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CYBERCENSURE.COM

PML, Friday, November 12, 2004 - 15:37

Fannie OLIVIER

Indymedia (http://www.indymedia.org) est un réseau de 140 sites d’information indépendante sur Internet qui diffuse des dépêches de journalistes volontaires de partout dans le monde, dont les thématiques tournent souvent autour du militantisme, de la solidarité internationale et de l’altermondialisation. Le 7 octobre 2004, vers 17h30, tout va bon train dans les quartiers généraux d’Indymedia de Grande-Bretagne. Comme d’habitude, on recueille l’information de collaborateurs externes, on la met en ligne, on peaufine la mise en page. Vers 18 heures, subitement, tout s’éteint.

À quelques milliers de kilomètres, dans la ville de San Antonio, Texas, le FBI saisit 21 sites d’Indymedia qu’hébergeait la compagnie américaine Rackspace. Les publications Internet Indymedia de Belgrade, d’Italie, du Brésil, du Portugal, de Prague, de Grande-Bretagne et autres s’évanouissent et l’information accumulée dans leurs serveurs aussi. On s’agite, on se question-ne : qui a pris les serveurs? De quel droit? Les jours passent, voire les semaines, l’incertitude plane dans les médias indépendants alors que des informations contradictoires s’affrontent.

Un porte-parole du FBI a confié à l’Agence France Presse que le FBI aurait procédé à la saisie de ces données pour «des pays tiers». Des médias européens ont affirmé que la Suisse et l’Italie aurait été à l’origine d’une telle demande de saisie. Les représentants de ces deux pays le nient, bien qu’ils ouvrent tous deux des enquêtes sur les activités de leurs sites Indymedia locaux. La Suisse n’aurait pas apprécié la publication sur le site de photos de policiers de Genève qui auraient malmené des militants lors d’une manifestation contre le G8. L’Italie, quant à elle, n’aurait pas digéré la critique virulente qui lui était adressée par l’Indymedia italien pour son engagement dans la guerre en Irak. Rackspace, de son côté, refuse de parler de l’identité du saisisseur apparemment en raison d’une injonction de la cour.

Une semaine après la saisie, les serveurs sont remis en partie à Indymedia. L’indignation face à la violation de l’intégrité de leurs données, toutefois, demeure. Reporters sans frontières, la Fédération internationale des journalistes et les milliers d’individus ayant signé la Déclaration de soutien au réseau Indymedia ont réagi. L’événement est cependant loin d’être isolé.

***

À ses débuts, Internet promettait la démocratisation des médias. Partout sur la planète, des journalistes indépendants pouvaient mettre en ligne leurs nouvelles, des militants s’organisaient et des forums de discussions devaient lancer des débats nouveaux. On salua la venue de sites offrant de l’information indépendante et des cybermilitants décidés à faire tomber des dictatures ou à promouvoir les droits de l’homme via la toile. L’ère des nouvelles technologies s’annonçait salutaire pour la liberté d’expression. Puis deux avions firent un atterrissage forcé dans des gratte-ciel de New York.

Depuis, les choses ne sont plus tout à fait comme le prévoyait la suite logique de l’histoire. Au nom de la lutte au terrorisme, les gouvernements autrefois considérés comme des modèles de liberté de presse n’hésitent plus à censurer, paradoxalement, au nom de ladite liberté.

Bien sûr, les gouvernements autoritaires de cette planète avaient naturellement pris en grippe les Internautes un peu dissidents. Castro a carrément interdit à sa population l’accès à Internet. La Russie ferme les sites tchétchènes. La Chine, qui a installé un système sophistiqué de traque des cyberdissidents ou des simples utilisateurs de sites Internet marginaux, est parvenu à en coffrer une soixantaine. L’Arabie Saoudite censure à outrance. Les pays qui répriment la liberté d’expression le font sur la toile aussi, donc. À cela, rien de surprenant.

Ce qui dérange aujourd’hui, c’est que le phénomène de censure se répand partout sur le globe et que les démocraties libérales sont également contaminées. La France a récemment décidé que les éditeurs d’information sur Internet étaient responsables à vie de leur production sur la toile (alors que ce sont trois mois, pas plus, pour la presse écrite). Aux États-Unis, grâce au Patriot Act qui perdure, on institutionnalise une surveillance des courriels et une augmentation des pouvoirs de surveillance du FBI. On a également rapporté que des entreprises américaines ont fourni de la technologie de filtrage au gouvernement chinois. Au Canada, par un jugement portant sur un site logé hors du pays, on a ouvert la porte à une jurisprudence potentiellement douteuse grâce à laquelle n’importe quel pays pourrait poursuivre des éditeurs Internet d’une autre nationalité.

L’accès à l’information est un droit universel. L’indépendance acquise par les médias alternatifs sur le net semblait mettre un baume sur la convergence qui sévit dans les médias traditionnels. La censure qui s’amorce petit à petit sur la toile ouvre à nouveau la plaie de la pensée unique.

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