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Quarante secondes dans un océan de fausse démocratie

martin dufresne, Thursday, June 3, 2004 - 09:53

David Pestieau

 
La lutte d'un parti de gauche pour l'accès aux médias, en Belgique. David Pestieau, tête de liste PTB+ aux élections européennes, est intervenu avec les responsables des autres formations (CDF, MAS, RWF) pour protester contre le boycott des petits partis par les TV belges. Il explique pourquoi. L'affaire a valeur d'exemple aussi au niveau européen : les voix dissidentes ont-elles le droit de se faire entendre dans l'UE ?

Michael Collon

 
Pour la première fois depuis longtemps, une séquence de 40 secondes du journal télévisé de 19h30 de la RTBF sera consacrée au programme électoral du PTB, ce vendredi 4 juin.

Cette petite victoire m'a fait penser à Paolo, ouvrier de Liège, qui m'avait interpellé l'autre jour : « Est-ce que le PTB participe aux élections, on ne le voit jamais dans les débats électoraux ? »

Pas étonnant quand on analyse le dispositif électoral de la direction de la RTBF 1 : sur les centaines d'heures de débats et de reportages consacrés aux élections, pas une seconde n'est prévue pour le PTB et autres petits partis démocratiques.

Raison invoquée de cette censure : « Vous n'avez pas d'élus ». Mais à chaque élection, en toute logique, il faudrait remettre les comptes à zéro et accorder à chaque parti en lice le même temps de parole. Même dans la France chiraquienne, lors des élections présidentielles, le système est un peu moins inégal car les 16 candidats ont un accès aux tribunes électorales publiques et à certains débats télévisés, ce qui explique les résultats de certains petits partis. Pourquoi pas en Belgique ?

En boycottant le PTB, les grands médias font le jeu des partis fascistes

Pour refuser le passage à l'antenne, la direction de la télévision publique flamande (VRT), quant à elle, invoque que les sondages montrent que les intentions de vote pour le PTB sont limitées. On se demande pourquoi il faut encore organiser des élections, si seuls les sondages comptent (d'autant que l'option PTB n'est pas proposée par les sondeurs) ?

Et quelle valeur ont ces sondages avec un tel boycott médiatique ? En réalité, quel choix donnent les grands médias aux gens qui ne sont pas d'accord avec les quatre grands partis participant au pouvoir ces dix dernières années (écologistes, socialistes, chrétiens et libéraux) ? Celui de l'opposition présentée par les médias comme la seule existante : l'extrême droite.

Ainsi, en boycottant des petits partis comme le PTB et son alternative anticapitaliste, les grands médias font le jeu des partis fascistes qu'ils prétendent combattre.

La RTBF affirme respecter « ses missions de service public ». Mais n'est-ce pas une mission de service public que la télévision indique, par exemple, qu'alors que vous payez 30 à 40 % d'impôts sur vos salaires, les grandes fortunes sont taxées à 0 % en Belgique ? Qu'un parti comme le PTB est le seul parti qui défende prioritairement un impôt sur la fortune de 1 %, revendication soutenue par 120 000 signataires d'une pétition de la CSC ?

N'est-ce pas une mission de service public que d'informer qu'au moment où une famille sur trois ne sait plus payer sa facture médicale, un parti revendique, à partir d'un système qui marche dans d'autres pays, des médicaments complètement remboursés au patient ?

Pourquoi est-ce une mission de service public beaucoup plus importante de donner des milliers de fois la parole aux ministres socialistes qui affirment qu'il faudra allonger la carrière ? Qu'il faut accompagner des chômeurs (ou les prendre en chasse) pour des emplois qui n'existent pas ?

Et pourquoi ne pas donner la parole au PTB qui défend le droit à la prépension avec embauche obligatoire d'un jeune, pour accorder le repos aux plus anciens et un avenir aux jeunes ?

Partout où le PTB peut s'exprimer réellement, il prouve qu'il peut emporter le débat

Partout où le PTB peut s'exprimer réellement, il prouve qu'il peut emporter le débat. Récemment, le médecin PTB Dirk Van Duppen était confronté dans un grand débat à la télévision privée néerlandophone VTM à Léo Neels, le grand patron des firmes pharmaceutiques en Belgique. Dirk a marqué des points : alors qu'avant le débat, seul 61 % du public était pour un contrôle public accru sur l'industrie pharmaceutique, 83 % était derrière le point de vue de Dirk à la fin.

Et Filip Desmet, syndicaliste dans le secteur textile et candidat PTB+ en Flandre occidentale, en débat avec un patron du textile, a lui aussi gagné le débat deux semaines plus tard. « Faut-il être plus flexible pour empêcher les entreprises de délocaliser à l'Est ? » Alors que le public était partagé au début (42 % pour et 41 % contre), à la fin du débat, 67 % était contre, approuvant le point de vue de Filip. Mais dans les deux cas, VTM a refusé de mentionner que Dirk et Filip étaient des candidats du PTB+.

Si les puissants du pays obligent la télévision publique à ne pas laisser la parole au PTB, ils savent parfaitement pourquoi. Ils savent très bien que les points du programme du PTB sont populaires dès qu'on en fait écho.

Chaque voix conquise pour le PTB est une petite victoire

Si nous avons obtenu ces 40 petites secondes, c'est aussi parce que la semaine dernière, avec trois autres petits partis francophones démocratiques (le CDF, le MAS et le RWF), nous avons lancé un appel commun contre les obstacles et les verrous légaux qui discriminent les petits partis. 2

Car, à côté du boycott médiatique, il existe d'autres obstacles qui faussent la campagne électorale et son résultat. Comme le seuil électoral de 5 % : le résultat à Bruxelles, par exemple, est qu'il faut désormais 20 000 voix au lieu de 6 000 pour avoir un siège.

Ou le financement des partis. Ainsi les grands partis (y compris les écologistes) dépensent entre 500 000 et un million d'euros (sans compter les dépenses des candidats) pour déverser leur programme. Financés par l'argent des contribuables, le vôtre.

Pour les 30 à 40 000 voix du PTB, pas un euro de l'État. Le PTB mène sa campagne avec 50 000 euros, dix à vingt fois moins que les grands partis. Et 100 % de ces 50 000 euros grâce à des centaines de dons de simples gens 3. Par contre, seul 0,3 % des dépenses électorales des grands partis viennent de dons. Ne serait-ce pas une mission de service public de révéler cela au grand public ?

Ces 40 secondes sont donc une petite victoire dans un océan de fausse démocratie. Dans ce combat inégal que sont ces élections, chaque voix conquise pour le PTB est aussi une petite victoire et vaut son pesant d'or. Chaque voix est une voix contre la dictature du mensonge. Une voix consciente de protestation contre la politique gouvernementale. Une voix pour « les gens d'abord, pas le profit ». Et il y en a encore des milliers à gagner d'ici le 13 juin.

David Pestieau, tête de liste PTB+ aux élections européennes.

Réagir ? Seulement via http://www.ptb.be/weblogs/davidpestieau/

1. Dispositif RTBF en vue des élections européennes, régionales et communautaire du 13 juin 2004, www.rtbf.be
2. Appel commun de CDF, MAS, PTB et RWF, 27 mai 2004, www.ptb.be
3. 50 000 euros qui ne sont pas encore entièrement récoltés. Aidez-nous à les rassembler.

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