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Le mal à l'État pur

Nicole Nepton, Monday, June 21, 2004 - 11:58

Evelyne Bertrand

Evelyne Bertrand présente sa question du jour : "Le programme de commandites, créé pour augmenter la visibilité du gouvernement du Canada au Québec après l'expérience du référendum de 1995, servait à appuyer financièrement des événements. En échange, les organisateurs s'engageaient à placer le mot "Canada" ou l'unifolié en avant plan." Que sous-entend ce paragraphe en apparence insignifiant?

Evelyne Bertrand (UQTR) présente sa question du jour : "Le programme de commandites, créé pour augmenter la visibilité du gouvernement du Canada au Québec après l'expérience du référendum de 1995, servait à appuyer financièrement des événements. En échange, les organisateurs s'engageaient à placer le mot "Canada" ou l'unifolié en avant plan." (Un scandale gigantesque, Isabelle Rodrigue, Presse canadienne) Que sous-entend ce paragraphe en apparence insignifiant?

Ce scandale révèle d'abord et avant tout que n'importe quelle entreprise parvenue à un certain stade de grossissement peut recevoir une commandite pour afficher l'Unifolié ou le mot "Canada" en tant que logo représentatif de son activité. C'est que les mots "Gouvernement du Canada ou du Québec" sont rassurants pour le peuple; excellent argument marketing à la fois pour l'entreprise qui les affichent, et très rentable pour les politiciens et les hauts fonctionnaires qui le vendent. Tous, à leur manière, s'en servent pour grossir leur cote de crédibilité.

Le "gouvernement", entité abstraite, a comme particularité de n'acquérir sa crédibilité qu'en fonction du grossissement médiatique, amené par le nombre et l'importance des entreprises qui se "réfugient" sous sa bannière. Plus les entreprises sont grosses, mieux elles sont cotées au sens éthique, plus elles seront utiles, plus elles seront susceptibles de recevoir une offre de commandite de la part du "gouvernement" : elles contribueront ainsi à la bonne réputation du gouvernement, et vice-versa. C'est pourquoi, entre autres, la poste, les hôpitaux, les chemins de fer, toutes des entreprises privées, une fois "rachetées", sont dites "gouvernementales". Être associées au gouvernement est la commandite visible de ces entreprises.

Au débat des chefs du 14 juin, le chef bloquiste s'en est pris à la machine politique Martin et aux privilèges fiscaux que M. Martin aurait accordés à son ancienne entreprise, Canada Steamship Lines. On sait que les bateaux de l'entreprise de M. Martin battaient pavillon avec le drapeau canadien, même si cette entreprise est délocalisée à l'extérieur du pays (paradis fiscal). On peut aussi comprendre le rôle des fonds de commandites en donnant l'exemple de l'armée, qui facilite le Festival international de musique militaire de Québec en lui louant des équipements et en le finançant peu de sa poche (réputation à sauvegarder : faudrait pas que les gens établissent le "lien"!).

Tout de même, quelques contributions expliquées en entourloupettes par l'armée comme une "reconnaissance" envers le Festival pour services rendus bla bla bla? Le festival, s'il a lieu, apportera encore cette année à l'armée une image plus positive auprès du public, surtout après le scandale de la torture de prisonniers irakiens. Ce n'est pas pour rien que des commandités, Via Rail et Poste Canada, de grosses cotes fédérales qui contribuaient financièrement à ce festival, ont retiré leur aide à ce festival cette année. Question d'image : pour chaque dollar dépensé, le gouvernement aurait obtenu 8,27$.

