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L'homme des étoilesLouise-Ann Maher, Sunday, August 1, 2004 - 01:11 (Analyses)
Pascal Lapointe
Il a démontré que la science pouvait être quelque chose de fascinant, même si vous êtes le plus parfait des cancres. Il a fait frissonner des centaines de millions de personnes avec ses descriptions quasi-poétiques des galaxies... ou de nos neurones. Il fut de ceux qui croient qu'un citoyen plus cultivé est un citoyen plus libre. Et jusqu'à son dernier souffle, il a conservé cette intime conviction -au risque d'être qualifié de naïf. Carl Sagan (1934-1996) était un scientifique comme il n'en existe que trop peu : détenteur d'un large savoir... et capable de le communiquer avec brio. Armé d'une plume ou d'un micro, il pouvait émouvoir l'auditoire le plus blasé, qu'il parle de la composition chimique des comètes ou de la survie de notre espèce. Grâce à lui, des vocations de scientifiques sont nées. Et au moins deux journalistes ont été suffisamment touchés pour lui avoir consacré ces derniers mois, deux biographies. Etait-il un grand scientifique? Pas au sens où on l'entend d'un Einstein ou d'un Stephen Hawking. Sagan était brillant, et il a publié sa part d'articles pointus. Mais ses intérêts (astronomie, biologie, le cerveau et la possibilité de vie extra-terrestre) étaient trop éparpillés pour faire de lui un candidat au Nobel. Surtout, toute sa vie durant, il demeura déchiré entre le chercheur et le communicateur : d'un côté, le travail obscur, entre quatre murs, sans lequel il n'aurait pas eu cette crédibilité auprès des journalistes; de l'autre, la célébrité, qui lui aliéna une partie de la communauté scientifique. Aussi, les deux biographes éclairent chacun de ces aspects de la vie de l'astronome le plus célèbre du monde. William Poundstone (Carl Sagan : A Life in the Cosmos) s'attarde plus longuement aux écrits scientifiques, à leur valeur et leurs implications, tandis que Keay Davidson (Carl Sagan : A Life) se penche vers le raconteur d'histoires. Naïf, il l'était. Sagan était porté depuis son enfance par une foi inébranlable en la science: donnez à une nation l'objectif de conquérir le cosmos, et elle pensera moins à faire la guerre, disait-il dans les années 60; construisez des robots semi-intelligents, et vous réussirez peut-être à éliminer le racisme (ou à le déplacer vers ces robots!); entrez en contact avec une civilisation extra-terrestre avancée, et elle nous aidera à vaincre nos primitifs problèmes. Mais sans cette naïveté, il n'aurait sans doute pas eu cette volonté de devenir un missionnaire de la science. Il aurait pu, beaucoup plus facilement, se consacrer tout entier à la recherche, après ses premiers succès sur l'atmosphère vénussienne. Au lieu de cela, il publia, en 1966, Intelligent Life in the Universe, son premier ouvrage de vulgarisation, qui contenait déjà plus de spéculations qu'un scientifique " sérieux " ne se le serait permis. Il était ambitieux, révèle Keay Davidson, et il avait un ego assez gonflé. Cela lui valut plusieurs amitiés perdues. Mais son ambition n'était pas de devenir recteur d'université : il voyait les idées qui lui tenaient à coeur passer difficilement la rampe auprès des politiciens; il assistait à la recrudescence des croyances irrationnelles, de l'astrologie aux OVNI. Et il se voyait comme l'homme de la situation. Dans les années 60, alors qu'il avait commencé à agir comme consultant pour la Nasa, les journalistes se mirent à faire appel à lui. Après 1973, il devint une superstar grâce à ses apparitions régulières au Tonight Show, le célèbre talk-show du non moins célèbre Johnny Carson. Le point culminant de ce parcours, ce fut la télésérie documentaire Cosmos, en 1980: 13 épisodes d'une heure, une formidable initiation aux mystères de l'univers, du cerveau, de l'intelligence. Quatre cents millions de personnes, dans des dizaines de pays, ont vu Carl Sagan se promener entre la bibliothèque d'Alexandrie et l'Encyclopaedia Galactica, d'Athènes jusqu'au centre de la galaxie, du Big Bang à l'Homo Sapiens, et se sont soudain sentis plus intelligents. Jamais un documentaire télévisé n'avait eu pareil succès -et rien ne l'a égalé depuis. Le livre Cosmos demeura sur la liste des best-sellers du New York Times pendant 70 semaines! Pour une partie de l'humanité, Sagan était devenu une lumière au milieu des ténèbres de l'ignorance. Et il détestait les profs de science à l'école! "C'était, écrivait-il peu avant sa mort, une plate mémorisation du tableau périodique, des plans inclinés, de la différence entre l'anthracite et le charbon... Il n'y avait aucun sens du merveilleux, aucune perspective... Vous pouviez trouver des livres prodigieux sur l'astronomie dans les bibliothèques, mais pas dans la classe." Certains de ses collègues n'ont jamais apprécié de le voir se vendre à la machine hollywoodienne. Mais lui s'en réjouissait : Johnny Carson m'offre "la plus grande salle de classe du pays". Tous les profs qui ont réussi, depuis des décennies, à faire détester la science aux adolescents débordants de curiosité qui atterrissent dans leur classe, ont de quoi méditer. Pascal Lapointe
Keay Davidson, Carl Sagan. A Life, 1999
William Poundstone, Carl Sagan. A Life in the Cosmos, 1999
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La sortie de ces biographies constitue une occasion de lire ou relire certains des best-sellers de Sagan. Tous n'ont pas ét
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