S'il veut se convaincre encore davantage de la nécessité et de l'urgence d'investir dans le logement social lors de son prochain budget, comme il en a exprimé l'intention lors de sa rencontre d'hier avec le Front d'action populaire en réaménagement urbain, le ministre des Finances, Yves Séguin, devrait regarder la situation dans son propre comté d'Outremont et plus particulièrement dans le quartier Côte-des-Neiges qui y est situé. C'est ce message que le FRAPRU et trois groupes communautaires de ce quartier montréalais ont livré en conférence de presse aujourd'hui. Les organismes ont dressé un portrait dramatique de la situation vécue par les locataires qui y représentent près de 83 % des ménages.

En 2000, 14 315 ménages locataires de Côte-des-Neiges consacraient plus que la norme de 30 % de leur revenu en loyer et devaient donc couper dans leurs autres besoins essentiels, en premier lieu dans la nourriture, pour y arriver. De ce nombre, 7385 engloutissaient plus de la moitié de leur revenu. Il s'agissait de 20,7 % de l'ensemble des ménages locataires du quartier.

Les groupes estiment que la situation s'est très sérieusement détériorée depuis ce temps, Côte-des-Neiges étant durement affecté par la pénurie de logements locatifs qui sévit depuis 2001. En octobre 2003, lors de l'Enquête sur les logements locatifs de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, le taux de logements n'était toujours que 1,2 % dans la zone Côte-des-Neiges, Mont-Royal et Outremont, ce qui est encore loin du taux d'équilibre fixé à 3 %. De plus, la légère augmentation de la disponibilité de logements locatifs survenue récemment est allée de pair avec un net recul dans l'accessibilité financière au logement. Au cours des trois dernières années, les loyers ont augmenté de 17,3 % dans le cas des studios, de 18,6 % dans celui des logements d'une chambre à coucher, de 11,3 % dans les logements de deux chambres à coucher et de 10,4 % dans celui des logements de trois chambres à coucher.

Selon Denis Lévesque, porte-parole du Projet Genèse, "au total, il y a peut-être un peu plus d'appartements disponibles qu'il y a un an, mais les logements à bas loyer, accessibles à population à faible et modeste revenus, eux, sont plus rares que jamais".

Une forte proportion des sans logis

Le FRAPRU a par ailleurs précisé que l'arrondissement municipal Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce est l'un de ceux où le plus grand nombre de ménages s'est retrouvé sans logis lors des trois derniers 1er juillet. En juillet 2001, l'Office municipal d'habitation de Montréal y avait reçu 60 demandes d'aide de la part de ménages incapables de se trouver un logement. En 2002, ce nombre s'élevait à 96. En 2003, il avait grimpé à 287. Selon l'Office, l'arrondissement est particulièrement touché parce qu'il "comporte une forte proportion de personnes issues des minorités visibles ainsi que des familles avec enfants d'âge mineur" qui sont "deux segments de la population qui éprouvent de difficultés particulières à se trouver un logement". La SCHL notait à cet égard qu'une partie du quartier, le secteur Victoria, est composé à 58 % de personnes immigrantes et que, dans le reste de Côte-des-Neiges, ce pourcentage est de 47 %.

Des demandes pour le budget

Les organismes avouent que le ministre Séguin s'est montré sensible au problème du logement, lors des consultations pré-budgétaires. Lors sa rencontre d'hier avec le FRAPRU, il a même affirmé vouloir "donner un grand coup" dans son budget en matière de logement social. "Il faut maintenant que les belles paroles du ministre se transforment en investissements", déclare le coordonnateur du FRAPRU, François Saillant.

Les groupes réclament le financement de 8000 nouveaux logements sociaux par année à l'échelle du Québec, dont la moitié passant par la mise sur pied d'un programme de HLM et l'autre moitié en coopératives d'habitation et en logements sans but lucratif. À ce sujet, les groupes précisent que l'arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce est celui qui compte le plus grand nombre de ménages en attente d'un HLM, soit 2165, dont 1721 familles.

Des 8000 logements revendiqués, 3500 pourraient se réaliser année après année à Montréal, dont 270 dans le quartier même de Côte-des-Neiges. Le FRAPRU et les groupes communautaires du quartier disent espérer que le budget permette d'avancer sérieusement en ce sens. Ils lancent un nouvel appel au gouvernement Charest pour qu'il annonce dès cette semaine une prolongation de l'aide financière d'urgence accordée à 3000 familles et personnes, dont plus de 150 de l'arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, qui ont été sans logis aux 1er juillet 2001, 2002 ou 2003. Cette aide doit se terminer le 30 juin prochain et, sans cette aide, les ménages concernés risquent fort de se retrouver à nouveau à la rue.