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Grève à la SAQ : Réponse à M. ToutantAnonyme, Wednesday, January 12, 2005 - 18:17
Dominique Brault
Une réaction aux affirmations contenues dans la lettre du président de la SAQ, parue le 29 décembre 2004 dans plusieurs quotidiens. Montréal, le 10 janvier 2005 M. Sylvain Toutant En réponse à votre lettre du 29 décembre dernier Monsieur Toutant, La lecture de votre longue lettre ouverte aux journaux m’a laissée stupéfaite. Plusieurs des arguments que vous avancez sont fallacieux. J’en conclus que vous avez été mal informé, par conséquent, j’aimerais vous exposer quelques faits que vos subalternes ont cru préférable de taire. L’affirmation « la SAQ est moins rentable que LCBO » s’avère tendancieuse dans le contexte de votre lettre. Elle insinue que les employés du SEMB sont en cause, alors qu’il n’en est rien. Les raisons sont autres. La marge de profit sur les spiritueux est la plus élevée de tous les produits alcoolisés, dépassant les 80 %. Or, la clientèle ontarienne consomme presque trois fois plus de spiritueux que nous le faisons au Québec. De plus, l’Ontario compte moins de points de vente par habitant que le Québec. Je fais ici référence aux 403 points de vente hors succursales qui entraînent des coûts importants au niveau du transport et diminuent d’autant la rentabilité du réseau de succursales. Si les frais d’exploitation ont sensiblement augmenté ces dernières années, c’est surtout à cause du système informatique VSOP. Ce système bancal devait coûter 25 millions de dollars à l’origine; il a coûté plus de 130 millions à ce jour et ça continue! On s’entête à garder ce système informatique aussi onéreux qu’inefficace afin de camoufler une erreur de jugement quant au choix du système de gestion intégrée. L’autre évidence est le nombre trop élevé de cadres à la SAQ. Selon le dernier rapport annuel, le ratio syndiqués/cadres frôle les 25 %. Admettez qu’il y a des économies à faire à cet égard. Un grand nombre de succursales pourraient facilement être administrées par un caissier principal, supervisé par un directeur de secteur. En fait, M. Toutant, les affaires ne vont pas si mal que ça puisque votre prédécesseur, M. Roquet déclarait en juin dernier « un bénéfice net historique de 570,8 millions de dollars, en hausse de 30,4 millions en comparaison de l’an dernier ». Mes collègues et moi sommes fiers d’être à la première ligne des artisans d’un tel succès. Nous sommes entrés avec enthousiasme dans le virage commercial amorcé dans la seconde moitié des années 90. Nous n’avons pas lésiné sur les efforts, peaufinant nos compétences, polissant notre service à la clientèle si bien que le dernier rapport annuel de la SAQ se félicite du 89 % (un sommet!) atteint pour l’ensemble des succursales en matière de service à la clientèle. Mais, alors que nous envisagions le renouvellement de notre convention avec confiance, notre syndicat s’est heurté à de l’intransigeance, de l’arrogance et même du mépris. La tactique de comparer nos emplois avec les emplois sous-payés du privé utilisée par vos négociateurs est ulcérante pour nous. Comment pouvez-vous vous étonner du ressentiment éprouvé par les syndiqués devant ce manque flagrant de considération de la part de notre employeur? Venons-en au supposé noyau dur du problème : l’assignation des employés temps partiel par division. Vous savez sûrement que ce système fut adopté en 1998. Mme Denise Bilodeau, vice-présidente aux ressources humaines, se réjouissait de cette nouvelle façon de faire dans le rapport annuel de 1999 : « Les employés à temps partiel sont désormais assignés à travailler selon leur ancienneté et leur disponibilité. Mieux encore, plusieurs de ces employés ont désormais des horaires à temps complet, ce qui a réduit la précarité de l’emploi ». Or, les années qui ont suivi l’adoption de cette mesure permettant une plus grande équité pour les employés, ont été des années de croissance exceptionnelle pour l’entreprise. Les bénéfices nets de l’entreprise sont passés de 378,1 M$ en 1998 à 570, 8 M$ en 2003. En 1998, la SAQ était la 22e entreprise la plus admirée au Québec, alors qu’en 2002, elle était passée à la 3e position. Et toutes ces réalisations avec « un système de gestion contre-productif »! Allons, M. Toutant, soyons honnête, ce système a au contraire permis aux employés les plus motivés de faire un nombre d’heures leur permettant de vivre de leur emploi et d’envisager une carrière à la SAQ. De plus, travailler dans plusieurs succursales permet un apprentissage approfondi des différents types de clientèle, des différentes façons de faire. Ces employés mobiles développent une polyvalence hors pair et sont des agents de propagation d’idées nouvelles. Contrairement à ce que prétendent certains gérants de succursales, ce système est avantageux pour l’entreprise. Après 6 ans de rodage, ce système de gestion par division est certes perfectible, mais il n’en demeure pas moins efficace et compris par la très grande majorité des syndiqués. Il pourrait d’ailleurs être envisagé par les employeurs du privé qui voudraient se garantir la fidélisation de leurs employés. Permettez-moi de douter de la compétence des gérants qui prétendent consacrer la moitié de leur temps à la gestion des temps partiel, d’autant plus que le logiciel Gasper a été expressément conçu à cet effet. Quand vous écrivez que la gestion de la division prive les gérants de temps pour former leur personnel, je me dis que l’on s’est moqué de vous. Je suis au service de la SAQ depuis 10 ans et ma formation a été assurée par mes collègues d’expérience. Je n’ai jamais eu l’occasion de voir un gérant faire de la formation auprès de ses employés. À maintes occasions, j’ai eu à partager mes trucs et mon expérience avec de nouveaux collègues laissés à eux-mêmes par le gérant. À la SAQ, la formation se fait essentiellement entre pairs puisqu’ils possèdent le savoir-faire et sont motivés à partager leurs connaissances. Finalement, si vous enleviez la gestion par division et que les employés continuaient à former leurs nouveaux collègues, que les caissiers principaux continuaient à superviser le personnel et à effectuer les tâches administratives des succursales, à quoi serviraient les gérants? À ramasser les bonus, pendant que nous travaillons et faisons prospérer la SAQ? En réalité, il semble que cet enjeu n’en soit pas un. L’équation « gestion par division = moins de rentabilité » ne résiste pas à l’analyse. La partie de bras de fer initiée par la direction a donc forcément d’autres motifs. Ces motifs, quels sont-ils? De quelle autorité émanent-ils? Ne pensez-vous pas qu’il serait temps de nous informer des véritables enjeux qui se trament pendant que l’on se les gèle? Enfin M. Toutant, soyez assuré que les grévistes souhaitent, encore plus ardemment que vous, une solution à ce conflit qui nous permettrait de regagner dignement nos succursales et notre clientèle. Dominique Brault
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