Dans le même ordre d'idée, il est moins compréhensible que les jeux de loterie soient gérés par le gouvernement provincial. Mais le fédéral est tout de même supposé avoir une cote de crédibilité supérieure au provincial? (on voit ici l'importance de bien choisir son style de gouvernement au fédéral). Le fédéral, qui chapeaute le provincial, a encore cette cote de crédibilité que le provincial n'a plus, entaché par la "requinerie" de Loto-Québec et les problèmes sociaux qui vont avec. Comme de fait, pour en revenir à notre affaire du Festival international de musique militaire de Québec, le gouvernement du Québec subventionne directement l'événement pour 112.000$. Et "papa" fédéral, qui doit rester crédible et détaché du "mal", est moins généreux que prévu : une subvention de 50.000$ a été finalement consentie, mais on s'attendait plutôt à recevoir un chèque trois fois plus élevé, soit 150.000$. Comment fournira-t-on ce qui reste, puisque l'événement, on l'a déjà dit, est rentable? Mystère.

Outre le rôle du "bon" fédéral et du "méchant" provincial, le fait que le service soit immatériel (contrats intangibles facilement effaçables dans les livres comptables) dans l'affaire des commandites ou que l'entreprise semble éthique joue sur la proximité visible des liens entretenus entre le gouvernement et son client. Immatériel : comme les services rendus par les fameuses agences de publicité du scandale des commandites. Plus le service sera immatériel, ou plus l'entreprise semblera éthique, plus le financement du gouvernement est matériel (et visible) puisqu'il s'agit soit de s'entourer de piété, soit d'éloigner les fonds dépensés vers les entreprises qui concourent véritablement, en poids économique ou autre, à la notoriété et à la puissance gouvernementale (un genre de blanchiment d'argent, en gros). Les agences de publicité, en ce sens, n'étaient que des intermédiaires entre le gouvernement et, par exemple, la GRC qui porte le logo "Canada".

L'image du gouvernement fédéral est cependant maintenant "salie" par le "scandale des commandites" (curieusement, les élections fédérales approchent!). Commandites qui ne sont qu'une façon comme une autre de se faire de la publicité, normale pour le gouvernement, mal comprise par les électeurs. L'électeur ne comprend pas encore que les échanges de "services" font partie du mode de gestion courant des grosses entreprises et que le gouvernement n'est que le symbole "plus blanc que nature" de plusieurs entreprises privées. Canada à entreprise : "met mon logo sur tes affaires, je te donne de la crédibilité, et toi tu me rends plus visible aux yeux du public". Ça aurait pu être dirigé par Gagliano ou par un autre. Il a dû en faire une tête ce type lorsque l'ire des journalistes s'en est prise à son image! Encore plus, lorsque les libéraux l'ont congédié parce que ça prenait un "coupable"!

Qu'un 'emprunt', dont le remboursement est sans cesse remis, sur la caisse de l'assurance-emploi serve à financer ce programme de commandites, qui finance lui-même les caisses électorales, c'est là le véritable scandale, d'autant plus qu'un nombre important de chômeurs ne recevraient pas les montants auxquels ils auraient droit après avoir cotisé. Les règles du jeu ont changé : ce n'est plus du donnant-donnant, mais du vol officiel. Les entreprises privées, chapeautées par le gouvernement et justifiant son existence, ont pour mission de faire du profit. C'est donc sur le profit (les économies des autres) qu'elles engageront les dépenses de réinvestissement en publicité, dont le volet politique est un élément important.

Il s'ensuit, suite à sa perte de crédibilité, que le gouvernement lui-même a tendance à se désagréger (le fameux démantèlement de l'État) sans jamais cependant atteindre l'anéantissement, dévoré en apparence par quelques politiciens voraces qui sont cependant financés par l'entreprise privée. La seule fonction des commandites qui leur soit connue est alors mise à nu : financer les caisses électorales des partis au pouvoir pour la prochaine élection et ainsi réaffirmer l'existence du "gouvernement" et des entreprises qu'il chapeaute, dans une boucle sans fin. Le seul problème, c'est que plus l'État est mis à nu, plus le système de la propagation de la foi envers l'entreprise est mis à sac, le gouvernement devant rester bien "gras" (et blanc!) pour rassurer la population sur l'intégrité morale des entreprises qu'il chapeaute plus ou moins directement. Question de logique... me semble.

