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Un point de vue maoïste sur "Fahrenheit 9/11"Eric Smith, Saturday, July 10, 2004 - 23:16
Eric Smith
Moore ne cache pas qu'il vise à inciter les électeurs américains à aller voter aux prochains élections présidentielles en faveur du candidat démocrate, John Kerry. Que celui-ci considère que les États-Unis devront "finir la job" que l'administration Bush a amorcée en Irak ; qu'il s'avère même, à certains égards, encore plus réactionnaire que Bush (qu'il va jusqu'à critiquer, par exemple, pour ne pas soutenir assez fortement la sale guerre menée par l'État d'Israël en territoire palestinien) : tout cela n'empêche pas Michael Moore de lui donner un soutien inconditionnel. Cela dit, on peut tout de même espérer que Fahrenheit 9/11 en amènera certains à considérer que le problème, ce n'est pas seulement le menteur et fou furieux qui dirige les États-Unis, mais que c'est aussi (voire surtout) le système qui engendre tels mensonges et atrocités. - Arsenal-express Je suis allé voir Fahrenheit 9/11 avec des compagnes et compagnons de travail : l'atmosphère qui régnait était absolument électrisante ! Les gens avaient hâte de voir ce qui en était ; tous étaient enthousiastes et surtout, plusieurs espéraient que ce film puisse aider à changer le cours des choses. À voir la longue file d'attente à laquelle on s'est joint en arrivant au cinéma, nous étions convaincuEs qu'on allait assister à un véritable événement. Comme je prenais place à l'intérieur, mon voisin me dit : "Heureux de te rencontrer et de vous voir tous et toutes participer à cette affaire-là." "Cette affaire-là", à laquelle il faisait référence, c'est la dénonciation véhémente du gouvernement et du gang à Bush qui le dirige. C'est la répudiation de la guerre en Irak, du Patriot Act, de la fraude commise aux dernières élections présidentielles, du culte de la richesse, de la corruption qui se répand en haut lieu, et par-dessus tout, des MENSONGES -- ceux qu'on a utilisés pour justifier la conquête d'autres pays, pour y envoyer des jeunes hommes et des jeunes femmes tuer et se faire tuer, et pour garder des millions de gens en "état d'alerte" et ce, d'une manière on ne peut plus cynique. Fahrenheit 9/11 est à la fois féroce et tordant ; et contrairement à ce que hurlent les chiens d'extrême-droite, c'est un film qui reste largement basé sur les faits. Les gens en ont plus qu'assez d'être muselés, réprimés et bâillonnés. Le déferlement d'images et de sons auquel le film nous convie nous donne le sentiment que le couvercle a enfin sauté. C'est en quelque sorte le coup d'envoi d'un été qui sera chaud, hautement politisé, à la fois crucial et rempli de dangers. Ceux et celles qui ont vu "Bowling for Columbine" connaissent déjà la technique cinématographique de type "fusil de chasse" qui constitue la marque de commerce de Michael Moore. L'utilisation de "clips", un peu comme dans un vidéo ; les entrevues piégées avec quelques hauts placés ; la fraternisation avec les travailleurs et travailleuses de Flint ; l'humour ; la juxtaposition satirique des mots et des images : tout y est, et c'est toujours aussi rafraîchissant ! On y voit les Bush, Rumsfeld, Powell et Cheney jurer tous autant qu'ils sont que l'Irak possède des armes de destruction massive et qu'ils sauront les trouver. Et on y voit ensuite la guerre sale qu'ils ont déclenchée, et l'occupation qui se poursuit. Le film de Moore montre aussi des soldats qui expliquent comment la musique rock jouant à tue-tête dans leurs tanks les encourage à "brûler ces enfants de chienne" auxquels ils font face. Par la suite, on voit les visages confus d'autres jeunes soldats qui disent qu'ils ne comprennent tout simplement pas ce qu'ils font en Irak, ni pourquoi la population irakienne les déteste autant. Puis, tout à coup, on passe à cette scène dans laquelle des GIs défoncent les portes des résidences d'Irakiennes et d'Irakiens à Noël, terrifiant les familles en pleine nuit et arrachant les jeunes hommes du lit, pour ensuite se rassembler pour une petite fête lors de laquelle un officier est déguisé en Père Noël... Dans une autre séquence inoubliable, Moore nous présente une femme, Lila Lipscomb -- le portrait type d'une Américaine enthousiaste qui s'est sortie de la pauvreté et qui occupe désormais un emploi stable. Cette femme avait enjoint son fils d'entrer dans l'armée ; elle avait coutume, à chaque matin, de hisser le drapeau américain devant sa résidence, par patriotisme. On la voit, avec sa famille, décrire comment son fils âgé de 26 ans est mort en Irak. Elle nous lit des extraits de la toute dernière lettre qu'elle a reçu de sa part, écrite avant qu'il ne meure : "Que se passe-t-il avec Bush? Il nous a envoyés ici pour absolument rien. Maman, je suis tellement furieux !" Lila Lipscomb raconte qu'au départ, elle considérait comme une insulte, envers elle, son fils et tous ceux qui se sont "sacrifiés pour leur pays", les différentes actions de protestation qui ont eu lieu contre la guerre. Le film nous montre la douleur intense qui l'afflige désormais et la colère qui a commencé à l'animer, dès lors où elle a réalisé que son fils, comme tant d'autres, est mort dans une guerre sale et injustifiée. Son histoire est à la fois douloureuse et révélatrice. Elle est également très puissante, dans la mesure où il s'agit d'un des rares témoignages qu'il nous est donné d'entendre des pertes causées par la guerre. Comme on le sait, il est même formellement interdit, ne serait-ce que de photographier le cercueil des soldats dont les corps sont rapatriés aux États-Unis. Michael Moore présente évidemment sa propre vision des choses, qui demeure assez particulière. Le cinéaste passe à côté des vraies raisons stratégiques pour lesquelles les États-Unis ont voulu conquérir l'Irak. Moore n'y voit que la volonté de profit de grandes corporations et la corruption qui les affecte ; il n'arrive pas à voir et à montrer comment le contrôle du Golfe Persique représente un enjeu stratégique pour l'empire américain. Il insinue que la famille Bush a vraisemblablement trahi les États-Unis, en raison des liens intimes et lucratifs qu'elle a développés avec les princes saoudiens; mais contrairement à ce qu'il en dit, dans cette histoire, ce sont les Bush qui sont les empereurs, et les princes saoudiens dépendent d'eux, en dernière analyse. Notre journal a publié plusieurs articles présentant une perspective communiste révolutionnaire sur toute cette question des objectifs qui sous-tendent les activités des fauteurs de guerre et les menaces qu'ils font courir aux peuples du monde (voir http://rwor.org/resistance/). Après avoir vu Fahrenheit 9/11, nul doute que des millions de gens vont être amenés à débattre, à vouloir connaître la vérité et à chercher des réponses aux grandes questions que le film soulève ; tous ces gens auront intérêt à découvrir cette vision radicale et scientifique, qui seule pourra donner de vraies réponses à leurs questions. Alors donc, nous étions là, tous et toutes ensemble, riant de bon cœur en regardant le film de Michael Moore. On s'est bien sûr insurgé contre les actions proprement scandaleuses menées par le gouvernement, qui y sont présentées et décrites dans le menu détail, comme on ne le fait que trop rarement. Grâce à ce film, des millions de gens vont se rappeler (ou vont découvrir, dans certains cas) que toute cette affaire n'est pas d'abord le résultat d'un échec des services de renseignement, comme on nous le répète, mais que ce sont des mensonges délibérés et une manipulation cynique qui ont mené au déclenchement de la guerre. C'est là un de ces rares moments, dans la culture populaire, où quelqu'un nous montrera enfin comment cette soi-disant "guerre au terrorisme" a fait l'objet des pires manipulations, et qu'elle a été menée pour servir un programme calculé et sinistre. Mais pendant que se déroulaient toutes ces conversations autour du film de Michael Moore, j'ai eu le sentiment qu'il fallait pousser la discussion encore plus loin, de façon à appréhender encore mieux l'étendue des crimes et de la supercherie à laquelle on a fait face. Il faut démasquer la vraie nature de nos dirigeants, leurs motifs et leurs objectifs, de sorte à bien saisir à quel degré de pourriture leur système est rendu, et à quel point la situation est devenue sérieuse. Bush est évidemment celui qui personnifie toutes ces opérations ; mais il faut voir que derrière lui se profile un programme bien plus vaste -- une campagne et une stratégie globales de guerre et de répression qui imprègne toute la classe politique des États-Unis (incluant le Parti démocrate) et qui étend son rouleau compresseur sur une vaste partie du monde. Cette campagne est menée avec un degré d'acharnement et une vitesse que seule une superpuissance impérialiste comme les États-Unis peut atteindre. Les gens qui se sont rués dans les salles de cinéma pour assister aux premières représentations de Fahrenheit 9/11 y allaient avec des sentiments exacerbés, sachant que pour une fois, leurs sentiments les plus viscéraux et leurs opinions politiques allaient enfin avoir droit de cité. Car en temps normal, le fait d'exprimer ainsi sa haine du président -- qui plus est, en temps de guerre -- est considéré comme un geste extrémiste et antipatriotique, voire carrément dément, qui dépasse les limites admissibles. Michael Moore a déjà