Les problèmes d’embourgeoisement des quartiers populaires montréalais et de manque de logements sociaux se font de plus en plus entendre auprès du grand public, les médias de masses s’intéressant même au sujet. Ces dernières années, le paysage urbain de Montréal semble effectivement confronté à de nouvelles réalités.
L’implantation grandissante de condos, souvent luxueux, dans des quartiers traditionnellement défavorisés et l’apparition de nouveaux types de commerce a certainement de quoi inquiéter les divers organismes et mouvements sociaux ou politiques. Cependant, la nature du discours généralement véhiculé par ceux-ci a lui aussi de quoi susciter une certaine inquiétude. Tant dans la désignation de la menace que dans les solutions proposées, ou plutôt dans leur absence, le discours répandu par la gauche québécoise ou montréalaise en général tend vers un conservatisme inquiétant.
Répondant à une menace en partie réelle, mais qui se doit d’être nuancée, d’embourgeoisement ou de gentrification des divers quartiers populaires de Montréal, la gauche a souvent tendance à proposer une analyse trop partielle, voire simpliste, de la situation. La question des deuxièmes Plateau mérite particulièrement une certaine démystification. L’argument stipulant la transition d’un quartier vers un «deuxième Plateau» est fréquemment repris, qu’il s’agisse de Saint-Henri, Pointe-Saint-Charles ou Hochelaga-Maisonneuve. Toutefois, il semble que l’actuelle réalité de ces trois quartiers est encore loin d’être ou de devenir semblable à celle du Plateau-Mont-Royal. Si une certaine «plateaurisation» est possiblement en cours dans les quartiers voisinant de la Petite-Patrie et de Rosemont, il semble en être considérablement différent pour les trois quartiers mentionnés plus haut. Malgré la construction d’un certain nombre de condos à l’intérieur de ces quartiers et l’apparition d’une nouvelle catégorie de population, la survie identitaire de la population «locale» n’en est pas encore pour autant menacée. L’arrivée d’une population plus aisée dans ces quartiers constitue davantage un déplacement de population que l’apparition soudaine d’un problème qui n’est en réalité nouveau en rien. Que les disparités sociales soient observables entre différents quartiers ou à l’intérieur de l’un d’eux est d’une importance très secondaire. Souhaiter le maintien de la répartition des quartiers en fonction du statut social des individus ne fait que déplacer le problème véritable qui est celui de l’inégalité social, quelle qu’en soit sa répartition géographique.
Alors que l’arrivée d’une population aisée au sein de quartiers défavorisés et la plus grande évidence de l’inégalité sociale qui en résulte pourraient favoriser le succès de diffusion d’idées progressistes, la gauche semble globalement préférer fonder sa résistance dans la régulation de l’aliénation populaire. Ainsi, bien qu’il semble motivé par une sincère volonté progressiste, le discours généralement répandu au sein de la gauche, fait davantage figure de réactionnaire. Il s’agit d’un réflexe trop souvent classique et facile que de s’orienter vers les caractéristiques traditionnelles de l’identité d’une collectivité pour combattre une menace appréhendée. Dans le cas qui nous concerne, il s’agit davantage de la promotion du statu quo que de la recherche d’éléments culturels lointains et oubliés.
Certes, il est tout à fait louable que de chercher à s’identifier aux masses populaires, dont on souhaite l’épanouissement. Toutefois, cette identification ne doit pas devenir absolue et aveugle, au point de s’éloigner des idéaux originaux de la gauche. En d’autres termes, face au possible embourgeoisement d’un quartier, l’éloge de l’identité traditionnelle ne constitue pas nécessairement la meilleure solution.
La question de la gentrification doit être nuancée. Plusieurs des changements qu’on lui attribue au sein de quartiers populaires ne favorisent pas forcément la stratification sociale ou la satisfaction des intérêts capitalistes. Et inversement, les caractéristiques sociales et commerciales de ces quartiers, antérieures à de possibles transformations attribuables à la dite gentrification, présentent un nombre considérable de contradictions envers les idéaux égalitaires, qu’ils soient socialistes ou libertaires.