Pour pousser encore plus loin dans ce qui semble l'incohérence, la confusion totale, le mal à l'État pur, pas de transparence : les résultats de la vérification des livres comptables du parti libéral ne seront pas rendus publics avant le 28 juin. Question de fraude? Si gros que cela? Trop gros tout cela! Non seulement Martin a t-il déclenché lui-même les élections, mais en outre, le 28 juin, 2 jours avant le 1 juillet, jour du déménagement des Québécois?

Oui, et le vote par anticipation, lui? Je connais beaucoup de gens qui ne savent même pas que cela existe! En 1993, 6% de tous les votes aux élections fédérales étaient des votes par anticipation. Pour les 24 dernières élections, le nombre d'électeurs moyen total varie étonnement peu : de 66,4% à 79,4% des électeurs admissibles, soit 73,05%! La moyenne des votes par anticipation n'est aussi pas loin du 6%.

Selon Denis Leclerc, agent de liaison pour Élections Canada : "Le vote spécial est un atout pour la population. C'est utile pour les gens qui savent déjà qu'ils ne seront pas disponibles le 28 juin prochain et les jours du vote par anticipation. Ce n'est pas un nouveau service. Il est simplement peu connu et utilisé". Pourquoi? L'accessibilité au vote par anticipation est déjà elle-même soumise à des conditions spéciales : ne pouvoir se présenter le jour J pour cause de : être à l'extérieur du pays, alité dans un hôpital, religion, à une certaine distance du bureau de vote ou au travail (avec preuves à fournir, vous voyez les complications!).

Le "scandale des commandites" est une habitude de longue date et même une méthode de gestion, pas nécessairement typique aux libéraux : comment alors expliquer qu'on s'arrange pour que la plupart des Québécois n'aillent pas voter, soit par dégoût de la politique, soit par empêchement? Il se pourrait bien que, puisque les anglophones de l'Ontario qui balancent entre Martin et Harper (sans blague, on leur donne 2 choix!) iront voter en masse, que si le parti libéral coule, le parti conservateur gardera la tête hors de l'eau. Faudrait pas prendre les anglos pour des cruches, cependant.

Prochain épisode : Pris d'une folie guerrière, Les États-Unis achètent le Canada sous Harper

Références
Un scandale aux proportions gigantesques, Canoë, Presse canadienne(PC), Isabelle Rodrigue, 10/02/2004, mise à jour 17/05/2004
Une autre victime des commandites, Canoë, 31/05/2004, Presse canadienne
600.000 Canadiens ont déjà voté en prévision des élections de lundi, Canoë, Presse canadienne, Mark Brennae, mardi 21 novembre 2000.
Élections 2004 : il est possible de voter dès maintenant, Lise Tremblay, 28.05.2004, L'express & La parole de Drummondville.
Site du Directeur général des élections. Nom de fichier: poa02b03 Auteur: Wall, Alan. Créé: 08/14/1997. Dernière modification faite par: Andrée Bastien Modifié: 03/30/2000.

Evelyne_Bertrand at UQTR.CA

Élections Canada 2004


Subject: 
Duplicata
Author: 
martin dufresne
Date: 
Mon, 2004-06-21 17:00

du texte "L'alliance entre libéraux et Harper", aussi dans la section "Analyses".


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Subject: 
Le mal à l'État pur ??
Author: 
Louise-Ann Maher
Date: 
Mon, 2004-06-21 21:28

Ce que vous décrivez n'est que la pointe de l'iceberg et est connu depuis longtemps. Pour démasquer "le mal à l'État pur" il faut aller beaucoup plus en profondeur. Lire Michel Cossudovsky, William Blum, Michael Moore, Louise Vandelac. Lire sur les liens entre la famille Bush et les Nazis. Le néolibéralisme n'est pas seulement un mot à "la mode", il a une vision du monde beaucoup plus destructrice et impérialiste que la corruption de politiciens, quoique ça passe par là.


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