offert son soutien à John Kerry, dans le cadre des élections présidentielles qui auront lieu en novembre ; lors des primaires, il avait d'abord appuyé le général Wesley Clark. Mais alors que des millions de gens souhaitent exprimer clairement leur opposition à la guerre en Irak et à toutes ces folies initiées par les John Ashcroft et consorts, la campagne actuellement menée par Kerry représente l'inverse de ce sentiment. Le ticket démocrate s'est en effet clairement engagé à poursuivre la "mission" amorcée en Irak par la Maison-Blanche et ce, jusqu'à la victoire finale. Pour stopper cette offensive globale et agressive à laquelle on fait face, il faudra un grand bouleversement politique -- un bouleversement qui contestera, défiera et fera dérailler, éventuellement, les grands desseins de l'empire. Les images de Fahrenheit 9/11 qui montrent l'ancien vice-président Al Gore intervenir personnellement auprès de membres du Congrès d'origine afro-américaine qui protestaient contre le fait que des électeurs noirs avaient été privés de leur droit de vote en Floride, sont très édifiantes à cet égard. On voit là un bon exemple de ce que le Parti démocrate n'a jamais cessé de trahir les espoirs des masses et qu'il ne sert que les intérêts du système, et non ceux du peuple (même si ça implique pour lui de se rallier derrière la présidence illégitime de Bush, ou encore d'approuver sans discussion le Patriot Act fasciste, sans même l'avoir lu). Une offensive rageuse se déroule présentement, qui vise à discréditer et même à supprimer le film Fahrenheit 9/11. Ainsi, un groupe appelé "Citizens United" a demandé au gouvernement fédéral d'interdire les annonces publicitaires télévisées du film de Michael Moore ! Un autre groupe similaire, "Move America Forward", fait notamment pression sur les propriétaires de salles de cinéma pour qu'ils cessent de présenter le documentaire, au motif que Moore tirerait profit de "ses attaques contre l'Amérique et nos soldats". La meute par trop familière des zélotes de la droite a même financé la production d'une série de "documentaires" contre le cinéaste, qui seront présentés dans le cadre d'un nouveau "festival du film" présenté au Texas... Mais ce ne sont pas que les forces de droite habituelles qui font campagne contre Moore : les médias les plus importants leur ont emboîté le pas et ont répété, deux fois plutôt qu'une, que son point de vue était biaisé et n'était pas digne de confiance, et que son film n'allait vraisemblablement intéresser que les "anti-Bush" convaincus. Bref, on accuse Moore d'être un menteur, un propagandiste, un traître et un diffamateur. Ces accusations sont portées par des voyous de droite dépêchés par les mêmes politiciens officiels qui remplissent les ondes de Fox News quotidiennement avec leurs mensonges et leurs vociférations réactionnaires. À travers tous les conflits politiques qui éclatent présentement dans les cercles dirigeants des États-Unis, des forces puissantes et haut placées croient sincèrement qu'elles devraient être autorisées à fermer ou à supprimer les voix qui s'opposent à elles, en toute légalité. Michael Moore a trouvé la manière de dire NON! au programme de Bush, à la guerre et à la répression. Il le dit de façon satirique, espiègle et provoquante, à partir du point de vue social-démocrate qui est le sien. Son film paraît à un moment où des millions de personnes cherchent elles aussi la façon de dire non. Il faut certes retirer toute légitimité à cette bande qui constitue le gouvernement et à ses projets ; il faut enlever toute apparence de soutien populaire à sa croisade vicieuse ; il faut aussi rejoindre ces millions de gens que la classe dominante cherche à tromper et déjouer ce mensonge ridicule voulant que les fauteurs de guerre impérialistes soient les "bons gars" et que leur cause soit juste. Mais nous devons aller plus loin, et plus en profondeur. On doit créer un véritable torrent humain de résistance qui déferlera dans les rues de New York, lorsque le congrès républicain tentera d'investir Bush du titre de "libérateur de l'Irak", de "défenseur des droits de la population américaine" et de "champion mondial de la liberté et de la démocratie" à la fin août. Et en même temps, on doit poursuivre le débat sur ce que nous devons faire, maintenant, pour assurer l'avenir du monde et de l'humnité. (Publié dans l'hebdomadaire Revolutionary Worker/Obrero Revolucionario nº 1245, 04/07/2004, http://www.rwor.org - Traduction: Arsenal-express) -- Arsenal-express est une liste de nouvelles du Parti communiste révolutionnaire (comités d'organisation). Pour vous y abonner : faites parvenir un courriel à
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