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En tant qu'"occidentaux", que peut-on penser de ce qui se passe au Vénézuéla ?

Anonyme, Tuesday, March 29, 2005 - 17:06

fab

 
Quelques tentatives de réflexion autour de ce qui se passe au Vénézuéla et sur Chavez. Elle nécesiteraient d'être plus approfondies mais j'ai juste voulu écrire rapidement ce que m'inspire la procesus vénézuélien. Même si ce n'est pas fondamental par rapport à ce qui se passe dans ce pays, car ce sont avant tout les vénézuéliens eux-mêmes et les latino-américains qui le font, je pense que nous devons soutenir le procesus en cours, bien sûr tout en restant critique. Et un peu laisser de côté la tendance très forte à juger les évènements en fonction de nos théories (qui sont souvent juste théoriques).

 
Le Vénézuéla, depuis l'arrivée de Chavez au pouvoir, est en train de vivre une période de réformes qui possèdent en elles une portée révolutionnaire. Je pense qu'une position par rapport à la "Révolution Bolivarienne" devrait être celle d'un soutien critique. Comme le dit la Fédération Anarchiste Uruguayenne sur le procesus en cours dans leur pays, "Nous n'allons pas juger sous l'angle du "tout ou rien", encore moins sous celui du "plus c'est pire mieux c'est". Lutter pour des améliorations et des réformes dans le sens de Malatesta : une chose est lutter pour des réformes et une autre est être réformiste. Il faut inscrire ces améliorations ou ces réformes dans une stratégie qui ne fait pas de cela une fin en soi. Pour nous, ce n'est pas la même chose de parvenir à des améliorations ou non".

Le Vénézuéla est un pays dans lequel les inégalités sont énormes (on parle de plus de 60 % de pauvres). Un des axes du procesus de changement mis en place par Chavez est celui de sortir les pauvres de leur condition, ou du moins d'améliorer substanciellement leur situation, en premier lieu au niveau de la santé, de l'éducation et de la faim. Pour nous, occidentaux "révolutionnaires", cela peut être insuffisant mais pour les premiers concernés c'est importantissimo. Ce n'est pas hasard que les vénézuéliens "d'en bas" soutiennent Chavez.

Mais le côté peut-être le plus intéressant de la "révolution
bolivarienne" (qui effectivement n'est pas marxiste ou anarchiste comme certains le souhaiteraient) est la participation populaire, ce n'est pas la démocratie directe mais cela s'en rapproche un peu. Chavez l'a dit, si le peuple ne s'organise pas à la base, rien ne sera possible. Un fait important est l'impulsion et l'existence de radios communautaires dans énormément de quartiers de Caracas, dont l'objectif est l'auto-information des habitants, en particulier pour contrer la propagande des mass-médias.

Il faut d'ailleurs prendre la "révolution bolivarienne" comme un procesus et non comme quelque chose de figé. D'ailleurs les positions de Chavez lui-même évoluent.
Il n'y pas longtemps il a déclaré que seul le socialisme pouvait permettre d'en finir avec la misère et l'exploitation, mais un socialisme nouveau, c'est à dire, différent des systèmes qui se sont déclarés ou se déclarent ainsi, un socialisme "à inventer", un socialisme latino-américain. On peut être très sceptiques sur cette déclaration mais en même temps on peut espérer que ce "nouveau" socialisme (qui ne se fera pas en un jour) repose avant tout sur la participation populaire sans laquelle rien n'est possible. Gardons-nous de jugements hatifs et partiels. Comme disait un homme célèbre, il ne
faut pas "regarder passer les révolutions".

Sur Chavez lui-même, les avis sont très partagés. Une tradition latino-américaine à prendre en compte est celle des "caudillos" (sortes de "sauveurs", de personalités très fortes qui ont une tendance à accaparer le pouvoir). Et bien sûr le Vénézuéla n'y échappe pas. La figure la plus importante et la plus mise en avant par Chavez est celle d'un autre "caudillo", Simon Bolivar, le libérateur. La "révolution bolivarienne" impulsée par Chavez est ni plus ni moins, d'après ses dires, que l'approfondissement de l'oeuvre de Bolivar, de Artigas, de San Martin, c'est à dire de mettre fin à l'impérialisme (étasunien et européen). Cela peut être considéré comme une "lutte de libération nationale" à visée fédérative avec le reste des pays latino-américains. En ce sens, je pense que les différentes positions suite au débat qui a existé au sein du mouvement "révolutionnaire" (marxiste ou anarchiste) au moment des luttes de décolonisation (Algérie, Asie...), sont relativement d'actualité en ce qui concerne le Vénézuéla, ou devraient être, fondamentales au niveau de l'appréciation du procesus vénézuélien et du soutien ou non qu'il suscite.

Sur Chavez proprement dit, je pense qu'il faut apprendre à juger les gens en fonction de leur caractère et de leur histoire personnelle. Les "hommes politiques" restent des hommes "normaux". Et le moins que l'on puisse dire, en ce qui concerne Chavez, c'est que cela est primordial au niveau de son "être" et de ses propos. Chavez est quelqu'un de profondément humain qui recherche sans arrêt le contact avec
le peuple, bien sûr cela peut être considéré comme du populisme "à la Chirac" mais je pense que de sa part c'est sincère. Par exemple, son programme radio hebdomadaire, "Alo presidente", est avant tout pédagogique et explicatif.

Cela dit, il y a énormément de positions (même si ce sont souvent des positions de principe) que je ne partage pas du tout, par exemple, son éloge du général argentin Peron ou ses références au maoïsme. Ou dernièrement son "rapprochement" à Chirac ou à l'Iran. De la part de Chavez, ce sont avant tout des positions dirigées vers les Etats-Unis, (pour Chirac c'est un peu bancale), en gros tout ce qui peut énerver les USA est bon à prendre ou à faire. L'anti-impérialisme par dessus-tout.

Buenos Aires, 29 mars 2005
Fab (sant...@no-log.org)



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