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Les Libertés publiques au pays d`Ubu, roi du Pétrole

Anonyme, Tuesday, January 13, 2004 - 06:48

Guillaume de Rouville

Un résumé des atteintes aux libertés civiles aux Etats-Unis

Si les principales valeurs qui fondent la démocratie américaine sont bien la liberté et la tolérance, on est bien obligé de constater qu`il n`y a pas pire ennemi des Etats-Unis que l`administration Bush elle-même. Il suffit de prendre quelques exemples pour s`en convaincre.

Propagande et anti-américanisme primaire crieront les partisans de l`administration Bush. Soit.

Mais qui défend le mieux les valeurs de la démocratie américaine ? Les patriotes auto-proclamés qui envoient se faire tuer à leur place des adolescents-soldats loin de leurs frontières, ou ceux qui dénoncent les dérives d`un régime qui n`est arrivé au pouvoir que par l`opération miraculeuse d`une fraude électorale à grande échelle ? (Voir Le coup d'Etat du 9 décembre 2000 sur www.lidiotduvillage.com)

Les principales sources des informations mentionnées ci-dessous proviennent des médias anglo-saxons, reputés serieux par ceux-là mêmes qui montrent du doigt ces Français hargneux, revanchards, qu`ils qualifient joliment, dans ces mêmes journaux, de 'singes capitulards mangeurs de fromages' ("Frog in our midst", par Jonah Goldberg, National Review Online, 16 juillet 2002 ; "Saddam`s pal, Chirac the rat", par Christopher Hitchens, The Age, fevrier 2003).

Vol de citoyens :

Le Pentagone a recruté des milliers de non-citoyens Américains (37,000) pour aller combattre en Irak. Presque tous seraient originaires d'Amérique Latine et auraient reçu la promesse de devenir Américains à l'issue de leur engagement militaire. Les recruteurs Américains seraient même allés au Mexique, à la grande fureur du gouvernement Mexicain ('Pentagon Targets Latinos and Mexicans to Man the Front Lines in War on Terror', By Andrew Gumbel from The Independent, jeudi 11 septembre 2003 dans L'Idiot du Village)

Ces non-citoyens, qui mourront au combat en Irak pour un pays qui les méprise, ne seront pas recensés comme des morts americains !

Surveiller pour punir :

Afin de combattre le terrorisme, l'administration Bush a proposé de créer des fichiers sur tous les Américains, dans lesquels seraient enregistrées automatiquement toutes les informations concernant leur consommation et leurs déplacements et qui pourraient être consultés par l'administration à tout moment, en l'absence même de contrôle judiciaire (le projet, d'abord intitulé Total Information Awareness et renommé Terrorism Information Awareness, n'a pas encore été adopté par le Congrès américain).

Certains diront que si l`on a rien à se reprocher on ne doit pas craindre de telles mesures. Cependant, l`effet d`autocensure aura un impact direct sur l`exercice des libertés civiles aux Etats-Unis. Nos propres standards démocratiques en souffriront immanquablement. Une liberté docile et timide laisse trop de pouvoir à nos dirigeants, toujours prompts à en abuser si aucun contrepoids visible ne vient contrebalancer leur désir de puissance.

Certains diront aussi que de telles propositions ne sont pas dangereuses puisqu`elles n`échappent que très rarement à la censure du Congrès américain. Le plus inquiétant c`est qu`elles reflètent un état d`esprit auquel l`opinion publique s`habitue peu à peu. La vigilance tend à s`attenuer avec le temps. Le plus souvent, les mêmes propositions réapparraissent sous une autre forme à un moment où l`attention est detournée vers d`autres sujets d`actualité.

