université la liberté de fixer le montant des frais de scolarité pour ces programmes. Pour l’année 2003-2004, les frais de scolarité des universités ontariennes variaient entre approximativement 5 000$ (programmes non professionnels, arts et sciences) et 25 000$ (MBA) . Les effets d’une telle déréglementation sont déjà tangibles. L’inquiétude règne, tant chez les étudiant-e-s que chez leurs parents, quant à la capacité de financer des études universitaires. Trois ans après la déréglementation, les trois-quarts des parents étaient préoccupés de la hausse des frais de scolarité et plus du tiers des étudiant-e-s se disaient « très inquiets » quant à leur capacité de payer leurs études . De façon concrète et pour reprendre l’exemple donnée dans notre lettre, la composition du bassin étudiant en médecine de l’University of Western Ontario s’est transformée. Le revenu familial moyen (mesuré par les revenus des parents des étudiant-e-s) des étudiant-e-s de ce groupe était de 80 000 $ en 1998 ; en 2000, il atteignait 140 000 $. Pour la même période, la proportion de cette population étudiante provenant d’une famille disposant d’un revenu familial inférieur à 60 000 $ par année a chuté de 36 % à 15 % (Fine 2001 : 90 dans Quirke et Davies 2002). Même si nous pouvons penser que certains des étudiants moins bien nantis par leurs ressources familiales ont pu disposer de bourses, nous observons néanmoins que la déréglementation a eu des effets sur la composition sociologique des étudiants. Puisque la capacité des parents de contribuer financièrement aux études de leur enfant est limitée par leur revenu familial, il n’est guère étonnant que la proportion d’étudiant-e-s provenant d’une famille moins nantie ait chuté au moment même où les frais de scolarité croissaient à un rythme fulgurant. Nous pouvons en outre émettre l’hypothèse que cette augmentation des frais de scolarité a des effets indirects sur ces derniers en limitant leurs aspirations. Maintenir la spécificité québécoise Merci. Virginie Duclos, Dominique Tanguay, Université Laval le 12 avril 2005
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