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Quand les compteurs d’Hydro tourneront-ils à l’envers ?

SebastienT79, Sunday, September 19, 2004 - 09:04

Sebastient79

 
Des firmes québécoises mettent au point de petites éoliennes permettant de produire soi-même son électricité.

Dernier d’une série de trois articles sur les énergies nouvelles.

 
Produire soi-même son électricité grâce à l’énergie du vent, sans recourir aux grands fournisseurs : ce rêve, déjà réalité, s’appelle autoproduction.

La première petite éolienne de cinq kW à pas variable au monde, silencieuse et capable d’exploiter des vents aussi faibles que trois mètres à la seconde, verra probablement le jour l’an prochain au Québec dans les ateliers de Plastique Gagnon Éolien (PGE), à Saint-Jean-Port-Joli.

Pas très loin de là, à Lévis, chez Éocycle, une importante équipe de chercheurs et de techniciens s’affaire à mettre en marché au profit des turbiniers internationaux un alternateur « à attaque directe », c’est-à-dire capable d’optimiser la production d’électricité sans le recours à la traditionnelle transmission qu’on retrouve à l’intérieur des éoliennes pour faciliter la transformation de la force du vent en énergie. L’ingénieur Maxime Dubois, qui travaille à la mise au point de cette invention, est convaincu que les systèmes à attaque directe verront leur part de marché passer de 10 à 90 % en deux décennies à cause de leur simplicité et de l’importante réduction des coûts de production et l’entretien qui en résulte.

Monika Gagnon, directrice générale de PGE, le seul constructeur d’éoliennes au Québec, est convaincue que le marché de la petite production éolienne, ce qu’on appelle l’autoproduction ou la production individuelle, « est là, sur le point d’exploser, surtout si la Régie de l’énergie permet en 2005 aux clients du secteur résidentiel de vendre l’excédent de leur production personnelle au réseau d’Hydro-Québec ».

Louis Beaulieu, président de Sambrabec et développeur du Catavent, une très petite « turbine » à vent modulaire qui fonctionne dans une enveloppe, à l’abri de la pluie, du verglas et de la neige, raconte qu’il a littéralement « mangé sa chemise » avec cette invention, lancée sur le marché québécois il y a plus de 12 ans, à une époque où les amateurs d’éoliennes étaient considérés comme d’audacieux rêveurs ou, au mieux, des écologistes déconnectés. Son Catavent, une machine d’une surprenante efficacité, est aujourd’hui produit au Brésil parce qu’il s’est taillé un marché intéressant dans les pays en développement. C’est Louis Beaulieu qui a agi comme expert lors des audiences du Suroît pour la coalition des Citoyens et citoyennes vers Kyoto (CCVK).

Pour lui, « l’autoproduction, au moyen de la facturation nette ou inversée qu’il faudrait mettre en place au Québec, n’est pas un problème mais une solution. Si les gens qui vivent dans des régions venteuses, sur le bord du fleuve, du golfe, de grands lacs, commençaient à utiliser l’énergie éolienne disponible à leur porte, on soulagerait le réseau hydro-québécois dans une proportion qui, à bien y penser, ne ferait peut-être pas tellement l’affaire de notre société d’État nationale... ».

L’intérêt est là

Tous les spécialistes sont d’accord sur un point : le jour où Hydro-Québec acceptera de payer à ses clients leurs surplus d’électricité, l’intérêt des Québécois pour l’autoproduction augmentera sensiblement. Les ventes se multiplieront, le prix des appareils baissera et l’autoproduction aura de fortes chances de s’installer ici, même si le coût de revient risque de dépasser pour un temps les tarifs d’Hydro-Québec. Brian Wilkinson, d’Énergie Matrix, explique que pour vendre son électricité au réseau public, un autoproducteur doit s’équiper pour régulariser le voltage et la puissance. Cela coûte plus cher mais, dit-il, en vendant son surplus d’énergie, un autoproducteur rentabilise son équipement plus rapidement.

Par contre, il existe un autre moyen de produire à peu de frais, même s’il a été totalement délaissé par les constructeurs. C’était pourtant un des premiers objectifs des pionniers québécois de l’éolien, qu’on retrouvait dans de petites entreprises aujourd’hui disparues, comme Hélibeauce ou Héliowatt. Au lieu de tenter de régulariser l’électricité de leurs éoliennes et de la stocker à fort coût dans de grosses piles, ces pionniers l’utilisaient, à l’état brut, sans régularisation, en l’envoyant dans des calorifères. Ils avaient inventé ce qu’on pourrait appeler le « poêle à vent ». Comme un poêle à bois, dont les poussées de chaleur sont en dents de scie, cette production de chaleur peut théoriquement diminuer de façon notable la facture d’électricité d’Hydro-Québec, qui se retrouve dans cette stratégie, confinée à garder constante la température de la maison en fournissant juste ce qui manque pour assurer le confort.

