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Insurrection chiite en Irak : témoignagesimms, Wednesday, April 7, 2004 - 13:56
Naomi Klein et Andrew Stern
[Traduction d'un texte de Naomi Klein et Andrew Stern sur la situation en Irak] Dimanche, des soldats irakiens sous la tutelle et le contrôle des forces de la coalition ouvrirent le feu sur une manifestation, ici. Au retour des manifestants chez eux, dans le quartier pauvre de Sadr City, ils furent suivis par les tanks, helicoptères et avions de l'armée US qui tiraient au hasard sur des maisons, des commerces, des rues, même des ambulances. Selon les services hospitaliers locaux, 47 personnes furent abbattues, et beaucoup d'autres, blessées. À Najaf aussi, la journée fut sanglante :20 manifestants morts, plus de 150 blessés. Dans Sadr City hier [éd: lundi], les cortèges funèbres passèrent à côté des tanks de l'armée américaine, et des hôpitaux qui débordaient de blessés. Les batailles recommencèrent dans l'après-midi. Faut pas se tromper : ceci n'est pas la « guerre civile » que Washington prédisait, entre chiites, sounnites, et kurdes. C'est plutôt une guerre provoquée par les autorités d'occupation américaines, menée par ses forces contre le nombre croissant de chiites qui supportent Moqtada al-Sadr. Sadr, rival plus jeune et plus radical du Grand Ayatollah Ali al-Sistani, est dépeint par ses supporteurs comme un mélange d'Ayatollah Khomeini et de Che Guevara. Il blâme les É.-U. pour les attaques contre les civils et s'aligne avec le Hamas et le Hizbollah; il lança un appel au djihad contre la constiution intérimaire controversée. Son Irak pourrait ressembler fortement à l'Iran. Et c'est un message avec un public. Pendant que Sistani se concentre sur le lobbying à l'ONU plutôt que sur une confrontation avec l'occupation dirigée par les É.-U., plusieurs chiites se tournent vers les tactiques plus militantes que prône al-Sadr. Certains se sont joint au Mahdi, son armée tout en noir qui revendique des centaines de milliers de membres. Au début, Bremer répondait au pouvoir grandissant de Sadr en l'ignorant ; maintenant, il tente de le provoquer à une bataille sans limites. Toute l'agitation débuta avec sa fermeture du journal de Sadr, la semaine passée, ce qui fut suivi d'une vague de manifestations pacifiques. Samedi, Bremer fit encore accroître la tension en envoyant des forces de la coalition pour entourer la maison de Sadr, et arrêter son responsable de la communication [angl. : communications officer]. Comme on avait pu le prédire, cette arrestation provoqua immédiatement des manifestations à Bagdad ; l'armée irakienne y répondit en ouvrant le feu et, apparemment, en tuant trois personnes. À la fin de la journée, dimanche, Sadr appella ses partisans à mettre fin à leurs manifestations, et à utiliser -- sans les nommer -- d'« autres méthodes » pour résister à l'occupation : un message interprété par plusieurs comme un appel aux armes. Sur la surface, cette série d'événements porte à confusion. Avec le « triangle sounnite » enflammé après les attaques dégoûtantes à Falloujah, pourquoi Bremer pousse-t-il le sud chiite, relativement calme, dans la bataille ? Voici une réponse possible : Washington a abandonné ses plans de passer le pouvoir à un gouvernement irakien intérimaire le 30 juin, et crée maintenant le chaos nécessaire pour qualifier ce transfert d'impossible. Une occupation continuée n'est pas de bonne augure pour George Bush en campagne éléctorale, mais pas aussi mauvaise que si le transfert est effectué et que le pays explose, un scénario de plus en plus probable vu la réjection massive de la légitimité de la constitution intérimaire et du conseil gouvernant [angl. : governing council] mis en place par les É.-U. Mais en envoyant la nouvelle armée irakienne pour tirer sur les gens qu'ils sont sensés protéger, Bremer a détruit le mince espoir qu'ils avaient de gagner de la crédibilité chez ce qui est déjà une population très méfiante. Dimanche, avant de charger les manifestants non armés, les soldats ont été vus en train de mettre des cagoules, pour ne pas être reconnus dans leurs quartiers, par la suite. De plus en plus dans les rues, l'autorité provisoire de la coalition est comparée à Saddam, qui, lui non plus, n'aimait pas vraiment les manifestations pacifiques ou les journaux critiques. Lors d'un interview hier, le ministre des communications irakien, Haider al-Abadi, s'attaqua au geste qui provoqua la vague de violence courante : la fermeture du journal de Sadr, al-Hawzah. Abadi, qui est supposément le chef des médias en Irak, dit qu'il n'avait même pas été informé du plan. Entretemps, l'homme au centre de toute cette affaire, Moqtada al-Sadr, voit son image d'héros s'aggrandir d'heure en heure. Dimanche, toutes ces forces explosives étaient réunies lorsque le square Firdos fut rempli par des milliers de manifestants. D'un côté de la place, quelques enfants montèrent sur un toit pour s'attaquer, couteau en main, à un panneau-réclame de la nouvelle armée de l'Irak. De l'autre côté, les forces américaines visèrent la foule avec leurs tanks, tandis qu'un haut-parleur annonça que « les manifestations sont un élément important de la démocratie, mais bloquer le passage ne sera pas permis ». En avant du square, on trouve la statue que les américains installèrent à la place de celle de Saddam, renversée. Ses figures sans visage représentent supposément la libération du peuple irakien. Aujourd'hui, elles sont couvertes de photos de Moqtada al-Sadr. [Traduction libre de simms] Ce texte fut publié mardi sur le réseau Indymedia, avec une note permettant son usage partout sur le réseau.
texte original, en anglais sur SF Bay Area Indymedia
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