Une brève analyse de quelques exemples de traditions réactionnaires encensés par une part considérable de la gauche militante s’avère ici pertinente. L’éloge des tavernes face à l’implantation de bistros (encore pourtant rarissimes) constitue un des exemples les plus éloquents de cette contradiction. Ainsi, les bistros sont présentés comme des établissements bourgeois raffinés et huppés, alors que les tavernes seraient l’apanage des masses, du «vrai monde». Or, en dehors du discours, il n’est de raison d’adopter un tel raisonnement. Bien qu’il puisse effectivement exister une catégorie de bistros, cafés ou bars excessivement branchés, dispendieux et exclusifs, ces qualificatifs n’ont pas à qualifier expressément ce type d’établissement. Les nouveaux ou futurs bistros, cafés ou bars des rues Notre-Dame ou Ontario ont certainement peu en commun avec ceux que l’on retrouve sur la rue Saint-Laurent autour de l’intersection Prince-Arthur par exemple. Les bistros, cafés ou bars d’autre type que les tavernes peuvent constituer des lieux forts intéressants de discussion, de diffusion artistique et politique, en plus d’offrir un choix varié de boisson et de nourriture, dont des produits locaux indépendants ou issus d’un commerce équitable. Les tavernes ou autres établissements «traditionnels», dont les nombreuses patateries, proposent quant à elle un choix fort limité qui ne s’étend pas en dehors des plus grandes marques capitalistes, telles que Molson et Coca-Cola, en plus d’être le véhicule d’idées réactionnaires. Dans les patateries, seuls le Journal de Montréal ou au mieux La Presse constituent les lectures offertes aux client-e-s. Dans les tavernes, le choix musical ne s’oriente que vers les grandes chaînes radiophoniques commerciales oeuvrant dans l’homogénéité et la médiocrité. De plus, les tavernes, lieux de misogynie par excellence, longtemps interdits aux femmes, préservent pour la majorité d’entre eux des legs de cette caractéristique si peu louable. Malgré quelques hypocrites invitations sur les vitrines, offrant la bienvenue aux dames, ces dernières ont certainement du mal à trouver leur place entre de nombreuses affiches ou vidéos à caractère pornographiques qui ne méritent certainement pas la bénédiction des groupes de gauche. Il en va de même pour ce qui est des loteries vidéos que les tavernes n’hésitent pas à héberger en grand nombre. Ainsi, il apparaît au fond bien difficile de trouver une plus grande légitimité dans les tavernes ou patateries que dans les bistros, cafés ou bars d’autre genre. Sans s’y attarder aussi longuement, mentionnons simplement que la même démystification doit s’imposer pour ce qui est des nouveaux commerces d’alimentation spécialisés, des lieux de diffusion culturelle de type maison de la culture ou cinémas ou clubs vidéos de répertoire. Bien qu’il faille éviter que ces divers types de commerces s’isolent vers un quelconque élitisme, il reste que leur appart général risque davantage d’être bénéfique pour la population locale, lui offrant ainsi une diversité et une indépendance qui lui sont trop rarement proposées.
Dans l’ensemble, ces nouveaux commerces sont loin de constituer une menace quelconque ou une entrave à l’émancipation des masses des quartiers populaires, mais peuvent plutôt apporter les prémices d’une désaliénation en favorisant la diffusion d’une plus grande diversité au niveau des produits de consommation, mais également d’une diversité culturelle et intellectuelle. Plutôt que d’y voir des possibilités émancipatrices, la gauche tend à y voir une menace, à laquelle elle répond en se réfugiant dans l’identité traditionnelle populaire qui malheureusement porte en elle trop peu d’éléments progressistes. Dans sa majorité, la gauche semble davantage opter pour l’éloge de la tradition, voire de l’aliénation, que de s’orienter vers la promotion d’une émancipation réelle, en dehors du cadre sociétal bourgeois, de la population des quartiers défavorisés.
Le caractère populaire et démuni de ces populations n’est pas nécessairement en lui-même progressiste. La solution ne doit pas ici être confondu avec le problème. Malheureusement, les caractéristiques traditionnelles des quartiers populaires semblent plus souvent qu’autrement réactionnaires. La faible réception de la diffusion des idées de gauche dans ces quartiers en témoigne. La gauche est alors confrontée au paradoxe de sa popularité, du moins au niveau électoral, en obtenant un appui nettement plus considérable dans les quartiers bourgeois ou embourgeoisés du Plateau-Mont-Royal, d’Outremont ou de Rosemont que dans les quartiers populaires tels Hochelaga-Maisonneuve, Saint-Henri, Pointe-Saint-Charles ou Verdun, comme en témoigne la popularité de l’Union des forces progressistes (UFP) aux dernières élections provinciales. Ainsi, la population de ces quartiers défavorisés, malgré ses origines prolétariennes, n’est pas forcément progressiste, mais tend plutôt vers un conservatisme qu’une trop grande partie des groupes militants de gauche endossent et reprennent à leur compte. Loin de garantir d’éventuels progrès sociaux, cette tendance favorise davantage la perpétuation d’un statu quo peu réjouissant.
Les solutions au problème de gentrification, ou plutôt à ses effets pervers, doivent se situer à l’intérieur d’une troisième voie, en dehors de l’identification traditionnelle et de l’embourgeoisement véritable. Plutôt que de dénoncer aveuglément l’arrivée dans les quartiers populaires de nouveauté quelle qu’elle soit, et s’orienter dans un conservatisme élogieux des symboles de l’aliénation traditionnelle de ces quartiers, il serait sans aucun doute préférable et plus bénéfique de favoriser la richesse et la variété culturelles et intellectuelles ainsi que leur accessibilité, permettant ainsi une plus grande ouverture et conscientisation des masses défavorisées, prémisses d’une véritable libération populaire.
J'ai l'impression très nette en lisant ce texte d'être face à une caricature petite-bourgeoise mal informée. C'est quoi l'essentiel du message? La gauche petite-bourgeoise ne doit pas oublier sa mission civilisatrice et aller coloniser les quartiers populaires pour leur amener la bonne nouvelle?
Tu me semble mal informé d'abord parce que tu ne fait aucune distinction entre les forces qui luttent contre la gentrification et les forces qui se présentent aux élections. Ne t'en déplaise, sauf exception (dans Outremont et Tashereau pour nommer ceux que je connais) il ne s'agit pas du même monde. Les uns n'ont pas fait campagne pour les autres. La plupart du temps, ils s'ignorent cordialement. D'ailleurs, tu ne nomme ni ne cite aucune des organisations qui luttent contre la gentrification.
