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NE PAS acheter, c'est voterAnonyme, Thursday, November 27, 2003 - 15:30
Olivier Tilllet
Hommage à la Journée sans achat, célèbrée sur le continent nord-américain le vendredi 28 novembre Il est des expressions parfois qui aussitôt apparues dans le paysage, se font rapidement adoptées et brandir bien hautes, comme si elles traduisaient enfin en des mots simples une idée difficile qui rôdait depuis déjà un temps, mais avait peine à décoller. Expression superstar des personnes conscientisées, le fameux « acheter c'est voter » appartient bien sûr à la catégorie, et probablement pour la première fois de sa jeune existence, recevra ici un coup de pied au derrière bien senti … E vive la Journée sans achat! Que peut bien vouloir dire ce « acheter c'est voter », à part d'être le titre d'une chronique à Indicatif présent et le slogan préféré des bobos? Il existe dans notre monde fou trop d'usines qui polluent et aliènent les travailleurs. Et il en existera tant et aussi longtemps que nous-autres, consommateurs, continueront de choisir leurs produits. Achetez les produits provenant du commerce équitable et écologique, et alors le changement se produira, vous aurez voté et porté au pouvoir une société plus éco-équitable. L'idée est séduisante, si ce n'était qu'elle prend finalement l'allure d'une ode vibrante à la consommation… On nous avait déjà fait comprendre que l'amour envers les proches, dans notre monde fou, se mesurerait à la quantité de cadeaux offerts. Que la liberté individuelle ne se trouverait pas à l'intérieur, mais serait fourni gratuitement à l'achat d'une automobile et du téléphone-cellulaire. Que les angoisses se dissiperaient comme ça juste en renouvelant sa garde-robe et son mobilier de salon. Nous venions donc à peine d'intégrer tout ça, quand on nous annonça un jour la grande nouvelle. Ce qui était jusqu'alors la dernière dimension de l'être humain à échapper à la consommation, à savoir l'exercice de sa citoyenneté, allait elle aussi être intégrée: acheter, ce sera désormais voter… (De là à dire que notre société de consommation prendrait un tournant totalitaire, il n'y a qu'un pas que certains n'hésitent pas à faire, par exemple le penseur François Brune dans l'excellente revue Les casseurs de pub (aussi sur www.antipub.net). ) Le mot d'ordre acheter, c'est voter n'a pas comme seul effet de renforcer le consommateur en l'être humain, il affaiblit aussi le citoyen en lui. Dans un système ou la démocratie règne, nous apprenons depuis le plus jeune âge qu'il suffit de voter pour se mériter le titre de citoyen actif. Dans la logique du fameux leitmotiv, il suffirait alors de consommer (des produits équitables et écolos) pour s'acquitter de son devoir de citoyen. Vous n'imaginez pas le nombre de "consommateurs responsables" à qui cette logique enlève un fardeau énorme sur les épaules, c'est-à-dire le fardeau précisément de poser de réelles actions, dans la rue, dans les médias, dans leur vie, pour renverser ce monde fou. Bien assis devant leur télé, ils savourent plutôt leurs croustilles biologiques d'un air satisfait, sûrement cette satisfaction du devoir accompli. Mais rien qui n'a été dit jusqu'à présent ne peut battre cette autre faille du j'achète, je vote, soit celle d'évacuer avec adresse la question de la surconsommation. Prenons pour exemple l'éloquente confidence que nous fit le porte-parole de Greenpeace-Québec le 13 août sur les ondes de Radio-Canada, tout fier d'annoncer qu'il s'était muni depuis peu d'un nouveau réfrigérateur … à faible consommation d'énergie. Est-ce que c'est d'être schizophrène que d'assimiler la consommation responsable à une énième mode, qui n'aurait d'autre visée que nous garder à proximité du centre d'achat? Et permettre par le fait-même aux dépotoirs de s'étendre encore un peu? Pour revenir à notre formule préférée, acheter une voiture électrique reviendrait donc à voter pour une société plus écologique. Or voilà, la Terre comptera bientôt 1 milliard de voitures à combustion en état de marche; admettons qu'une intensive campagne de sensibilisation (avec prime d'argent en sus) puisse convaincre chacun de ces automobilistes de se débarasser de leur voiture, au profit du tout nouveau modèle électrique. Le savez-vous, vous, quelle hauteur pourraient atteindre alors les montagnes de carcasses fraîchement empilées ici et là? Je m'appelle Olivier et le monde fou dans lequel je suis né ne m'inspire aucun cynisme, bien que ce texte puisse faire penser le contraire. Ce monde fou m'inspire plutôt la rage, une rage farouche et créative, forte suffisament pour briser les barreaux d'une cage. De l'autre côté des barreaux, j'avais vu pleins de possibilités, dont plus de moments présents, d'authenticité, de spiritualité … et ça m'a attiré. Alors je me suis échappé. Mais pour être franc, je m'ennuie un peu maintenant, tout seul hors de ma cage. N'y a-t-il pas personne pour venir me rejoindre? Vivons plus, consommons moins!
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