Ainsi, le Pentagone a pu décider de développer, à partir de l'été 2003, un système informatique capable d'enregistrer et d'analyser toutes les activités d'une personne, à son insu, de son battement cardiaque jusqu'à ses conversations, en passant par ses lectures, ses voyages, ses achats, ainsi que ce qu'elle voit, mange, entend et ressent. Ce système sera développé sous la houlette du DRAPA (The Defense Advanced Research Projects Agency) qui est à l'origine d'Internet ('Pentagon To Keep Track of Your Life' ; par Michael Sniffen, Associated Press, in Common Dreams, 3 juin 2003, dans L'Idiot du Village le 4 juin 2003 ; 'Controversial Pentagon Agency Leads Research Projects', AP, Fox News, le 2 septembre 2003 ; dans L'Idiot le 3 septembre 2003). Quel usage le Pentagone fera-t-il de ce nouveau système informatique ? Nul ne le sait. Mais ne soyons pas paranoïaques …Tout va bien…

Désinformer ici et ailleurs :

L'administration Bush a crée, au lendemain du 11 septembre, une cellule au sein du Pentagone, chargée ouvertement de désinformer les médias étrangers et de les manipuler (l'Office of Strategic Information aurait finalement été dissout ; The Bush administration shuts down the OSI, 27 February 2002, Reporters Without Borders, Reporters sans frontières).

L`administration Bush se sentait tellement puissante au lendemain du 11 septembre qu`elle s`autorisait à dire ouvertement qu`elle créait un bureau specialement chargé de désinformer les pays tiers, y compris ses alliés ! Le sentiment d`invulnérabilité et d`impunité ne présage souvent rien de bon…Mais ne soyons pas paranoïaques …Tout va bien…

Comme au temps de Ceaucescu :

Le Pentagone souhaite encourager les citoyens américains à espionner leurs proches et voisins afin de s'assurer qu'ils ne participent pas à des opérations terroristes. Un fichier pour recueillir les données collectées sera crée. Le projet Talon remplace le projet TIPS du ministère de la justice (Terrorist Information Protection System) qui visait à forcer les citoyens à rapporter les faits suspects auprès des autorités.

Le projet TIPS envisageait de forcer 11 millions de citoyens américains, principalement des personnes ayant accès aux maisons de leurs compatriotes, comme les livreurs et les plombiers ou électriciens, à rapporter les faits en question ("Enemy Aliens", par David Cole, page 73, The New Press, 2003 ; 'Pentagon to enlist US citizens for spying', Wired News, par Brian McWilliams, 25 juin 2003 ; le 27 juin 2003 dans L'Idiot). Mais ne soyons pas paranoïaques …Tout va bien…

La lettre de cachet fait son retour :

Une cour d'appel fédérale américaine a confirmé le droit du Président Américain de demander l'incarcération indéfinie de tout individu qu'il qualifierait 'd'ennemi combattant' et de lui refuser l'accès à un avocat. Le plus grave c`est que le Président est entièrement libre de son choix ; il n`est soumis à aucun controle pour déterminer si telle ou telle personne est bien un 'ennemi combattant'.

La personne ainsi designée, qui pourrait être un simple opposant politique, un futur candidat à la présidence des Etats-Unis, un journaliste trop curieux, un militant excessivement critique de l`action gouvernementale, peut ainsi passer le reste de sa vie en prison, sans connaître les raisons de son arrestation, dans le plus grand secret et sans recours judiciaire possible.

Ce pouvoir a été délégué par le President au FBI ! ('Court Affirms Bush's Power to Detain Citizen as Enemy', The New York Times, par Neil Lewis, le jeudi 10 juillet 2003 dans l`Idiot ; 'U.S. Reasserts Right to Declare Citizens to Be Enemy Combatants', par ERIC LICHTBLAU, New York Times, le jeudi 8 janvier 2004 dans L`Idiot). Mais ne soyons pas paranoïaques …Tout va bien…

L`enfer c`est pour les autres :

Les prisonniers de Guantanamo vont être jugés par des tribunaux militaires devant lesquels ils n'auront pas d'avocat pour se défendre. Ils n'auront pas le droit de faire appel à des témoins en leur faveur et ne pourront pas faire appel de la décision, même en cas de condamnation à mort. Les juges militaires seront choisis par le numéro 2 du Pentagone, Paul Wolfowitz (Gulf News, par Mona Dokainish, le 24 juillet 2003).

Les Etats-Unis envisagent de créer une chambre d'exécution sur la base militaire de Guantanamo où les prisonniers pourraient être exécutés à l'abri des regards (Common Dreams, The Charlotte Observer, 6 juin 2003 ; le 9 juin dans L'Idiot).