Tu me semble injuste avec les deux courants, en ne reconnaissant pas la réalité concrète qui a mené aux résultats électoraux que l'on connais. La réalité c'est que l'UFP n'a pas fait campagne dans les quartiers populaires que tu nomme. C'est un choix fait consciement. À Québec, où elle a choisi de faire campagne dans les quartiers populaires, c'est aussi là où elle a fait ses meilleurs scores. Et d'ailleurs, il est faux de dire que les quartiers populaires n'élisent pas de candidats de gauche. Si la gauche est bien implantée localement et proche des préoccupations du monde, elle peut faire élire des candidats. Marcel Sévigny dans Pointe-St-Charles et Réjean Lemoyne dans Saint-Roch en sont la preuve vivante au palier municipal. D'ailleurs, une analyse fine du P.Q. montrerait que son "aile gauche historique" s'est fait élire dans des quartiers populaires.
Tu es également injuste avec les groupes de base qui se battent contre la gentrification en tordant leur propos. Ce que dit le Comité BAILS dans Hochelaga-Maisonneuve ce n'est pas que la gentification menace à court terme le quartier mais qu'en période de crise ce dont à besoin Hochelaga c'est de logements sociaux, pas de condos. Il y a une féroce compétition entre les promoteurs de logements sociaux et de condos pour les terrains vacants permettant de la construction neuve. Ceux-ci se font rare, c'est tout.
Voici un exemple des propos du BAILS, beaucoup plus nuancé que ce que tu laisse entendre:
Le projet bon chic, bon genre de la place Valois, avec ses condos et logements qui n'ont rien d'abordable, n'est pas ce dont a besoin ce quartier défavorisé, surtout en période de crise du logement, croit Jean-Claude Laporte, coordonnateur du Comité BAILS : «La venue de petits bistros et de commerces plus chic n'est pas dangereuse en soi, mais ça le devient quand c'est jumelé à la venue de condos ou de logements plus luxueux. Les deux jumelés ensemble vont faire une pression à la hausse sur les loyers adjacents et vont faire en sorte que d'autres petits commerces vont fermer.» M. Laporte va même jusqu'à dire qu'avec ce concept, «le quartier va perdre une partie de son âme».
Les résidants moins nantis d'Hochelaga-Maisonneuve ne dédaignent pas siroter un expresso à l'occasion, reconnaît-il, mais la demande pour des logements sociaux est si criante qu'il est impératif d'en tenir compte dans la réalisation de la place Valois. «Il y a encore près du tiers des ménages de locataires qui paient plus que 50 % de leurs revenus pour se loger et ce n'est pas le marché privé qui va régler ça», soutient M. Laporte. [Source]
De plus, contrairement à ce que tu laisse entendre, le Comité en question a un appui réel (ils ont déposés une pétition de 1066 à l'appui de leur revendication).
T'est-il déjà passé par l'esprit que les groupes communautaires en lutte contre la gentrification pouvaient être implantés depuis longtemps (30 ans dans certains cas) et composés de résident-e-s et de locataires du coin et non de gauchistes venus d'ailleur?
P.S.: où est-ce que tu es aller chercher ton histoire de taverne?
Merci d'avoir lu mon texte et surtout de l'avoir aussi longuement commenté. Je vais essayer de répondre le mieux possible à tes questions et commentaires, bien que je ne m'attende pas à ce que tu partages davantage mon point de vue, mais au fond il sera clarifié. J'ai un peu hésité avant d'envoyer ce texte, sachant que je m'éloignais un peu trop de la ligne de pensée générale sur la question, mais bon, c'est ça qui le rend quelque peu intéressant aussi, un moment donné on s'écoeure d'écrire pour dire que Bush est belliqueux ou que la ZLÉA favorise seulement les entreprises.
Bon, c'est quoi l'essentiel de ce message? Disons que mon but était avant tout de critiquer un certain conservatisme de plusieurs militant-e-s de gauche, qu'ils-elles appartiennent aux groupes communautaires, étudiants ou autres, en ce qui concerne leur éloge exacerbée de la tradition populaire des quartiers défavorisés.
Je suis conscient de la différence entre les forces militantes et celles qui se présentent aux élections, pour employer ton expression, mais c'est des premières que j'ai surtout traitée ici. La seule référence que j'ai faite aux secondes consistait à rappeler que les idées de gauche avaient paradoxalement moins de succès en quartier populaire qu'en quartier semi-bourgeois, comme en témoignent les résultats des dernières élections. Je parlais ici d'idées de gauche générales et pas seulement ce qui a trait à la construction de logements sociaux. C'est certain que la population des quartiers populaire y sera favorable. Donc, en ce sens, je suis d'accord avec toi que les groupes communautaires ont un appui de la population sur cette question puisque ça les touche directement. Mais je crois malgré tout que ça ne va malheureusement pas tellement plus loin que ça.
Et je ne suis pas d'accord avec toi quand tu dis que l'UFP n'a pas fait campagne à Montréal dans les quartiers populaires. La campagne menée par Gaétan Breton dans Saint-Jacques-Sainte-Marie (Centre-Sud) a été une des plus visibles du parti. Je pense qu'il ne faut pas prendre nos rêves pour la réalité. Ce n'est pas parce qu'on souhaite l'épanouissement d'une catégorie de la population que celle-ci est nécessairement réceptive à nos idées. Les aspirations de la population ouvrière actuelle en est un bon exemple.
