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Les Payeurs de taxes

Anonyme, Monday, March 15, 2004 - 11:29

Jean-Olivier Porter

Le gouvernement libéral utilise, quasi systématiquement, une dénomination collective, «payeurs de taxes», qui contribue à réduire le rôle du citoyen et son pouvoir démocratique. Certes ses actions politiques inquiètent, mais son discours devrait inquiéter tout autant, sinon davantage. Peut-on, aujourd'hui admettre que ce qui fait l'unité sociale au Québec se limite aux intérêts fonciers? Si c'était réellement le cas, on devrait s'attendre à voir notre gouvernement, non pas renforcer cette idée dans la conscience populaire, mais, plutôt, la briser, en prenant des mesures pour résorber ce déficit sociétal.

J’ose espérer n’être pas le seul à l’avoir remarqué et à y avoir vu un danger, mais les Québécois observés par la lunette politique de l’actuel gouvernement provincial sont plus souvent qu’autrement considérés d’abord et avant tout comme des « payeurs de taxes ». Comme si, dans cette pseudo-idéologie libérale, le statut du citoyen-contribuable ne devait prendre qu’une dimension économique. Notons qu’il y a des contributions sociales et culturelles qui ne se chiffrent pas en dollars et en retombées économiques et qui pourtant ont une incidence non-négligeable sur la vie des gens. À bien des égards, d’ailleurs, s’impliquer dans sa communauté, autrement qu’en consommant ou en vendant quelque chose: son temps ou celui des autres, prend davantage de sens et est beaucoup plus constructif sur le plan social. Le geste est alors tourné directement vers la société et non d’abord vers soi. Sans tomber dans l’angélisme, une société progressiste ne devrait-elle pas favoriser le développement d’individus qui poursuivent aussi, voire d’abord des finalités sociales? Si l’on se borne à considérer les citoyens comme des payeurs de taxes, leur rôle dans leur communauté, dans leur ville, leur pays ne devra jamais être qu’économique. « Je donne tant, je veux tant », voilà la seule exigence au bout du compte qu’ils auront à l’égard des institutions publiques et tranquillement à l’égard des autres. Bref, c’est l’esprit même de la démocratie qui en pâtit, ainsi que nos institutions. Le jour où dans les faits participer à la conduite de son pays ne se fera qu’en payant des taxes ce sera la fin prochaine de la démocratie. Il est donc naturel de s’inquiéter en entendant ceux qui nous dirigent nous désigner de plus en plus uniquement comme des payeurs de taxes. Ainsi, durant une Assemblée, c’était à la fin du mois de décembre, le ministre Yves Séguin, dans une même phrase, désignait par deux fois dans une même phrase, les Québécois comme des payeurs de taxes. Bien que ce soit néanmoins inacceptable, en tant que ministre des Finances, dans son cas, c’est compréhensible. Cependant, lorsque d’autres ministres en font autant, voire le Premier ministre, cela devient réellement inquiétant.

