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Le mouvement étudiant en route vers la grève générale

Eric Smith, Sunday, February 20, 2005 - 22:35

Arsenal-express

À moins que le nouveau ministre de l'Éducation n'annonce le retrait immédiat de la coupure de 103 millions de dollars dans le régime d'aide financière que son prédécesseur a imposée l'automne dernier, c'est cette semaine que devrait s'amorcer le mouvement de grève générale que préparent depuis déjà plusieurs semaines un certain nombre d'associations étudiantes de cégeps et d'universités.

À moins que le nouveau ministre de l'Éducation nommé par Jean Charest suite au remaniement ministériel auquel il a procédé vendredi dernier n'annonce le retrait immédiat de la coupure de 103 millions de dollars dans le régime d'aide financière que son prédécesseur a imposée l'automne dernier, c'est cette semaine que devrait s'amorcer le mouvement de grève générale que préparent depuis déjà plusieurs semaines un certain nombre d'associations étudiantes de cégeps et d'universités.

Le mot d'ordre de grève a été lancé par l'un des trois regroupements étudiants nationaux qui existent actuellement au Québec, l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ). Soucieuse d'impliquer les associations étudiantes dites "indépendantes" (i.e. celles qui ne sont membres d'aucun regroupement national), l'ASSÉ a formé une coalition élargie et fixé un seuil minimal à partir duquel la grève sera déclenchée. Déjà, les associations étudiantes des cégeps de Saint-Laurent, du Vieux-Montréal et de Sherbrooke, de même que celles des facultés des sciences humaines, des lettres, langues et communication et du module de science politique de l'UQAM ont voté en faveur de la grève. Plusieurs référendums et assemblées générales sont cédulés dans les prochains jours, si bien que le plancher devrait être atteint d'ici la fin de la semaine. Les associations étudiantes favorables à la grève tiendront un important congrès le week-end prochain à Québec, de sorte que le mouvement pourrait rapidement s'étendre.

Au cours de la semaine qui vient de se terminer, plusieurs actions militantes ont eu lieu à différents endroits au Québec. À Jonquière, des étudiantEs ont bloqué l'accès au bureau de comté de la député libérale Françoise Gauthier avec des balles de foin, jusqu'à ce que la police intervienne et procède à six arrestations. Au Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue à Rouyn, des étudiantEs ont perturbé la visite des ministres Mulcair et Corbeil, qui devait avoir lieu mercredi. À Montréal, une trentaine d'étudiantEs ont pourchassé le détestable Pierre Reid dans ce qui devait s'avérer sa dernière sortie officielle à titre de ministre de l'Éducation, alors qu'il participait à une conférence au distingué Club St-James.

Mais c'est bien sûr jeudi qu'a eu lieu l'action la plus spectaculaire, alors qu'à la surprise de tous, les deux fédérations étudiantes plus modérées (la FEUQ et la FECQ) ont pris d'assaut le Château Montebello, dans la région de l'Outaouais, où le caucus libéral était réuni. La centaine d'étudiantes et d'étudiants y ont été sauvagement accueillis par les flics de la SQ et les gardes du corps des différents ministres du PLQ qui les ont aspergés de poivre de cayenne et vicieusement frappés avec des matraques télescopiques extrêmement dommageables, faisant une vingtaine de blesséEs parmi les manifestantEs.

L'étincelle qui semble actuellement mettre le feu à toute la plaine dans les cégeps et les universités, c'est évidemment cette coupure de 103 millions $ dans le régime d'aide financière aux étudiantEs, qui découle du dernier budget libéral (celui de l'ex-ministre dit "social" Yves Séguin, démis par Charest et que le PQ s'apprête à recruter). Cette coupure s'est traduite par une augmentation de plus de 55% de la portion d'aide financière allouée en prêt, au détriment de celle remise sous forme de bourse -- le montant d'aide total demeurant le même. Elle fut ressentie comme d'autant plus injuste par les associations étudiantes qu'elle ne génère en réalité qu'une économie d'une trentaine de millions de dollars pour l'État québécois: en effet, en vertu de l'entente que l'ancien gouvernement péquiste avait conclue avec le gouvernement fédéral dans le cadre du programme des "bourses du millénaire" mis en place par Jean Chrétien, Ottawa a retranché la somme de 70 millions $ de la part qui devait revenir à Québec, qui s'était engagé à bonifier son propre régime d'aide financière mais qui a fait précisément l'inverse, contrevenant ainsi aux termes de cette entente.