C'est vrai que je n'ai nommé aucune organisation. C'est que mon texte vise à critiquer une attitude assez générale (et qui ne touche pas seulement les groupes populaires, mais l'ensemble des militant-e-s de gauche) qui n'est pas nécessairement attribuable à une organisation plus qu'une autre, mais qui relève davantage du raisonnement individuel.
Tu insistes beaucoup sur la question des condos vs logements sociaux, alors que mon texte n'en faisait que très peu état. Car sur ce point, je suis bien sûr favorable à la construction de logements sociaux ou de logements à loyer modique et déplore la hausse des loyers accompagnant l'arrivée de condos. Donc sur ce point, je ne m'éloigne pas vraiment du point de vue dominant.
Ta citation du comité BAIL est très intéressante. J'habite justement Hochelaga-Maisonneuve et particulièrement près de la future Place Vallois. Le terrain en question est somme toute petit. Beaucoup plus que les terrains où seront construites des coopératives, dans le quadrilatère Lafontaine-Nicolet, Ontario et Joliette. Mais comme je l'ai dit, sur la question des condos, je pense qu'on est plutôt d'accord et j'en ai très peu parlé dans mon texte. Ce que je trouve plus déplorable au sujet de la future Place Vallois, c'est de lire et d'entendre autant de critiques contre l'établissement de cafés, bistros et même d'une maison de la culture.
L'essentiel de mon propos concerne la question de l'établissement en quartier populaire de commerces ou établissement (comme une maison de la culture) différents de ceux traditionnellement dominants dans ces quartiers (tavernes et patatries) et dénoncés haut et fort par une grande partie de la gauche. Et de tout ça, tu n'ajoutes rien.
Pour être plus clair, je dirais simplement que je déplore l'éloge de la médiocrité d'une grande partie de la gauche. Car qu'on se le dise, quitte à paraître petit-bourgeois: les quartiers populaires souffrent d'une grande aliénation. Je ne vois absolument rien d'attirant pour un-e militant-e ayant des idées supposées progressiste dans les tavernes et les patateries qui règnent en maîtres dans ces quartiers. Ce n'est pas parce qu'une ambiance loser règne à l'intérieur de ces quartiers qu'on doit l'apprécier et la préférer à l'arrivée d'une possible diversité (avec certains aspects négatifs peut-être, mais tout de même globablement beaucoup plus constructive que l'uniformité conservatrice qui règne jusqu'à présent).
Tu me demandes où je suis allé chercher mon histoire de taverne. De quelle histoire parles-tu? Qu'elles étaient autrefois et jusqu'à assez récemment interdites aux femmes? Me semble qu'à peu près tout le monde est au courant. Sinon, je te conseille de faire un petit tour sur la rue Ontario (j'imagine que dans les autres quartiers c'est semblbales, mais je connais moins les tavernes qui y sont). Dans mon quartier, je n'ai trouvé qu'un seul bar où on y sert autre chose que de la Molson Ex comme bière en fût et c'est le Saint-Vincent (bar où les murs sont pavés d'affiches de pétasses en tenue suggestive) où on y sert en plus de la Molson Ex également de la Heïneken. Au Davidson, qui ouvre à 8h00 le matin pour accueillir ses alcooliques, on y diffuse fréquemment des films pornos (et je ne parle pas de films de TQS, mais de vraie porno). Je ne t'ai fait part que de deux tavernes, mais sache que les autres ne sont pas mieux. C'est impossible en ce moment de trouver un endroit agréable où sortir le soir dans Hochelaga-Maisonneuve. Et en ce sens, je ne vois vraiment pas ce qu'il y aurait de mal à ce qu'un établissement de type bistro (comme le Va-et-vient dans Saint-Henri qui en plus d'offrir des produits de consommation variés et non issus de grandes entreprises comme Molson est un diffuseur artistique hors pair pour les talents locaux, tant en musique qu'en arts visuels) ouvre ses portes à la Place Vallois. Je ne pense pas que les quelques dizaines de tavernes en souffriraient tant que ça, ni leurs clients (je pense que c'est à peu près pas nécessaire de féminiser ici).
Je persiste à te trouver profondément injuste envers les militant-e-s des groupes populaires et je continue de croire que tu es mal informé à ce sujet. C'est facile de critiquer dans les airs une "attitude", des "propos" sans jamais nommer ni citer personne! Je continue de penser que tu a créé un monstre, une caricature, qui n'existe pas dans la vrai vie pour mieux le critiquer.
Ma question sur les tavernes, que j'ai mal formulée, s'était où est-ce que tu as pris ça que la gauche glorifie les tavernes? Dans un même ordre d'idée, je me demande bien qui fait un éloge exacerbée de la tradition populaire des quartiers défavorisés?