Pourquoi s`appitoyer sur leur sort ? Ne sont-ils pas tous des terroristes ?

Mais en sommes-nous si sûrs ? Comment le savons-nous ? Ces personnes ne sont-elles pas presumées innocentes tant qu`elles n`ont pas été jugées ? N`ont-elles pas, au moins, le droit de bénéficier des protections garanties par les Conventions de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre (Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949, ratifiée par les Etats-Unis) ? Ne defendaient-elles pas leur pays contre des envahisseurs ? Qui nous dit que ce sont des Talibans et non pas de simples combattants afghans qui se trouvent dans les cellules de Guantanamo ? On ne connaît ni leur nom, ni leur nationalité (à l`exception des prisonniers d`origine européenne) !

D`apres le Los Angeles Times, des dixaines de détenus de Guantanamo n`auraient aucun lien manifeste avec les Talibans et seraient de simples conducteurs de Taxi, des fermiers s`étant trouvés sur le passage de l`armée américaine au mauvais moment…('Many Held at Guantanamo Not Likely Terrorists", par Greg Miller, Los Angeles Times, 22 decembre 2002).

Et que penser des ces enfants qui se retrouvent à Guantanamo ? Ils ont entre 13 et 16 ans ! De dangereux terroristes que l`on doit priver du droit de se défendre ? ('The US military has revealed it is holding juveniles at its high-security prison for terrorists at Guantanamo Bay in Cuba, known as Camp Xray. The commander of the joint task force at Guantanamo, Major General Geoffrey Miller, says more than one child under the age of 16 is at the detention centre'. ABC News - Australia - mercredi 23 avril 2003 dans L`Idiot).

Au lendemain du 11 septembre 2001, des milliers de personnes (peut-être plus de 5000, sans compter les prisonniers de Guantanamo) sont ou ont été détenues arbitrairement aux Etats-Unis et à l'étranger, dans des camps militaires américains, sans que leur soient garantis les droits élémentaires de tout détenu : pas d'avocat, pas de charge précise retenue à leur encontre, jugements et expulsions dans le plus grand secret ("Enemy Aliens", par David Cole, The New Press, 2003). Eux aussi, tous des terroristes ? Mais ne soyons pas paranoïaques …Tout va bien…

Tous des terroristes :

Le Patriot Act I, cette loi d`exception passée par l`adminiatration Bush quelques semaines après les attentats du 11 septembre, pour mieux défendre les Etats-Unis contre les activités terroristes, redéfinit la notion de terrorisme et lui donne une acception extrêmement large lorsque des étrangers ou des organisations étrangères sont concernés. ("Enemy Aliens", par David Cole, chapitre 4 "Patriots and enemies : redefining terrorisme", The New Press, 2003).

Désormais :

Tout étranger pourra être considéré comme 'terroriste' et condamné comme tel par la justice américaine, meme s`il ne participe pas à une activité terroriste en connaissance de cause, dans tous les cas où il peut etre lié directement ou indirectement à une organisation qui pourrait avoir des liens avec des activités terroristes. Ainsi, la femme de ménage d`un mouvement syndical, plus tard déclarée organisation terroriste par l`administration américaine, sur des critères flous et qu`il sera impossible de contester en justice, pourra être poursuivie pour avoir soutenue une activité terroriste ; il en ira de même des avocats qui auraient rédigé des contrats de travail pour une organistation charitable musulmane devenue suspecte aux yeux de l`administration ; le livreur de pizza qui livrerait une pizza à une organisation terroriste pourait aussi se render coupable de terrorisme ;

l`Attorney General (le ministre de la justice) peut incarcérer de manière préventive, pour une durée indéfinie, tout étranger, s`il a des raisons de penser que cette personne pourrait être liée à des activités terroristes ; ce pouvoir exorbitant n`est pas soumis à un controle judiciaire ; cette détention peut ainsi durer des mois, voire des années, sans qu`aucune poursuite judiciaire ne soit engagée contre la personne suspectée de terrorisme ;

le FBI peut procéder à des écoutes téléphoniques et procéder à des fouilles même s`il n`existe aucun indice montrant une activité criminelle, lorsque ces écoutes et fouilles concernent un étranger ; la regularité, meme matérielle, de ces écoutes et recherches, ne pourra pas être contestée par la personne concernée en cas de procès.

