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Un coup de maître pour le syndicat - Les courriers des routes rurales enfin syndiqués après 25 ans d'interdictionAnonyme, Thursday, February 26, 2004 - 19:21
Le Monde Ouvrier
« Avoir un contrat de route rurale, auparavant, c’était fournir l’auto, ne pas avoir de remplaçant sinon pas de salaire, ne jamais pouvoir prendre de vacances, payer tous les frais et n’avoir aucune assurance-emploi, aucune assurance-maladie, aucun régime de retraite, aucun congé payé. » Manon Blain Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP-FTQ) vient de réussir un coup de maître : la syndicalisation des routes rurales. Un total d’environ 6000 personnes au Canada, dont 1600 au Québec, à 70 % des femmes. Au rang des responsables de ce succès au Québec, une femme qui connaissait la pauvreté des conditions de travail d’une factrice de route rurale depuis 15 ans. Ginette Laliberté est courrier de route rurale à Sainte-Julie, en Montérégie. Jusqu’à tout récemment, après avoir soumissionné auprès de Postes Canada et obtenu le contrat, elle touchait un salaire annuel moyen variant de 20 000 $ à 25 000 $. Un point, c’est tout. Moins ses dépenses, il lui restait environ 13 000 $. Avec plus de 110 km de route par jour, il fallait fournir la voiture, l’essence et l’entretien, les assurances, les vêtements, tout ce qu’un facteur salarié de Postes Canada n’a pas à débourser pour faire son travail. « Pourtant, explique Ginette Laliberté, le travail est le même qu’un facteur des centres urbains syndiqué. Le matin, il faut aller au bureau de poste, trier le courrier, le préparer, transporter des bacs bien pleins dans notre véhicule et faire la livraison. » Des conditions horribles Des exemples de misère, elle en a plus d’un à raconter. « Quand une factrice de route rurale nous dit que depuis 20 ans, les seules vacances qu’elle a eues c’est lors d’un opération pour un cancer du sein, ou une autre qui se fait dire que le décès de son mari n’est pas considéré comme « force majeure » par Postes Canada et qu’elle doit terminer sa journée parce qu’elle n’a personne pour la remplacer, des horreurs comme ça je peux en raconter encore. » Depuis six ans, la fervente militante de 53 ans a parcouru le Québec rural pour rencontrer et convaincre ses pairs de signer leur carte d’adhésion au STTP. La plus récente opération, à l’été 2002, a porté ses fruits. Mais avant ça, il a fallu retracer tout ce monde et constituer des listes. « Faire des tournées, rencontrer les gens sans avoir le droit d’entrer dans le stationnement et encore moins dans le bureau de poste. Parler à du monde qui vit dans la terreur de perdre un contrat pour lequel ils ont soumissionné trop bas. D’ailleurs, il y en a qui ont perdu leur contrat du jour au lendemain durant la campagne. Moi, j’étais chanceuse car mon maître de poste m’encourageait, conscient de nos mauvaises conditions. » Les députés ont été rencontrés un à un, les médias ont été sollicités, une importante pétition a circulé, Ginette a personnellement participé à de nombreuses assemblées dans les syndicats affiliés et les conseils régionaux de la FTQ. « Souvent, ils nous ont fourni des contacts dans leur entourage. » Ginette Laliberté a occupé à peu près tous les postes au sein de l’Organisation des courriers des routes rurales (OCRR), fondée en 1997 après une résolution au congrès de 1996 du STTP. « Tout ce que je sais, c’est en grande partie dû à Jacques Valiquette, dirigeant de l’éducation et de l’organisation au STTP à Montréal, confie-t-elle. Le syndicat m’a fait découvrir une personnalité que je ne me connaissais pas : la confiance en moi quand il s’agit de défendre une cause juste qui me tient à cœur, la ténacité au travail et surtout, le travail d’équipe. Militer au sein du STTP, c’est comme d’avoir attrapé un virus dont l’antidote n’a pas encore été trouvé! » Présentement, elle est employée comme aide technique temporaire par le STTP à Montréal. Un comité de transition paritaire mettra en œuvre les changements : établir une liste d’ancienneté des nouveaux membres, élaborer un système de rémunération à l’heure, constituer une banque de remplaçants pour les vacances prévues à la nouvelle convention collective, réorganiser le travail et les itinéraires. Encore du gros boulot en vue. D’une pierre deux coups Le STTP a fait d’une pierre deux coups. Après avoir mené la campagne de l’OCRR et recruté 6000 nouveaux membres, il a négocié une première convention collective pour les routes rurales, dans le cadre de la récente négociation centrale avec Postes Canada. Pour Pierre Bernier, vice-président de la FTQ et directeur du STTP pour l’ensemble du territoire québécois, à l’exception de la région de Montréal, les récentes négociations avec Postes Canada marqueront l’histoire. « La Loi de la Société canadienne des postes de 1981 interdisait aux courriers des routes rurales le droit à la négociation collective. Avec notre vaste campagne sur le terrain et la signature massive de cartes, nous avons pu convaincre l’employeur de contourner la loi et les faire reconnaître comme salariés. » C’est la preuve, selon lui, qu’il ne faut jamais se décourager.« Je lève mon chapeau à un paquet de monde qui y ont cru, souligne André Frappier, directeur du STTP pour la région de Montréal. La convention collective des factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) leur donne : Signée elle aussi le 23 septembre dernier, la convention collective des 10 000 autres membres du STTP au Québec (48 000 au Canada) est d’une durée de quatre ans. Elle comprend une augmentation salariale de 3 % par année incluant une indemnité de vie chère, la pleine sécurité d’emploi pour les salariés réguliers et à temps partiel, de la formation en santé-sécurité et en droits de la personne payée par l’employeur, un projet-pilote d’horaire de quatre jours pour le travail de nuit. Le STTP a fait une autre percée majeure : la livraison du colis accéléré en milieu urbain a été récupérée de la sous-traitance et permettra de créer environ 400 emplois syndiqués au Canada.
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