Moi ce que je connais du mouvement populaire dans les quartiers populaires, ce n'est pas ça. Il y a effectivement valorisation d'une certaine culture de classe mais il est faux de dire que les groupes pop flattent le monde dans le sens du poil et les confortent dans leurs aliénations. Les groupes populaires se sont toujours attaqués aux aspects aliénés et réactionnaires de la culture populaire. Que ce soit le sexisme et l'homophobie, le racisme et la xénophobie, l'ignorance et le défaitisme. Le mouvement populaire a mis sur pied tout un réseau de groupes d'éducation populaire allant des groupes d'alphabétisation aux centres de femmes en passant par les groupes de défense de droits. Je sais pas comment ça se passe ailleurs mais je sais que jusqu'à la fermeture du cinéma porno, la marche du 8 mars à Québec (organisée par une coalition féministe, syndicale et populaire) faisait un stop devant pour le dénoncer, tout comme les lieux qui ont pas d'allure. J'imagine que c'est pas différent à Montréal (en fait je sais que c'est pas différent).
Pour revenir à Hochelaga, je suis désolé mais tu déforme complètement la position des groupes populaires sur le terrain. Par exemple, dans le projet de Place Valois, la seule chose qui trouve grace aux yeux du BAILS c'est le projet de Maison de la culture. Ils écrivent, dans le bulletin du FRAPRU:
Ce projet prévoit la construction d'une maison de la culture pour le quartier Hochelaga-Maisonneuve (enfin !), ainsi que le développement de petits commerces et cafés, genre bistros branchés. [Source.]
Pour ce qui est du type de commerces qui s'implantent dans les quartiers, je pense que tu n'as pas saisi une nuance. Ce que les groupes dénoncent c'est pas que les commerces sortent de l'ordinaire mais qu'ils s'adressent à une autre clientèle que le monde du quartier (ce qui est d'habitude un signe...). Quand La petite Gaule a ouvert dans la Pointe, il n'y a pas eu de dénonciation des groupes populaires à ce que je sache? Au contraire...
Pour finir, je ne peux pas m'empêcher de lire du mépris dans ton propos, j'ai vraiment l'impression que tu regarde le monde de haut en pensant savoir ce qui est bon pour eux autres à leur place. Je suis désolé mais ça ressemble drôlement à une attitude de petit-bourgeois qui n'est pas à sa place et veut changer le quartier pour que ça lui ressemble à lui (en plein la logique de la gentrification). C'est très différent d'une critique venant du milieu qui tente de changer les choses pour le mieux. Je sais que la logique de la crise du logement ne te laisse probablement pas le choix mais si s'était pas le cas, ostie que j'aurais envie de te dire: "si ça fait pas ton affaire Hochelaga, va donc vivre ailleurs".
Je trouve qu'en matière de mépris tu ne donnes pas ta place dans ta dernière intervention.
Pour la question de la glofirication des tavernes, ce ne sont pas des organisations militantes qui ont clairement affirmé les apprécier. Comme je t'ai dit dans mon message précédent, il s'agit de propos personnels. Je pourrais bien et nommer des noms, mais ça serait inutile. Et puis, souvent, sans que ce soit explicitement dit, il est facile de le deviner. Il me semble qu'à peu près tout le monde qui milite (ou tout simplement prend position) contre la gentrification dénonce l'arrivée de nouveaux établissements soit-disant branchés, qu'il s'agisse de cafés ou de bars. Or, il me paraît évident qu'il y a là un certain mépris envers ce type d'établissements, considérés trop huppés pour le quartier. Donc, il semble qu'il ne s'agisse pas d'une conclusion hâtive que dans une telle optique, les établissements traditionnels de type tavernes sont préférés à ceux de types bistros. La chanson «La gentrification expliquée aux enfants (d'Hochelaga-Maisonneuve)» d'Arseniq 33 (que j'aime bien malgré tout) illustre bien cette vision:
«On va construire des p'tits cafés
Oussé qu't'auras pas le droit d'entrer
[...]
On va construire des p'tits restos, changer les tavernes en bistros»
Bon, je sais, je ne cite pas ici le comité BAILS ou autre organisation militante, mais quand même, je crois que c'est un point de vue assez répandu. Et tant mieux si j'ai tort...
Tu me parles souvent du comité BAILS, mais ce n'est pas nécessairement eux-elles que je pointe ici. Du moins, pas si je me fies à ce que tu me rapportes de ce comité. Concernant la Maison de la Culture, il y a une une dénonciation à l'intérieur du journal de quartier, «Les Nouvelles de l'est» dans laquelle plusieurs artistes et/ou militant-e-s dénonçait l'arrivée d'un établissement bourgeois qui ne vise qu'à institutionnaliser l'art et l'éloigner des masses (ce que je trouve complètement faux). Parmi eux-elles, Armand Vaillancourt, pour qui j'ai tout de même un certain respect. Ils-elles ont ensuite monté sur la future Place Vallois un genre d'exposition d'oeuvres dites populaires (qui à mon avis étaient assez peu intéressantes) dans des conteneurs à déchets. Il y avait également des photos sur des pancartes plantées sur le même terrain où on faisait l'éloge des traditions du quartier. On y voyait notamment une photo de «La Pataterie», située au coin de Bourbonnière et d'Ontario où il était écrit quelque chose comme: «Un bon restaurant accessible à tous les ménages», une photo du Presse-Café où il était écrit qu'à part la beauté de l'édifice, il n'y avait rien d'appréciable (parce que symbole de la gentrification, alors que quant à moi, un Presse-Café même si c'est une chaîne, ça reste toujours bein plus agréable comme endroit qu'une Belle Province ou autre pataterie). Il y avait également une photo d'un citoyen «ordinaire», avec une allure assez loser, accompagnée d'une petite phrase mettant en valeur le personnage.
