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L'hypocrite nouveau plan d'affaires de Loto Québec

Anonyme, Friday, May 28, 2004 - 00:20

Alain Dubois

 
Le dernier plan d'affaire de Loto-Québec est d'une rare hypocinésie ! Il reprend des arguments des opposants à ses politiques afin de justifier un plan de développement sans précédent... Le nombre de centres de jeux de type "casino" pourrait plus que doubler; on projette de déménager le casino de Montréal au centre-ville et de l'intégrer à un vaste centre "récréotouristique" qui pourrait inclure hôtel, marina, etc.

 
Contexte : Le Québec a été transformé en un vaste casino ...

Le taux de prévalence de personnes souffrant du jeu pathologique est de +/- 5 % et plus spécifiquement de +/- 10 % pour les appareils de loteries-video (ALV). Le gouvernement québécois, lorsqu’il a légalisé les jeux de hasard et d’argent, en a grandement facilité l’accès, entre autres en localisant les casinos de Montréal et de Hull près des centres-villes et surtout en installant des appareils de loteries-vidéo dans un nombre très important de bars et autres débits d’alcool ! Ainsi, on retrouve au Québec des appareils de loteries vidéo (ALV) à presque tous les coins de rue de nos villes et villages ! Le Québec entier a été ainsi transformé par son gouvernement en un vaste casino…

Le plan d’affaire

Le nouveau plan d’affaire de Loto-Québec (L-Q) témoigne de la pression que subit cette société d’État face au développement exponentiel du jeu pathologique au Québec. Dès la première page de son plan d’affaires, Loto-Québec aborde ses responsabilités sociales versus sa mission économique. À la demande du gouvernement, elle annonce que les principes fondamentaux qui la guideront sont :

- minimiser les coûts sociaux reliés au jeu de hasard et adopter de nouvelles mesures pour combattre le jeu pathologique ;
- accroître l’efficacité et la performance générale de Société de manière à maintenir le niveau de bénéfices nets versés annuellement au gouvernement ;
- contribuer, de concert avec les intervenants du secteur, au développement et au succès de l’industrie touristique ;
- ne pas augmenter l’offre globale du jeu.

La bonne nouvelle réside essentiellement au fait que c’est la première fois depuis des années que le gouvernement demande à L-Q de ne pas augmenter l’offre globale du « jeu » et les bénéfices nets qu’elle lui verse.

Création de 5 centres de jeux !

Mais tout ce beau discours de L-Q sur ses responsabilités sociales sert surtout de paravent à un audacieux plan de développement. On prend ainsi prétexte de la réduction de l’offre du jeu pour enlever des bars les appareils les moins rentables (là ou il y a 4 machines et moins) pour les localiser dans des nouveaux centres de jeux (casinos sans jeux de tables ... pour le moment) dont certains d’entre eux pourraient abriter des hippodromes. Cette manœuvre est très habile puisque L-Q récupère à ses propres fins une proposition mainte fois énoncée par les tenants d’une gestion éthique des jeux de hasard et d’argent (J.H.A) afin de réduire l’accessibilité aux loteries-vidéo (L.V.). Cette proposition des tenants d’une gestion éthique des J.H.A. s’inscrit dans un vaste plan d’action qui implique, entre autres, que les L.V. deviennent accessibles uniquement dans des centres de « jeu » sous contrôle étatique. Loto-Québec ne se réapproprie cette idée que pour élargir l’offre et l’accessibilité aux loteries vidéo auprès de ceux qui, par coïncidence, correspondent au profil du joueur pathologique c.-à-d. les hommes ayant un revenu moyen de +/- 40 000 $ / an ! Le parc d’appareil de loteries-vidéo restera, tant qu’à lui, presque intact dans les villes et villages, mais en plus 5 nouveaux centres régionaux de jeux (casinos de grosseur moyenne) apparaîtront sur le territoire québécois. Machiavélique ... vous ne trouvez pas ?!

Le casino de Montréal

Ce n’est pas la première fois que Loto Québec tente de vendre aux Montréalais le déménagement du casino de Montréal au centre-ville. Mais c’est la première fois qu’on joue si habilement les cartes (sic) du tourisme (foire commerciale) et du développement économique.

Le but inavoué de l'opération est de rendre encore plus accessible le casino aux Montréalais et aux banlieusards, et ce, afin d’accroître davantage l’offre du jeu. Malheureusement, Montréal n'est pas Las Végas, Atlantic City ou Monaco. Les touristes ou les supposément grands joueurs internationaux ne se rendront jamais (en nombre significatif) à Montréal pour son unique casino ... Ce type de casino s'adressera toujours principalement à la population locale.

Rapprocher le casino du centre-ville ou comme le suggère aussi Loto Québec, le rénover et l’agrandir tout en construisant un hôtel luxueux dans le vieux port avec une liaison maritime entre le quai attenant à l’hôtel rendrait inévitablement la fréquentation de celui-ci par la population locale ... et le nombre de joueurs pathologiques à Montréal. Le chercheur français Jean-Pierre Martignoni démontre, dans une enquête, qu'il existe un lien direct entre proximité géographique et fréquentation d’un casino. « Un fait d'évidence qui se vérifie au nouveau casino lyonnais. " 80 % des joueurs de notre établissement ne jouaient pas auparavant. Ils se sont découvert un nouveau passe-temps ", reconnaît Guy Benamou, le P.D.G. (...) du (casino) Pharaon. ». Comme le démontrent de nombreuses études, la grande accessibilité des « jeux » de hasard et d'argent est la principale cause du développement du jeu pathologique au Québec. Le projet de rapprocher le casino de Montréal du centre-ville ne pourra qu’entraîner une augmentation du taux de prévalence des Montréalais aux prises avec un problème de jeu pathologique ...

