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Gazoduc du Mackenzie: Les jeunes Dénés résistentbatiste, Thursday, July 29, 2004 - 17:26
Batiste W. Foisy
Du 9 au 12 juillet dernier, l’AJD tenait à Fort Simpson son premier sommet intergénérationnel. Un peu plus de 100 jeunes et aînés s’étaient réunis pour discuter du projet de gazoduc et surtout y affirmer leur opposition. « C’était historique, commente enthousiaste l’organisatrice de l’AJD, Jenn Sharman. C’était la première fois que notre génération se réunissait pour discuter du projet de gazoduc. » Et ils ont discuté ferme ! La déclaration officielle de la conférence n’est pas encore finalisée, mais déjà l’ébauche présente avec aplomb les couleurs de l’Alliance : « Nous, Dénés, jeunes du Nord et aînés du Dennendeh et du delta de la mer de Beaufort, sommes réunis pour partager notre vision d’un future durable basé sur le savoir ancestral et la loi naturelle. Nous reconnaissons avoir la responsabilité de protéger notre territoire, aujourd’hui et pour les sept générations à venir. Nous sommes souverains sur la terre sacrée qui nous pourvoie la vie et qui est la base de notre spiritualité. En solidarité avec nos aînés, nous élevons nos voix pour résister au projet de gazoduc de la vallée du Mackenzie, car il s’agit de développement insoutenable […] qui aura des conséquences néfastes sur l’environnement et la société. » La table est mise. La position du groupe de jeunes quant au gazoduc est claire : le jeu n’en vaut pas la chandelle. Le présent projet à beau se distinguer des propositions précédentes par une implication accrue des communautés autochtones ,ce n’est pas assez, estiment les jeunes Dénés. « Dans notre perspective, explique Jenn Sharman, les bénéfices sont toujours insuffisants en comparaison avec ce que nous devons céder. » À savoir, le contact avec la terre ancestrale. Réchauffement planétaire Plus concrètement, l’AJD évoque les enjeux environnementaux liés au projet et surtout son impact sur les changements climatiques. Comme certains groupes écologistes dont le Sierra Club du Canada, l’Alliance fait le pari que le gaz naturel extrait dans la mer de Beaufort servira principalement à l’extraction d’une autre ressource énergétique dont la valeur est bien plus grande : les sables bitumineux de l’Athabasca. Or, en raison des grandes quantités d’énergie qu’elle nécessite, du gaz naturel par exemple, l’extraction du pétrole contenu dans ces sables a la réputation d’être l’activité industrielle la plus dommageable pour l’atmosphère qui soit. Selon le Sierra Club, les sables bitumineux produisent en moyenne deux fois et demie plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel. Ce qui fait dire à Jenn Sharman qu’appuyer le projet de gazoduc c’est défendre le réchauffement planétaire. Du côté d’Impérial Oil Canada on ne nie pas. « Les marché pour le gaz naturel de la mer de Beaufort n’ont pas encore été spécifiquement désignés, indique le porte-parole de la compagnie, Pius Rolheiser. Il est toutefois raisonnable de penser qu’une partie du gaz puisse être utilisée pour l’extraction des sables bitumineux de l’Alberta. » « Nous avons une responsabilité envers le territoire que nous habitons, mais aussi envers le Terre toute entière, dit la diplômée en développement international. Si ce projet a pour effet d’accélérer le réchauffement planétaire alors nous ne devrions pas le faire, car ce serait irrespectueux envers la Terre. » Pétrolières En s’opposant au gazoduc, l’AJD s’attaque à certaines des plus grosses pétrolières au monde : des compagnies comme Shell, Connoco, Imperial Oil et Exxon-Mobil. Mais cela ne semble pas impressionner outre-mesure la militante. Au contraire, elle est bien déterminée à se faire entendre auprès de ces mastodontes de l’énergie fossile. « Je veux me rendre à l’assemblée des actionnaires d’Impérial Oil et leur dire ‘je m’appelle Jenn Sharman, je viens des Territoires du Nord-Ouest et je m’oppose à ce que vous faites chez moi’ », lance-t-elle sans sourcier. Déjà lors du sommet, l’AJD avait invité des représentants d’Imperial Oil pour qu’ils répondent aux questions des jeunes Dénés sur le Gazoduc. « Je ne crois pas qu’ils s’attendaient à une période de questions aussi exigeante, raconte la jeune femme. J’étais personnellement très impressionnée par la profondeur et la variété des questions que les jeunes ont posées. » Ces questions abordaient, entre autres choses, les problèmes sociaux des communautés dénées, les bénéfices monétaires que rapporte le gazoduc à Imperial Oil comparés aux royautés que percevront les autochtones ou encore la position d’Imperial sur les énergies renouvelables. Jenn Sharman, de son côté, a demandé pourquoi les Dénés devraient faire confiance à Imperial Oil compte tenu des « abus aux droits humains » dont ce citoyen corporatif serait, selon elle, responsable ailleurs dans