Ça m'écoeure car je n'arrive pas à retrouver le nom d'un groupe qui milite contre la gentrification dans le quartier, qui n'est pas le BAILS, ni le FRAPRU, ni la CLAC... Il semble assez récent et nettement anarchiste. C'est dommage car j'avais de leurs tracts, mais je ne les ai pas conservés. Je me rappelle juste que c'était un sigle assez long. C'est plate parce que ça aurait été intéressant de pouvoir le citer, question de prouver que je n'ai pas créer un monstre qui n'existe pas...
J'aimerais mentionner que je trouve qu'il faudrait un peu nuancer l'idée des nouveaux commerces qui offrent des produits que les gens du coin ne peuvent pas se payer. Surtout qu'on parle presque toujours de bistros et de cafés. Me semble que c'est pas si cher que ça un café, un thé, une tizane ou au pire, grosse folie une sandwitch, même dans des endroits supposément branchés. Une poutine à la belle province ou à la Pataterie où à un quelconque snack-bar comme il en pleut sur Ontario, c'est pas nécessairement donné (ni très nutritif). Et il y a plein de produits non traditionnels (au quartier) qui sont vendus dans les nouveaux établissements et qui peuvent être plus économiques que ce qui est vendu dans les vieux établissements. Par exemple, acheter du couscous au Merci et des légumes à une quelconque fruiterie ne revient pas plus cher et n'est pas une action plus bourgeoise à mon avis que d'acheter du spaghetti au Métro ou au IGA, ou encore de se payer le luxe d'une poutine (dont les prix semblent exploser depuis quelques temps) à la Belle Province.
Je veux soulever un autre point. De quels commerces branchés parle-t-on au juste? Car, de ce que j'entends ou lis, j'ai l'impression qu'on ne parle pas uniquement de commerces futurs. Or, j'ai bien du mal actuellement à voir dans mon quartier ces fameux cafés-bistros branchés. Le Presse-Café au coin de Ontario et Pie-IX? Ok, au pire je l'accepte, sinon? Le Café Lubu sur Sainte-Catherine, qui diffuse de la littérature québésoise ou des événements artistiques mais qui a le malheur de servir des capucinos ou espressos équitables plutôt que le bon vieux café instantanné insipide auquel la population est habituée? J'aimerais bien qu'à ton tour tu en cites des exemples précis, car j'ai à mon tour l'impression qu'il s'agit en quelque sorte d'un monstre inventé...
Et pour terminer, je trouve que tu fais preuve d'une grande intolérance en me disant «si ça fait pas ton affaire Hochelaga, va donc vivre ailleurs». Comme si on ne pouvait pas être critique envers l'endroit dans lequel on vit, comme s'il fallait absolument endossé ce qui s'y fait pour la simple raison qu'on peut y vivre ailleurs. Ainsi, selon cette logique, on se devrait de dire à un-e immigré-e qui critique le gouvernement Charest de retourner chez elle-lui. Vive l'uniformité, la pensée unique. Ceux-celles qui s'en éloignent, bein la porte est là... Hochelaga n'a pas de place pour des petits-bourgeois hautains et méprisants comme moi! Et si tu prenais la peine de lire attentivement mon texte, tu verrais qu'au fond, en dépit de mes airs de petit-bourgeois, je suis au fond plus progressiste qu'autre chose, en tout cas certainement plus que la grande majorité de mon voisinage.
Pfuiiii. Écoute, c'est toi qui parle des militant-e-s de gauche en lutte contre la gentrification en général. Je trouve que ça ne fait pas justice aux personnes que je connais qui luttent sur ces questions là. Comme j'ai dit, ça fait pas mal caricature. Si je te parle du BAILS c'est pour deux raisons:
1. Je les connais relativement bien.
2. C'est l'une des organisations les plus visibles et les plus impliqués dans Hochelaga contre la gentrification.
Si il y a une couple de personnes individuellement ou en groupe qui ont dit des conneries dans le privé, je ne pense pas que ça te donne le droit de trasher le travail que fait tout un mouvement (surtout si des parties significatives du dit mouvement disent le contraire de ce que tu dis qu'ils disent!).
Pour le groupe dont le nom t'échappe, le seul que je vois ça serait l'Association de défense des droits sociaux du Montréal Métropolitain (ADDS-MM). C'est le seul autre groupe d'un peu d'envergure que je connais qui milite sur ces questions là dans Hochelaga. Sauf que c'est pas un nouveau groupe, ils existent depuis plus de 30 ans. D'ailleurs, s'ils sont radicaux, ils n'en sont pas pour autant anars (ce serait plutôt rouge tendance Gonzalo comme groupe, en fait).
Pour l'instant je suis pressé alors je répondrai sur le reste plus tard.
Quand même, si t'habites dans HM, tu peux pas passer sous silence le fameux marché Maisonneuve revampé que personne peut se payer parce que les prix sont complètement délirant! C'est pourquoi d'ailleurs il est toujours vide! J'ai habtié HM pendant quelques années, et je préférais de loin aller au marché Jean-Talon parce que c'était moins cher. Pourquoi les gens vont à la pataterie? Question de budget. Les hot-dogs à 59 cents n'ont pas encore d'équivalant dans les petits cafés branchés. Je regrette, mais j'ai vu d'avantage de monde aller au surplus de pain acheter des pâtisseries (2 douz. pour 0,99$) plutôt que de payer 3,50$ pour une pâtisserie qui n'en vaut pas le coût. Nutritif? Pas tellement, il me semble. Bienvenue dans le monde de la pauvreté et de la survie.
