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J’ai pleuré durant toute ma vie

Mehr Licht, Wednesday, March 16, 2005 - 12:56

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Une vieille femme assise sur un parpaing de ciment tombé du mur de sa maison, pleure en silence. Un ange ou une femme très belle, s’est assis à coté d’elle, lui a pris les mains et doucement lui a demandé :

« Quel est ton nom? »

La vieille dame l’a regardé, lui a caressé le visage pour s’assurer qu’elle n’était pas encore une fois face à un rêve, un mensonge, une perfidie de plus que la vie lui envoyait.

« Je m’appelle Aminah et toi apparition as-tu un nom? »

« J’en ai plusieurs…Silvia, Leila, Adriana, tu choisis et je saurai que tu t’adresses à moi. »

« Tes noms sont tous jolis et tes yeux ne mentent pas. Je suis contente que tu sois là, à mes cotés. Je crois que nous allons parler toute les deux. » L’ange lui répondit.

« Je suis là devant toi, justement pour qu’enfin quelqu’un t’écoute et puisse transmettre ta peine, tes tourments au monde entier si tu le désires. Tu pleures des êtres chers disparus ? Tes larmes sont pour ta maison détruite ? Dis-moi ton chagrin. »

La vieille dame qui n’avait somme toute qu’une cinquantaine d’années, à voir son pauvre visage ravagé comme son univers, lui donnait vingt ans de plus. Que de lourds sillons sur cette face burinée comme sur un plat d’argent.

« Alors Aminah! Tu m’entends? Dois-je répéter ma question? »

« Non! J’ai compris ta mission mais je réfléchissais à l’importance des malheurs qui me sont arrivés. Ma maison ? Oui ! Bien sur ! La mort de mon sixième enfant durant la première Intifada, m’a presque fait mourir de peine. Il n’avait que 7 ans et jouait avec ses petits camarades, quand un éclair lui explosa le visage. Aujourd’hui encore, je n’arrive plus à me souvenir de ses traits, je ne vois q’une pauvre frimousse dévastée par des éclats d’obus. Mon deuxième fils fut tué à l’âge de 16 ans par des snipers. Mais ce n’est pas sur ces malheurs que je pleure…. Non! Non! Tais-toi ! Ne m’interromps pas. Je n’ai plus de larmes pour mes enfants disparus, pour ma maison détruite, pour mon époux qui est devenu fou depuis la mort des ses fils. Non ! Non ! Je n’ai plus de larmes pour cela car je les ai toutes pleurées. Dans mes yeux il n’y en a plus pour ces fantômes. C’est du passé et je n’y peux rien. »

La vieille pris le bras de l’ange et l’entraîna vers ce qui restait de sa demeure.

« Regarde comment nous vivons » dit-elle en montrant ce qui restait de sa maison, à peine meublée, et qui peut difficilement résister aux rigueurs des grands froids. L’ange regardait les murs fissurés à travers lesquels s’infiltraient la pluie et le vent, résultats d’explosions accompagnant les incursions et perquisitions à répétition de l’armée colonisatrice. Aminah reprit la parole.

« Tu vois bel enfant, nos sacrifices depuis 60 ans sont incommensurables. On a tué et blessé nos enfants, arrêté des milliers d’entres eux, et détruit des centaines de maisons à coup de bulldozer, de bombardements, sans parler de notre économie saccagée, nos champs ravagés et notre liberté foulée aux pieds des colonisateurs. » Elle baissa la tête comme pour mieux réfléchir afin de placer les priorités là ou elles devaient être.

« Vois-tu, si je pleures encore, si mes yeux versent encore des larmes, c’est pour une toute autre chose. Et si vraiment tu es là pour m’écouter, entends ceci. Nous ne croyons plus aux promesses de paix du premier ministre Ariel Sharon… » Ce nom était enfin lancé, et la vieille dame se sentit sûre d’elle même, s’exprimant sans craintes et avec l’assurance d’être entendue elle continua :

« …Ariel Sharon est le père de tous les massacres et ne peut pas se transformer en colombe du jour au lendemain. Ni les dirigeants Palestiniens, ni les dirigeants Arabes ne doivent faire confiance à Sharon. Nous sommes fatigués de la politique. Il y a eu beaucoup de sommets à Charm El-Sheikh et ailleurs, et nous avons déjà entendu tout cela sans que rien ne change. Sharon ne respectera aucun de ses engagements parce qu’il n’y est pas obligé. Voilà la vérité ! Sharon s’appuie sur un parti très fort et jouit du soutien inconditionnel des États-Unis. » La vieille dame ne pleurait plus, son visage était devenu sec comme une peau de chèvre au soleil. C’est l’ange qui avait pris la relève et qui maintenant versait des larmes d’impuissance face aux malheurs de cette femme.

« Ne pleure pas sur moi mon ange, mais va à travers le monde dire ce qu’un petit peuple subit depuis 60 ans. Explique-leur la franchise des choses, ne fait pas comme certains qui arrangent les faits à leur convenance afin de ne point faire de vagues. Non ! Dis ce que tu as entendu et vu. Dis la vérité. » L’ange pleurait toujours et la vieille dame termina ce qu’elle avait à dire.

« Mon nom, Aminah se traduit ainsi dans ta langue : (Dévote, Crédule) J’ai déjà été l’une et l’autre, mais aujourd’hui je ne crois plus et je pleure la perte de ma foi en l’humanité. Je n’ai plus rien à te dire. » La vielle femme était toujours assise sur ce parpaing et l’ange avait du s’envoler pour répandre la parole d’Aminah.

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