le monde. Les deux représentants présents se sont refusés à tout commentaire. À Imperial Oil toutefois, on ne considère pas l’AJD comme une menace ni comme une opposition sérieuse. « Nous respectons la vision de l’Alliance de la jeunesse dénée, a déclaré à L’Aquilon le porte-parole d’impérial Oil. Mais nous continuons de penser que la majorité des autochtones concernés par le projet appuient le gazoduc et que les différentes nations du Nord vont en profiter. » Du côté du Aboriginal Pipeline Group (APG) qui représente les intérêts autochtones dans le dossier du gazoduc c’est l’étonnement total. « Je n’ai jamais entendu parler d’eux », s’exclame le président de l’APG, Bob Reed. Mais dès qu’on lui explique ce qu’il en est, il se rallie à la position de la multinationale. « J’ai visité de nombreuses communautés et je n’ai pas entendu un seul commentaire contre le gazoduc. Les bénéfices sont bien trop importants pour passer à côté de cette opportunité », dit-il en ajoutant qu’il serait très heureux de rencontrer les membres de l’Alliance. Aînés Dans ce sommet « de la jeunesse », la parole des aînés occupait une place de choix. Tous les matins, un aîné de la nation dénée partageait sa vision avec les jeunes avant que ceux-ci ne débattent de sujets aussi variés que les droits des autochtones, la mondialisation ou les énergies renouvelables. « Puis on finissait la journée par une prière et par une autre déclaration des aînés », raconte la jeune organisatrice. Remettre la jeunesse dénée en contact avec la sagesse ancestrale de ses aînés est, d’ailleurs, au centre des préoccupations de l’AJD. « La culture et les traditions ont été perdues assez rapidement, constate Jenn Sharman. Il y a un grand fossé entre les jeunes et les aînés. À l’Alliance de la jeunesse Dénée, nous essayons d’unir les jeunes et les Aînés pour s’échanger des histoires et créer une vision commune pour le futur […] Les aînés, poursuit-elle, vivaient sur et par le territoire. Les jeunes d’aujourd’hui vivent dans des maisons préfabriquées fournies par le gouvernement, alors leur contact avec le territoire n’est pas le même. » Mais, dit elle, cet écart n’est pas une rupture. « Au sommet, les jeunes étaient tout à fait inspirés par ce que les aînés leur contaient ; et les aînés, eux, étaient très heureux de pouvoir parler aux jeunes et d’être écoutés par eux. » Ambitions L’Alliance n’est peut être encore qu’un petit groupe de pressions, mais elle nourrie de grandes ambitions. « Nous voyons grand, confie la militante. Nous ne voulons pas être simplement un groupe de bénévoles. Nous voulons être un groupe de pression d’ampleur internationale […] Nous voulons être LA référence en matière d’opposition au projet de gazoduc de la vallée du Mackenzie. » Mais ce groupe demeure émergent et ses moyens sont limités. L’Alliance n’a toujours pas de bureau et partage les locaux d'un groupe de femmes autochtones de Yellowknife. Au festival Folk on the Rocks [le plus gros événement de l'été au nord du 60e parallèle, NDA] les bénévoles de l’AJD vendaient des tee-shirts pour ramasser un peu d’argent et faire connaître leur cause. En ce moment ils sont à la recherche de financement pour pouvoir lancer pour de bon leurs activités et espèrent obtenir l’appui des grandes ONG canadiennes et internationales. « Nous avons établi quelques liens, explique Jenn Sharman sans préciser avec qui. Mais, admet-elle du même souffle, les organisations dans le Sud et aux niveau international ont été réfractaires à afficher leur opposition au gazoduc parce qu’ils n’ont pas entendu d’opposition de la part des autochtones. » Jenn Sharman est confiante que son message sera entendu bientôt et est déterminée à le faire connaître. « Ce que l’Alliance de la jeunesse Dénée dit, insiste-t-elle, c’est que ce ne sont pas tous les autochtones qui supportent le gazoduc. Il y a une immense part des jeunes et des aînés qui s’opposent au gazoduc et nous voulons donner une voix à ces personnes. Nous voulons construire un mouvement qui permet à l’opposition et à la résistance de s’exprimer. Lorsque les gens verront qu’il y a, ici, dans le Nord canadien, un mouvement d’opposition autochtone, nous prédisons que beaucoup plus d’organisations vont sortir de leur mutisme et vont venir nous offrir leur appui. » « Les gens, lance-t-elle finalement avec assurance, vont beaucoup entendre parler de nous dans les mois à venir. » (1) Un des plus important mégaprojet de l'histoire du Canada, le gazoduc du Mackenzie coûtera plus de 5 milliards de dollars et devrait normalement être complété d'ici 2008. Il s'agit d'un pipeline de quelques 1350 km de long qui irait d'Inuvik dans le delta de la mer de Beaufort, j'usqu'au nord de l'Alberta (voir carte) . On y transporterait du gaz naturel provenant des important gisement de la mer de Beaufort. _____
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