En passant, peut-être que les tavernes n'offrent pas des bières branchées à 6$ la pinte (plutôt 6$ le pichet pour de la grosse Mol), mais signe des temps, et signe que c'est une question surtout économique, les ventes de bières comme Boréale ou Mc Aulsan, depuis qu'elles sont le même prix que les bières commerciales, ne cessent d'augmenter, et ce au coeur même de HM.
Cher au Marché Maisonneuve? Ouais, peut-être pour des trucs comme des fromages, mais ça c'est pareil n'importe où... Si tu vas au Merci, qui occupe à peu près la moitié du Marché, tu peux t'acheter des grosses poches de couscous qui dure un an pour 7$ ou une livre de café équitable pour 8$ (qui dure également un bon bout). Je trouve pas ça si cher.
Et comme je disais dans un autre message, moi je trouve qu'une poutine à plus de 4$ (comme c'est le cas dans les patateries du coin) c'est cher pour qu'est-ce que c'est.
Es-tu en train de me dire qu'il y aurait un bar dans le quartier où on vend de la Boréale et de la McAuslan? Si oui, dis-moi vite lequel! Jusqu'à maintenant je n'en ai trouvé qu'un seul qui vendait autre chose que de la Molson Ex et c'est de la Heïenken...
Non, la bière de micro-brasserie que l'on retrouve d'avantge, c'est dans les dépanneurs, pas dans les bars. Désolé de la confusion, c'était pas clair.
Pour ce qui est des prix des produits, contrairement à ce que tu dis, si tu regardes ailleurs au marché Maisonneuve, les fruits et légumes par exemple sont souvent plus cher que dans les épiceries locales. Idem pour la viande de boucherie, le pain, etc...
Puis, il aurait été bien que tu reconnaisse dans ton analyse que les quartiers populaires ne sont pas seulement HM et St-Henri. Le quartier Villeray et Petite-Patrie dans les alentours du marché Jean-Talon s'est énormément gentrifié avec le temps, sans apporter d'amélioration sensible à la qualité des produits disponnibles. On a plutôt chassé les pauvres (surtout immigrants) dont c'était leur quartier depuis des décénnies (plus de cent ans pour certains). On y a mis des riches. Les prix ont augmenté. Point. Y'a-t-il une soudaine vague de gauche dans le secteur?
La même chose est visible actuellement autour de la rue Jean-Talon dans Parc Extension. Les restos indiens poussent comme des champignons, mais les prix augmentent tandis que la qualité diminue. On perd des institutions qui étaient présentes depuis des années (4 Frères) au profit d'un géant comme Loblaws qui n'offre plus les produits locaux ou régionnaux comme le faisait auparavent les épiceries de quartier. Est-ce que cela va contribuer à rendre plus "à gauche" les valeurs des immigrants du quartier? J'en doute.
Ce que tu propose en fait comme procédé me semble d'avantage une invasion culturelle qu'une réelle réappropriation de la culture populaire à des fins progressistes. Il ne faut pas oublier que les tavernes ont été souvent les points de rencontre du mouvement ouvrier, des lieux d'organisation politique, sociale... même si ce n'était pas tout le temps le cas. De toute façon, je me reconnais d'avantage dans la culture de la taverne que la culture du café branché. Oui j'ai quelque chose contre les cafés branchés: ils véhiculent un snobisme et des valeurs bourgeoises. Les produits s'y vendent généralement trop cher, et on vous insite à quitter dès que vous avez fini de consommer. Comment cela peut-il convenir à des gens issus de familles pauvres?
Enfin, il ne faut pas insinuer que je suis d'accord avec certaines valeurs véhiculées par les tavernes: je déteste celles où l'on présente des films de cul, je n'y met jamais les pieds. Mais les choses ont bien changé avec le temps et en mieux, on voit de plus en plus de femmes y venir jouer au pool ou écouter la game de hockey. Cela, en soi, c'est une victoire, la preuve que ces activités peuvent aussi être pratiquées par des femmes (au niveau culturel on s'entend). Ok, peut-être de nombreuses femmes ne s'y sentent pas à l'aise; évidemment il y aurait plus à faire, mais c'est déjà un début.
Tout cela pour dire qu'il ne faut pas fustiger la culture issue de la pauvreté. Ton article premier démontre bien plus tes préjugés face aux milieux populaires qu'une réelle connaissance. Si ce sont les même préjugés qui hantent une certaine gauche, pas surprenant que l'UFP n'a pas réussi à percer d'avantage dans les milieux populaires.
Et finalement, si on regarde ton analyse globalement, on devrait constater que les mouvements de gauche sont plus implantés dans les quartiers gentrifiées: ainsi, le Plateau devrait probablement avoir un conseiller d'arrondissement communiste, être l'hôte de nombreaux groupes communautaires combatifs, connaître des mouvements populaires de contestation très fort... Pourtant, c'est loin d'être le cas... Le conseiller du Plateau-Mont-Royal est un des plus grand saloppard de droite de Montréal, les groupes communautaires sur le Plateau sont parmis les moins combatifs, et la "foule" du Plateau est loin d'être celle qui se mobilise pour toutes les causes.
