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SANTÉ CANADA ABANDONNE LES CRITÈRES SCIENTIFIQUES D'ÉVALUATIONBleuler, Wednesday, April 7, 2004 - 14:03 Les Canadiens consomment différent produits de santé en vente libre dans les pharmacies avec une relative assurance. Ils ont généralement confiance dans leur pharmaciens et ils savent que des organismes gouvernementaux et les ordres professionnels sont mandatés pour surveiller la qualité des produits qui y sont distribués. Les canadiens font-ils preuve de naïveté? SANTÉ CANADA ABANDONNE LES CRITÈRES SCIENTIFIQUES D'ÉVALUATION DES PRODUITS HOMÉOPATHIQUES En janvier dernier, Santé Canada publiait ses "normes de preuve" relatives aux allégations d'efficacité des fabricants de produits homéopathiques (1). Cette dernière étape concluait un long processus conduisant à l'abandon définitif des critères scientifiques dans l'évaluation de l'efficacité de ces produits et leur remplacement par les critères très libéraux proposés par des fabricants et les adeptes de cette pharmacopée "alternative". UNE NICHE COMMERCIALE INTÉRESSANTE Cette étrange aventure débute dans les années 70-80' lorsque le marché de la santé se découvre une nouvelle niche commerciale dans l'engouement pour les médecines alternatives (2). Des commerçants astucieux ont vite compris l'intérêt de commercialiser des produits auréolés de l'étiquette "alternatif", "naturel" ou "holistique" et de les distribuer en pharmacie ou dans les boutiques de produits "naturels". C'est le cas de l'homéopathie. La commercialisation de l'homéopathie est d'autant plus intéressante pour des industriels qu'elle n'exige aucune recherche fondamentale ou clinique et que les coûts de production sont dérisoires. Il y avait, bien sûr, un petit inconvénient : Tous les efforts du dernier siècle pour démontrer l'efficacité clinique de l'homéopathie ont échoué (3,4,5). À ce chapitre, les évaluations les plus récentes disponibles sur "Cochrane" ne font que confirmer l'absence de preuves significatives d'un quelconque effet pharmacologique (6,7,8). Les produits homéopathiques n'ont donc pas plus d'effet thérapeutique que celui que leur prête l'imaginaire des personnes qui les utilisent. Mais, justement, dans les années 70 et 80 l'imaginaire des consommateurs occidentaux est très florissant. SANTÉ CANADA Au Canada, comme ailleurs dans le monde, la commercialisation de l'homéopathie aurait pu rencontrer un obstacle : La loi sur les produits pharmaceutiques(9) qui interdisait la vente et l'annonce d'une drogue nouvelle à moins que "des preuves substantielles de l'efficacités clinique de la drogue nouvelle aux fins et selon le mode n'emploi recommandé" (article 31-1-85h ) n'est été produites à la satisfaction de Santé Canada. Heureusement pour ces commerçants, la loi canadienne présentait une lacune dans laquelle ils se sont vite engouffrés. Au moment de voter la loi obligeant les pharmaceutiques à faire la preuve de l'efficacité de leur produit, le législateur devrait décider quoi faire avec tous les produits déjà distribués et qui n'avait pas fait la preuve de leur efficacité. Par commodité, le Canada, comme la plupart de pays, a opté pour une close "grand-père" exemptant les produits déjà sur le marché de l'obligation de faire la preuve de leur efficacité. Au Canada, les produits homéopathiques n'étaient plus distribués depuis des décennies, mais ils l'avaient déjà été au début du siècle. Aussi, les multinationales homéopathiques sont parvenues à se prévaloir de la close "grand-père", à obtenir une cote DIN et à distribuer leurs produits sans avoir à faire la preuve de leur efficacité. DES SCIENTIFIQUES INQUIETS Des chercheurs de Santé Canada se sont opposés à ce privilège et ont recommandé à l'État d'adopter des mesures visant à informer la population sur la valeur véritable de ces produits. En 1990, dans la "Lettre de renseignement 775", le docteur Liston Ph.D., alors sous-ministre adjoint à de la Direction générale de la protection de la santé, se faisait l'écho de cette opposition (10). Il rappelait que: 1- Jamais les produits homéopathiques n'étaient parvenus à démontrer leur "efficacité". Ces directives ne sont jamais entrées en vigueur. Elles n'ont même pas été défendues par le ministre. Pourquoi? La lettre 775 du sous-ministre Liston a vite fait des vagues. Très peu de temps après sa diffusion, les multinationales, jusqu'alors concurrentes, aplanissaient leurs différents devants ce danger commun et faisaient alliance au sein de l'Association pharmaceutique homéopathique Canada (11). C'est explicitement pour faire obstacle aux recommandations de la lettre 775 que APHC a été fondée et qu'elle poursuit encore ses activités. L'histoire des relations entre Santé Canada et le lobby homéopathique entre alors dans une période plus obscure. On ne parvient pas à savoir qui et comment le lobby de l'APHC s'est exercé. Il apparaît cependant que ce lobby a été très efficace puisque 5 ans plus tard Santé Canada tournait sa veste et confiait le dossier à des fonctionnaires plus complaisant avec l'homéopathie (12). Par la suite, le dossier à déboulé au profit des fabricants. En 1995, Santé Canada formulait un projet de règlement élargissant sensiblement la réglementation au profit des distributeurs de produits homéopathiques (13). Ce