Une taxe déguisée en jeu ?

Les appareils de loteries électroniques sont tout autant un jeu que la « roulette russe ». On y sourit rarement et on y perd gros ...

Les Montréalais et les Québécois sont déjà très (trop) nombreux à éprouver des problèmes avec les « jeux » de hasard et d’argent. Des milliers de familles ont été détruites par ces « jeux ». Une majorité de joueurs compulsifs songent au suicide (jusqu'à 70 %) et chaque année, des dizaines d'entre eux passent à l'acte et se donnent la mort.

Jusqu’où va aller cette soif d’argent facile de la part de nos gouvernements ? On ne peut constamment augmenter la part de l’argent récoltée chez nos concitoyens par cette taxe de misère (ou à la misère) que sont les jeux de hasard et d’argent sans créer de graves problèmes sociaux ... Il faut que cela s’arrête et que nos gouvernements réalisent l’importance de gérer d’une façon plus responsable et éthique cette industrie. Il y a suffisamment de mal qui a été fait comme ça… c’est assez !

Le Conseil québécois pour le jeu responsable

Loto-Québec propose la création d’un organisme indépendant de Loto-Québec et du gouvernement : le « Conseil québécois pour le jeu responsable » qui aurait charge du traitement, de la recherche et de la prévention du jeu pathologique. Voilà qui n’est pas une mauvaise idée ... mais ce conseil devra, contrairement à ce qui est proposé, être complètement indépendant de toute influence gouvernementale ou corporative et avoir toute la latitude nécessaire pour établir ses propres programmes de prévention et financer ses propres recherches. La représentation citoyenne devra être majoritaire et afin d’éviter toute apparence de conflit d’intérêts, les personnes qui auraient été liées de trop près à Loto-Québec, exclues. Mais évidemment, L-Q propose tout le contraire ... Le CA serait composé de représentants des instances gouvernementales et paragouvernementales, de gestionnaires de l’industrie du gambling, etc. etc. L-Q dicte même le nom que devra porter ce Conseil. Loto-Québec pousse même l’audace jusqu’à décrire l’éventuel mandat de ce Conseil et à y énumérer une liste des organismes qu’il devra financer tel le centre d’excellence de l’Université Laval à laquelle est associé Robert Ladouceur, un chercheur que les services corporatifs de L-Q ont financé pendant plus de 20 ans !

Personnellement, je rêve du moment où l’on pourra retrouver dans les médias une campagne de prévention similaire à celle qu’il y a eu ces dernières années pour le tabac ... et où l’on ne parle pas de « fumage responsable et de fumeurs excessifs » ! Je préférerais aussi qu’un «  Conseil québécois pour une gestion éthique et responsable des jeux de hasard et d’argent » soit créé en lieu et place d’un Conseil québécois pour le jeu responsable ...

À quand une gestion gouvernementale éthique et responsable des jeux de hasard et d’argent ?

Le PLAN D’AFFAIRES utilise abondamment la notion de responsabilité du joueur, on y parle de « jeu responsable », de « conseil québécois pour le jeu responsable » ... Cette notion de jeu responsable est des plus perverse, car elle fait porter à la personne souffrant de cette dépendance tout le poids de son problème ! Alors que dans les faits le principal responsable des graves problèmes de jeux pathologiques dont souffrent des centaines de milliers de québécois est le gouvernement et sa gestion désinvolte des « jeux » de hasard et d’argent.

Ce plan d’affaires est, comme tous les autres, plutôt décevant pour les intervenants et chercheurs qui ont à cœur le bien commun de la société et les intérêts des personnes souffrants de cette dépendance. Seul Robert Ladouceur, ce chercheur qui a reçu des millions (lui et les recherches auxquelles il est associé) de Loto-Québec, a applaudi les initiatives de cette société d’État dans un communiqué de presse qu’il s’est empressé à faire parvenir aux médias ...

Le jeu pathologique représente, tout comme le tabagisme et la toxicomanie, un important problème de santé publique. À ce titre, il serait des plus judicieux que le gouvernement du Québec adopte un modèle de gestion plus éthique des « jeux » de hasard et d’argent. Lorsque nos gouvernements légalisent et étatisent une des « industries du vice » : drogues, prostitution, gambling (« jeux » de hasard et d’argent), etc. ils ne devraient être guidés que par de stricts motifs de santé et sécurité publique ... Ce n’est pas ni le rôle ou le mandat de l’état de s’enrichir à même la misère d’autrui ... La majeure partie des profits de Loto-Québec provient des joueurs ayant des problèmes de gambling !

Alain Dubois

Expert et intervenant (A.R.H) dans le domaine des dépendances, membre de la coalition EmJEU et éditeur de www.jeu-compulsif.info

Site de la coalition EmJEU - Pour une gestion responsable et éthique des "jeux" de haard et d'argent
www.emjeu.com
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