Pour l’ingénieur Maxime Dubois, n’utiliser que de l’énergie éolienne brute pour fins de chauffage est d’autant plus rationnel que le chauffage constitue la principale dépense d’énergie des ménages au Québec. Un collègue de l’Université Laval, dit-il, travaille sur un système qui permettra de stocker cette énergie pour en assurer une distribution plus étalée. Par le passé, plusieurs idées du genre ont été utilisées, qui s’apparentent toutes au principe du foyer de masse. Un gros sonotube de béton comme pilier central ou un plancher de béton renforcé de métal pourraient probablement permettre de stocker d’importantes quantités de chaleur et de réduire les pics thermiques de l’éolien.

Des limites

S’il reconnaît que le photovoltaïque, qui permet de transformer la lumière du soleil en électricité, coûte plus cher, Brian Wilkinson est d’avis que c’est encore, et de loin, la meilleure solution au Québec parce que, dit-il,chaque panneau fonctionnera entre 30 et 45 ans sans entretien, sans compter la possibilité d’ajouter des panneaux au fil du temps afin d’accroître la production. Mais comme les quantités d’énergie sont moindres, cette production « noble » doit servir à des applications qui en justifient le prix, par exemple pour des équipements situés loin du réseau, qu’il s’agisse de feux de circulation sur des chemins de fer, d’équipements de transmission en pleine brousse, voire plus près des villes, comme ’électrification de la croix du mont Rigaud ! Brian Wilkinson a aussi rendu totalement autonome une résidence installée dans une île du lac Saint-Louis dont l’approvisionnement par le réseau hydro-québécois devenait trop aléatoire...

C’est la Ville de Montréal, plus précisément l’écocentre Rivière-des-Prairies, qui a réussi en milieu urbain l’intégration la plus poussée de l’éolien et du photovoltaïque et qui, dans les faits, est devenue le premier autoproducteur québécois... avant même que ce type de production ne soit autorisé par la réglementation québécoise ! L’écocentre, où se déploient les services de récupération et de recyclage de Montréal, produit ainsi l’essentiel de son énergie et dirige l’excédent dans le réseau.

Facturation inversée

Officiellement, Hydro-Québec ne permet pas qu’on introduise de l’électricité dans son réseau. Si quelqu’un le fait, son compteur a de fortes chances de commencer à tourner à l’envers, diminuant ainsi la facture d’électricité ! La facturation inversée, comme on la pratique dans 40 États américains, au Japon et notamment en Allemagne, grâce à 100 000 maisons équipées de capteurs photovoltaïques, pourrait entrer en vigueur l’an prochain au Québec. « Il n’y a aucune raison pour qu’au Québec on ne puisse pas, comme dans ces pays ou États, ou encore comme en Ontario, avoir la possibilité de devenir un autoproducteur jusqu’à concurrence de 50 kWh, précise Louis Beaulieu. En Ontario, on s’enregistre avec un simple formulaire disponible sur Internet, sur lequel on précise sur quelle plate-forme de normes fonctionne notre équipement. C’est aussi simple que cela car les équipements de raccordement et de régularisation ont tellement évolué qu’il n’est même plus sérieux de parler de problèmes techniques. Le seul problème qui reste à régler ici dans ce domaine, c’est celui de la volonté politique. Dans la population, il y a plein de gens qui pourraient trouver intéressant de se lancer dans cette production et même d’y faire des profits, à condition de ne pas le faire à l’aveuglette. »

Brian Wilkinson va un cran plus loin : « Il y a plein de gens qui achètent des gros 4X4 même si ce n’est pas très logique en matière d’efficacité énergétique. Ils aiment ça ! Pourquoi quelqu’un ne pourrait-il pas vivre le plaisir de produire pour lui-même et pour le réseau public ? »

Après une première année de production d’éoliennes, Monica Gagnon, de la firme PGE, n’en revient pas : « Sans la moindre publicité, sans la moindre campagne de marketing, nous avons vendu 12 éoliennes d’une puissance de 20 ou 33 kW, des machines de 75 000 $ à 100 000 $, parce que des gens y tiennent. Ici, en Afrique et ailleurs. Ici, au Québec, nous avons équipé un parc récréatif à Saint-Nicéphore, une serre horticole à Rimouski, bientôt peut-être une auberge en Gaspésie, une usine de pêche aux îles de la Madeleine, un édifice d’Environnement Canada à l’Ile-du-Prince-Édouard, et le reste à l’étranger. Qu’est-ce que ce sera quand une plus petite machine de cinq kW sera disponible, moins chère et à portée de la bourse d’un plus grand nombre de personnes ? »

De quoi peut-être ramener Sambrabec au Québec ?

Publié par Louis-Gilles Francoeur le 21 et 22 août 2004 dans Le Devoir
Source: Coalition Québec Vert Kyoto

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