projet, sans précédent, prévoyait de permettre aux fabricants de faire des allégations sur l'efficacité de leurs produits sans avoir à en faire la preuve scientifique, ce qui est interdit aux compagnies pharmaceutiques distribuant de vrais médicaments. Pour les homéopathes, de simples références à une croyance traditionnelle homéopathique auraient suffi à valider leurs prétentions. Il semble que de nouvelles résistances se sont manifestés puisque l'application de la politique fut suspendue provisoirement. En 1997, le dossier fut confié au Comité permanent de la santé de la Chambre de Communes avec un mandat très tendancieux, celui s'assurer "aux consommateurs la liberté de choix et l'accès aux produits de santé naturels". Le Comité rencontra près de 150 témoins dont la très grande majorité était des commerçants en produits "alternatifs" ou des prosélytes enthousiastes des pharmacopées alternatives. Les quelques témoins appartenant au milieu de la recherche, au milieu médical et aux organismes de protections de consommateurs firent valoir leur point de vue. Ils soulignèrent l'importance d'exiger que les allégations relatives à l'efficacité des produits soient démontrées scientifiquement par des recherches cliniques à double insu, de la même façon que tout autre médicament. Cette exigence fut rejetée par le Comité parlementaire. Dans son rapport (14), le Comité conclut : "Le Comité recommande donc que : (…) les éléments de la preuve ne se limitent pas aux essais cliniques à double insu, mais englobent aussi d'autres types de preuves, comme les références traditionnelles et généralement acceptées, le consensus professionnel," La table était mise pour les fabricants de granules homéopathiques. Il n'ont d'ailleurs pas tardé à s'y assoire en compagnie de fonctionnaires complaisants pour faire valoir leurs prétendions cliniques et leurs intérêts commerciaux. Les procès verbaux des rencontres très officielles entre Santé Canada et le lobby homéopathique sont presque tous disponibles sur internet (15). On y remarque la nature des arguments invoqués par le lobby des fabricants pour infléchir les règlements de santé Canada. Par exemple, le seul argument soutenu par les gens de l'industrie homéopathique pour que leurs produits conservent le litigieux code DIN est essentiellement un argument de nature commercial. Quoi qu'il en soit, maintenant, les jeux sont faits. Les fabricants sont exemptés de la règle de preuve imposée aux fabricants de vrais médicaments. La nouvelle réglementation prévoit que les fabricants pourront prétendre que leur produit a un effet s'ils peuvent en attester en donnant simplement deux "références homéopathiques traditionnelles" indépendantes. Santé Canada donne une série d'exemples de références admissibles. Cette liste est essentiellement composée de livres pseudo-scientifiques publiés par des éditeurs complaisants. On retrouve même dans la liste des textes publiés au 19e siècle. Il reste a savoir si les canadiens ont toujours raison de se sentir en sécurité. (1) Santé Canada (2004) Normes de preuve des remèdes homéopathiques (http://www.hc-sc.gc.ca/hpfb-dgpsa/nhpd-dpsn/evidence_homeopathic_med_gui... (2) Bensaïd N (1988) Le sommeil de la raison. Seuil. (3) Rouzé M (1989) Mieux connaître l'homéopathie. De Samuel Hahnemann à Jacques Benveniste. Science et société. Edition La découverte. (4) Aulas JJ (1985) L'homéopathie: Approche historique et critique et évaluation scientifique de ses fondements empiriques et de son efficacité thérapeutiques. Édition Roland Bettex (5) Aulas JJ (1991) Homéoapthie, État actuel de l'évaluation clinique. Edition Frison-Roche. (6) Vickers A, Smith C. (2004) Homoeopathic Oscillococcinum for preventing and treating influenza and influenza-like syndromes. Cochrane Database Syst Rev. 2004;1:CD001957. PMID: 14973976 (7) McCarney R, Linde K, Lasserson T. (2004) Homeopathy for chronic asthma. Cochrane Database Syst Rev. 2004;1:CD000353. PMID: 14973954 (8) Smith C. (2003) Homoeopathy for induction of labour. Cochrane Database Syst Rev. 2003;4:CD003399. PMID: 14583972 (9) Loi concernant les aliments, drogues, cosmétiques et instruments thérapeutiques, 27 juillet 1983. (10) Liston A.J. (1990) Lettre de renseignements no 775, Direction générale de la protection de la santé. Santé et bien-être social Canada. 28 février 1990. (11) L'ASSOCIATION PHARMACEUTIQUE HOMÉOPATHIQUE DU CANADA (http://chpa-aphc.ca/Mission_francais.htm) Voir aussi Santé Canada (http://www.hc-sc.gc.ca/hpfb-dgpsa/tpd-dpt/2000-10-31_f.html) (12) Tessier GA (1995) Dérèglementation de l'homéopathie au Canada: le chat sort du sac! (13) Notamment: Santé Canada (1996) Indications for use- Multi-ingrédient Low dilution Homeopathis Preparations (14) LES PRODUITS DE SANTÉ NATURELS :Une nouvelle vision. Rapport du Comité permanent de la santé Joseph Volpe, député Président, Novembre 1998 (http://www.parl.gc.ca/InfoComDoc/ 36/1/HEAL/Studies/Reports/healrp02/11-rep2-f.htm#0.2.5FPCNZ.HQY8TA.L8AY1F.B4) (15) Compte rendu de réunions entre L'ASSOCIATION PHARMACEUTIQUE HOMÉOPATHIQUE DU CANADA(CHPA/APHC) et la DIRECTION DES PRODUITS THÉRAPEUTIQUES (DPT) (http://www.hc-sc.gc.ca/hpfb-dgpsa/tpd-dpt/2000-10-31_f.html)(http://www.hc-sc.gc.ca/hpfb-dgpsa/tpd-dpt/2001-04-12_f.html)
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