Déjà insuffisant et difficile d'accès, le régime d'aide financière s'adresse principalement aux étudiantes et étudiants les plus démuniEs, qui peuvent ainsi se permettre, dans une certaine mesure, d'entreprendre ou de poursuivre des études supérieures. Malgré le vent de "démocratisation" qui aurait secoué le Québec au cours des 40 dernières années (?), les jeunes issuEs des secteurs les plus pauvres et exploités au sein du prolétariat sont encore massivement excluEs des études supérieures, spécialement des universités. Ceux et celles qui réussissent à y accéder sont soumisES à toutes sortes de contraintes, combinant études et travail mal rémunéré (il n'est pas rare qu'ils et elles doivent poursuivre les deux à plein temps, en parallèle).

Il n'est donc pas surprenant qu'une lutte comme celle qui s'amorce divise le mouvement étudiant, qui demeure essentiellement un mouvement pluri-classiste. Un certain nombre d'étudiantEs, provenant de milieux bourgeois et destinéEs à devenir les futurs gestionnaires du capitalisme, n'ont pas besoin d'aide financière et accueillent même avec une certaine joie la possibilité que les étudiantEs les plus pauvres, qui osent leur faire compétition (!), se voient excluEs des institutions scolaires. D'autres encore, gagnéEs à l'idéologie dominante, voient dans ces coupures un sacrifice nécessaire, dans la poursuite de leur cheminement visant à s'extirper de leur classe d'origine et à se hisser jusqu'aux plus haut sommets (c'est là, le plus souvent, une pure illusion, mais il y en a encore malheureusement plusieurs qui y carburent).

Les militants et militantes anticapitalistes et révolutionnaires en milieu étudiant ont souvent tendance à considérer que la démarcation entre les principaux camps qui divisent le mouvement étudiant se manifeste surtout au niveau des attitudes et des moyens d'action que favorisent les grands regroupements: tandis que certains (FECQ et FEUQ) collaborent outrageusement avec l'État et favorisent généralement le lobbying et les petites actions tranquilles, les autres s'emploieront à maintenir leur indépendance et consacreront tous leurs efforts à promouvoir et organiser des actions directes, plus militantes.

Mais les associations étudiantes modérées peuvent parfois, elles aussi, faire appel à la mobilisation de leurs membres et organiser des actions plus radicales (on l'a d'ailleurs bien vu cette semaine...), surtout quand elles sont contrôlées par des péquistes et que c'est un gouvernement libéral qui occupe les rênes de l'État! La vraie démarcation, celle qu'il faut faire ressortir et approfondir (plutôt que de la masquer sous le couvert de la défense des "intérêts communs" des étudiantEs, qui de toutes façons n'existent pas), c'est celle qui traduit la séparation entre classes sociales opposées. Celle-ci s'exprime, parfois, quant aux moyens d'action, mais elle apparaît surtout au niveau des perspectives générales mises de l'avant.

Les étudiantEs d'origine prolétarienne qui se trouvent actuellement au cégep ou à l'université ne partagent aucun intérêt avec leurs soi-disant "confrères et consœurs" carriéristes qui se voient déjà au volant de leur voiture de luxe, dans leur condo et les bars branchés d'où ils dirigeront les destinées de la populace. Ils et elles sont en réalité bien plus proches des milliers d'étudiantes et d'étudiants des écoles secondaires, dont bon nombre n'iront pourtant jamais au cégep et encore moins à l'université, et de la jeunesse prolétarienne exploitée à petit salaire, qui court d'un emploi précaire à l'autre sans jamais arriver à se bâtir un avenir.

Au moment où on s'apprête à déclencher cette nécessaire grève contre les coupures d'un gouvernement au service de la bourgeoisie, il est bon de se rappeler que le camp de ceux et celles qui se battent pour les intérêts des exploitéEs au sein du mouvement étudiant n'arrivera jamais à la victoire en favorisant l'unité à tout prix d'un mouvement qui s'imposerait éventuellement comme "interlocuteur crédible" auprès du gouvernement.

Il y aura, souhaitons-le, un puissant mouvement de grève contre le gouvernement Charest, mais celui-ci ne saura jamais être "généralisé", dans le sens où il réussirait à rallier tout le monde. Cette lutte qui s'amorce, il faut qu'elle devienne clairement et rapidement celle de toute la jeunesse prolétarienne -- scolarisée ou pas. Ainsi, dès le moment où la grève sera déclenchée par les sept, huit ou dix associations qui en prendront l'initiative, la mobilisation de la jeunesse, et en particulier des étudiantEs des écoles secondaires, devra être appelée à déferler en un puissant torrent qui frappera et ébranlera le gouvernement libéral. C'est à cette perspective que les militantEs étudiantEs anticapitalistes et révolutionnaires devraient œuvre, sans plus tarder.

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Article paru dans Arsenal-express, nº 38, le 20 février 2005.

Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation).

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