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L'empire de l'ignorance, de l'hypocrisie, de l'obéissancesimms, Thursday, May 27, 2004 - 05:52 (Analyses | Culture | Democratie | Education | Guerre / War | Imperialism | Politiques & classes sociales | Resistance & Activism)
J Ninio
Le peuple Américain ne savait pas que ses troupes maltraitaient les prisonniers dans les prisons Iraquiennes. Ignorance. Les officiers supérieurs qui savaient prétendent qu’ils ne savaient pas. Hypocrisie. Les parents des soldats disent que leurs gosses ont été forcés de suivre leurs ordres. Obéissance. La torture est le problème du jour. Il y a deux semaines, le problème du jour était le dossier trompeur pour la guerre. Le peuple Américain a cru les mensonges de l’administration. Ignorance. Le président dit qu’il s’est fié aux renseignements défectueux qu’il a reçu. Hypocrisie. Au lieu de se rebeller, Colin Powell est resté soudé avec son équipe. Obéissance. Les problèmes de l’Amérique sont structurels. Même si Kerry remplace Bush en janvier 2005, l’Amérique aura toujours un enfant parmi six vivant dans la pauvreté ; l’Amérique aura toujours deux millions de citoyens en prison ; l’Amérique aura toujours des installations militaires dans 50 pays. Il est temps que nous regardions la structure derrière les problèmes de l’Amérique. En étudiant l’image que l’Amérique a d’elle-même, on peut rassembler les symptômes de la ‘maladie’ qui afflige la société Américaine. L’Amérique est-elle vraiment le phare de la justice ? Pas quand elle torture les prisonniers. L’Amérique est-elle vraiment le berceau de la démocratie ? Pas quand le président est élu par une minorité, pas quand un gouvernement pour les entreprises remplace ‘par le peuple pour le peuple’. L’Amérique est-elle le pays de la liberté ? Pas quand des entreprises puissantes peuvent bâillonner des dissidents comme Michael Moore. L’Amérique est-elle le pays de l’abondance ? Pas quand un foyer sur treize loge dans une caravane. L’Amérique a-t-elle le meilleur mode de vie ? Dans un sondage de la BBC, 96 pour cent des Américains disent que les étrangers veulent vivre en Amérique. Dans le même sondage, un Français sur 14 dit qu’il préférerait vivre en Amérique. Ce n’est pas difficile de deviner pourquoi : les Français aiment les congés payés, les principes d'égalité et de fraternité, même s’ils ne fonctionnent pas parfaitement. Par le standard de l’Amérique même, le standard de son image d’elle même, l'Amérique est une société malade. Derrière la torture et tous les autres symptômes, on peut trouver les mêmes principes. ‘L’Amérique a toujours raison.’ ‘La force fait le droit.’ ‘Les entreprises ont le droit de maximiser le profit.’ ‘Le gouvernement doit servir l’économie.’ ‘Chacun doit prendre soin de soi-même.’ ‘Le statut provient de l’argent.’ ‘La victoire justifie tout.’ Derrière tout ça, on peut trouver un puissant mélange d’ignorance, d’hypocrisie et d’obéissance. C’est une sorte de maladie, quelque chose que j’appelle le ‘Syndrome IHO’ : I pour ignorance, H pour hypocrisie, O pour obéissance. Sous son influence, les mensonges deviennent vérité, l’injuste devient juste. La paix devient guerre, la justice devient torture. Bien sur, chaque Américain n’est pas toujours ignorant, hypocrite et obéissant. Bien sur, l’Amérique n’a pas un monopole sur l’ignorance, l’hypocrisie et l’obéissance. Mais quand on interprète la société Américaine à travers ces lentilles, les événements quotidiens ont bien plus de sens. Et cela suggère des façons de guérir cette société. Nous devons produire une prise de conscience pour remplacer l’ignorance. Les dissidents doivent crever l’hypocrisie avec la vérité. Au lieu d’obéir, le peuple Américain doit résister. Sur papier, cela semble simple. Mais en Amérique comme autour du monde, beaucoup de gens se sentent impuissants à changer les choses. En France, supposez que vous essayiez de résoudre un seul problème : la prolifération des chaînes de fast food. Vous buterez contre le gouvernement. Vous buterez contre les entreprises. La presse aidera votre combat, mais seulement jusqu`à un certain point. Et vous sentirez que les valeurs de la société moderne vont à votre encontre. Prenez deux amis et essayez de débattre comment les citoyens peuvent résoudre un problème qui vous importe -- le pouvoir croissant du gouvernement Européen, la réforme de la retraite, n’importe quoi. Vous vous trouverez bientôt emmêlés dans la même toile : les priorités du gouvernement, le pouvoir des entreprises, l’attention des médias, les valeurs modernes. Certains appellent cela le ‘système’. Nous nous sentons découragés parce que nous voyons que pour résoudre un problème, il nous faudrait réparer le système en entier. La plupart des gens aimeraient fort réparer le système. Cela veut dire que les citoyens doivent avoir le pouvoir de décider les politiques. Deux tiers des Américains pensent que le Congrès devrait passer des lois plus strictes de contrôle des armes, comme de garder trace de qui achète des pistolets. Sondage après sondage confirme cela, mais les sondages montrent aussi que les Américains s’attendent à ce que le Congrès ne passe pas ces lois. Le gouvernement n’obéit pas le peuple. Les citoyens ne peuvent pas façonner les politiques, encore moins les institutions, à moins d'atteindre une masse critique. Pour atteindre une masse critique, nous devons nous engager, puis nous devons réveiller nos voisins, nos parents, nos amis. Ça marche. C’est la façon dont le changement se produit à chaque fois, du droit des noirs de l’Alabama à voyager à l’avant du bus au droit des habitants de l'Algérie à décider de leurs affaires. Et c’est agréable. La plupart des gens que je connais préfèrent travailler avec d’autres pour un but distant que de rester assis isolés dans leurs salles à manger. L’apathie est une illusion. Nous sommes isolés, alors nous présumons que personne d’autre n’a envie de changer le monde, et nous nous joignons au jeu officiel -- travailler plus dur, acheter plus. Quand on brise l’isolement, quand on parle à des inconnus, on réalise que la plupart des gens partagent les mêmes intérêts. Beaucoup de gens sont en train de se réveiller. La popularité de Michael Moore est un signe de dissidence. Beaucoup chercheront à changer la société s’ils discernent une voie. Il n'y a pas de secret. Pour changer le 'système', nous devons nous engager puis réveiller ceux qui nous entourent: parents, amis, collègues. À un moment donné il devient acceptable de résister -- il devient normal de résister. Ça ne marche pas du jour au lendemain, mais c’est la seule façon sure de produire le changement. Julian Ninio est l’auteur de l’Empire de l’Ignorance, de l’Hypocrisie et de l’Obéissance, qui vient d'être lancé au Festival des Ecrivains de Sydney.
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