M. Charest ce n’est pas parce que nous payons des taxes que nous sommes en droit de décider du sort de notre société, mais bien parce que c’est nous la société. Il y a des dictatures où les gens paient des impôts, cela n’en fait pas pour autant des décideurs. Si la logique est « tu paies tu décides », c’est le plus offrant qui décide le plus. Or, si à vos yeux, c’est cela la démocratie et la nature même du libéralisme, M. Charest vous mélangez sans doute « entreprise/actionnaires » et « société/population ». Une communauté où on ne trouve que des payeurs de taxes n’est pas une communauté et on peut, dans ce contexte, questionner son droit de décider pour elle, puisqu’en fait, alors, elle n’existe plus. C’est dans la participation politique que devrait se jauger la valeur démocratique d’une société et la capacité décisionnelle de ses citoyens. À savoir si chacun est en mesure de prendre part aux choix politiques de sa société et si son gouvernement prend les moyens pour faciliter sa participation. Attention! il n’est pas question de transformer notre société en petite cité grecque où tous ceux reconnus comme membres deviennent acteurs décisionnels et prennent part chaque jour aux prises de décisions législatives à l’Assemblée nationale. Ce ne serait tout simplement pas réaliste. Cependant, c’est pourtant la direction, la tendance qui doit animer notre gouvernance, car, un peu comme l’éradication de la pauvreté, ce n’est pas parce que ce ne sera jamais totalement réalisé que l’on ne doit pas pour autant y travailler. Un gouvernement dit démocratique doit de cette façon poursuivre un idéal de démocratie qui bien qu’inatteignable permet de faire progresser la société en habilitant ses membres à être toujours davantage des acteurs dans leur communauté. Ce n’est pas non plus simplement parce qu’ils paient des taxes, mais parce qu’ils sont indispensables à ce que l’on se plaît à nommer une société démocratique. De grâce M. Charest! Faites attention à vos paroles. C’est l’avenir d’une plus grande communauté que celle de villes possiblement fusionnées qui est actuellement en jeu et si vous ne savez vraiment pas comment désigner les gens que vous gouvernez n’hésitez pas à parler un peu plus souvent avec eux. N’est-ce pas en « dialoguant » qu’on apprend à se connaître ? Le rôle de nos dirigeants ne devrait-il pas ainsi être aussi celui d’encourager le citoyen à l’exercice démocratique. Aussi n’est-ce pas profondément dissuasif de reléguer le rôle du citoyen à celui de simple payeur de taxes. Dans ce contexte, on ne fait pas mieux qu’encourager la désertion de nos nombreux espaces démocratiques; en plus de soutenir la population dans cette fausse certitude qu’elle n’est pas plus qu’une vache à lait qui ne peut réclamer, dans l’absolu, qu’on lui ménage à tout le moins le pis.

Le parti libéral se trompe de cible ou plutôt exploite un problème dans notre société qui en cache d’autres. S’ils sont de plus en plus nombreux à crier haro quand on parle de taxes et d’impôts, ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’à l’instar de l’État, payer des taxes signifie aussi l’obligation sociale de jouer un rôle comme citoyen. Si aujourd’hui cela perd de son sens de payer des impôts et des taxes, c’est que de plus en plus, on a le sentiment d’être séparé de notre communauté et de sa volonté. Or, si l’on prenait la mesure des contributions sociales de cet argent, on aurait un tout autre discours que celui exclusif qui vise à diminuer coûte que coûte notre « fardeau fiscal ». Quelle aberration d’ailleurs que cette formulation, comme si c’était un fardeau de pouvoir s’offrir des hôpitaux, des écoles, des routes, un réseau de transports en commun, etc. Certes, on veut pouvoir conserver sur notre salaire suffisamment pour vivre, c’est compréhensible. Seulement, combien veut-on garder au détriment des services publics qui nous sont offerts? La réponse ne se trouve pas en nous, mais autour de nous. Regardez, observez, dialoguez, mélangez-vous aux autres et vous comprendrez que la solution pour rendre notre vie meilleure ne réside pas uniquement dans notre pouvoir d’achat. Je suis heureux néanmoins de constater que l’on se mobilise encore pour des motifs qui ne se mesurent pas en dollars; les groupes de pression contre les projets d’usine du Suroît, en sont un bon exemple. En fait, la preuve que le gouvernement ne se doute pas qu’il puisse exister une autre société que celle qui paie des taxes, c’est que cette mobilisation l’a laissé tout simplement pantois et ce dernier n’a su que répondre en disant: on avait pas réalisé que ça pourrait incommoder [des payeurs de taxes], on va faire une enquête, pour vérifier la pertinence du projet. Il faut tirer une leçon de cette situation qui, on doit l’admettre, ne s’était pas vue depuis longtemps, en se disant que ce que fait et fera le gouvernement dépend de ce qu’il saura lire en nous. J’ose espérer aussi que ce sera à l’avenir davantage que: « le contribuable n’en peut plus de payer des taxes. » De telle sorte qu’on ne se retrouve pas, comme actuellement, avec un gouvernement insignifiant qui ne suit qu’un seul objectif: celui de réduire les impôts, en négligeant tout le reste.



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