Toujours plus patriotes :

Le Patriot Act I a conféré d'énormes pouvoirs au FBI, notamment celui de surveiller secrètement la liste des livres lus par les étudiants dans les Universités américaines ou celle des livres achetés dans les librairies américaines et celui d'écouter, sans autorisation judiciaire, toute conversation téléphonique et de surveiller les e-mails de tout individu.

('Big Brother takes grip on America', By Paul Harris from The Observer -UK-, lundi 8 septembre 2003 dans L'Idiot) ; ('Why the Patriot Act Worries Booksellers', By Frank Kramer in The Boston Globe, vendredi 10 octobre 2003 dans L'Idiot) ; ('Bush Seeks to Expand Access to Private Data', By Eric Lichtblau from The New York Times, mardi 16 septembre 2003 dans L'Idiot).

Le Patriot Act II, qui a été bloqué, pour le moment, par le Congrès, prévoit qu`un citoyen américain pourrait être privé de sa citoyenneté américaine s`il participe à des activités, mêmes légales, d`une organisation que l`administration jugerait liée à une activité terroriste ou à une autre organisation ayant une activité terroriste ("Enemy Aliens", par David Cole, page 69, The New Press, 2003).

Si vous êtes un mauvais citoyen (par exemple, un barbu qui prie cinq fois par jour dans une mosquée dirigée par un imam qui mène secrètement une activité terroriste à l`insu de ses fidèles)…vous n`êtes plus Américain. Mais alors vous êtes quoi ? Apparemment plus rien…A moins que la Corée du Nord veuille bien vous offrir sa nationalité… ! Mais ne soyons pas paranoïaques …Tout va bien…

La torture n`est plus un sujet tabou :

L`usage de la torture semble être redevenu une pratique admissible pour interroger des suspects qui n`ont pas et ne seront probablement jamais jugés. Le plus souvent l`usage de la torture semble être sous-traitée par les autorités américaines auprès de pays moins scrupuleux en matière de droits de l`homme. Les autorités américaines envoient leurs prisonniers sucpects en Egypte ou sur des bases militaires échappant à la juridiction civile américaine, comme la base militaire de Guantanamo.

("In torture we trust ?", par Eyal Press Gellman, The Nation, 31 mars 2003 ; "Torture Is Not an Option" éditorial, The Washington Post, 27 décembre 2002 ; 'America's dirty torture secret', By Henry Porter in The Guardian, mercredi 10 septembre 2003 dans L'Idiot ; 'Abandoning Human Rights Principles', By James O. Goldsborough from The San Diego Union-Tribune, mardi 21 octobre 2003 dans L'Idiot). Mais ne soyons pas paranoïaques …Tout va bien…

Fraude électorale aux Etats-Unis :

Il semblerait que des sociétés privées, proches des Républicains, soient chargées, dans un nombre croissant d'Etats américains, du décompte des votes, dans des conditions qui interdisent à des officiels de l'administration américaine de vérifier la réalité des votes ; de nombreuses fraudes auraient déjà eu lieu dans des scrutins locaux ('All the President's Votes ?', By Andrew Gumbel from The Independent -UK-, mardi 14 octobre 2003 dans L'Idiot).

Certains diront que ce n`est pas mieux chez nous. On veut bien le croire, mais ils excusent ainsi les crimes des uns en invoquant les crimes des autres.

Tous ceux qui aiment l`Amérique démocratique doivent se sentir concernés et attristés par les atteintes graves aux libertés publiques portées par l`administration Bush qui ne représente, tous comptes faits, que la somme des peurs qu`elle insuffle dans la société américaine. L`état de santé de la démocratie américaine nous importe plus que tout autre, parce que les Etats-Unis, demeurent (mais pour combien de temps encore ?) la plus puissante et influente des démocraties modernes.

Mais ne soyons pas paranoïaques …Tout va bien… au pays d`Ubu, roi du pétrole…

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