D'abord, je n'ai pas parlé que de Saint-Henri et d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai aussi parlé de Pointe-Saint-Charles et Verdun. Et j'avais mentionné aussi la gentrification de la Petite-Patrie. C'est vrai qu'il y a d'autres quartiers populaires, on pourrait tous les nommés... Et justement, je trouve qu'on a souvent tendance à ignorer les plus éloignés, où il y a souvent des gens encore plus démunis car les loyers y sont moins chers, genre Côte-Saint-Paul, LaSalle, Montréal-ouest, Montréal-nord, Saint-Michel... Et j'ai l'impression que ces quartiers sont encore plus laissés à eux-mêmes, qu'il y a moins d'oranismes communautaires et tout. Et aussi, qu'il y a plus d'immigrant-e-s, une population moins stable.
Je ne me cache pas de proposer autre chose qu'une réappropriation de la culture populaire à des fins progressistes. C'est justement ce que je dénonce. Je trouve que plus souvent qu'autrement la culture populaire est rétrograde. Elle est souvent porteuse de vieilles traditions, habitudes, moeurs empreintes de conservatisme, qu'on pense à la religion, au patriarcat ou plus récemment à la consommation de masse au niveau artistique.
Et pour ce qui est de la question de la gauche du Plateau, je crois qu'elle est présente sous une autre forme que dans les quartiers populaires. Oui, le Plateau a ses côtés poches et je ne pense pas avoir besoin de les mentionner. Mais je trouve qu'on oublie souvent ses bons côtés. Il y a beaucoup de cafés ou restaurants que plusieurs peuvent trouver trop branchés, mais qui sont des véhicules d'idées progressistes. Prenons un café comme le Café Rico par exemple, qui a été un des premiers à vendre du café équitable, qui propose une ouverture internationaliste et accueille des événements à caractère progressiste (comme des réunions de la brigade de solidarité Québec-Cuba). Il y a également plusieurs bars qui ont contribuer à faire connaître certains artistes locaux respectables, comme Lhasa de Sela et la Chango Family. Il y a aussi plusieurs restaurants qui ont été parmi les premiers à offrir une cuisine alternative, végétarienne notamment. Et faut pas oublier que bon nombre de ces établissements ne sont pas de riches endroits pour bourgeois-es, mais qui souffent eux aussi de la hausse des loyers et qui ont de la difficulté à assurer leur propre survie.
Et as-tu pensé que s'il y avait tant de restaurants indiens qui apparaissent dans Parc-Extension, c'est moins à cause de la gentrification qu'à cause que la majorité des immigrant-e-s actuel-le-s qui s'y établissent proviennent d'Inde, du Bangladesh et du Pakistan?
Tu trouves que c'est une victoire que les femmes viennent de plus en plus dans les tavernes jouer au pool et regarder la game de hockey? Je ne vois pas ce qu'il y a de si réjouissant de s'adonner à ce genre d'activités.
J'arrive pas à comprendre qu'une taverne doit être considérée comme un meilleur endroit, d'un point de vue de gauche, qu'un café ou autre bar dit branché. Bon, il y a des bars effectivement trop snobs, mais ils sont quand même assez rares. Même sur le Plateau, il n'y en a pas tant que ça, pour moi les plus branchés snobs sont sur St-Laurent. Il y en a peut-être quelques uns sur Mont-Royal, mais sur les autres rues, pas vraiment. Pour moi les tavernes, ça rime avec hockey, bière déguelasse de grosses compagnies capitalistes qui ont une longue et sale histoire (Molson notamment), des publicités de bières partout sur les murs, des conversations très limitées de premier degré (quand c'est pas des monologues d'alcooliques qui soliloquent), machines vidéo-pokers abrutissantes, machines à toutous qui flashent en plein milieu de la place, de la musique commerciale médiocre et très peu de client-e-s. Et qu'on me dise que tout ce que je vienne de mentionner ici est plus progressiste qu'un café ou bar plus alternatif...
Et en terminant, j'aimerais souligner que je n'ai pas que des préjugés à l'endroit de la culture populaire, mais aussi des connaissances et que je considère même que j'en suis issu. Mon père est ouvrier, ma famille, des deux côtés est issue de milieux très modestes, j'ai grandi en banlieue (qui est une autre forme de culture populaire, tout aussi aliénée, mais autrement) j'ai travaillé deux étés en usine et là j'habite Hochelaga-Maisonneuve. Alors j'ai vraiment pas le profil d'un petit-bourgeois qui méprise le vrai monde. Et ce que je souhaite ce n'est pas de voir arrivée des petits bars tendance avec des tables et des lampes desing au boutte, en aluminium et en verre... Ce que j'aime, c'est plus des endroits comme le Va-et-Vient, la Petite Gaulle, le Café Rico, le Café Utopik, etc. Des endroits qui ne sont pas, à mon avis, des lieux de snobisme et qui sont beaucoup plus constructifs qu'une taverne mysogine où le plus loin qu'on peu aller au niveau des idées, c'est de critiquer l'attaque à 5 des Canadiens.
Derrère la question de la gentrification, il y a celle du type de développement social que nous voulons pour un quartier populaire comme Hochelaga-Maisonneuve. Après la fermeture des grosses usines dans le quartier HM (la Vickers, entre autres), nous nous sommes retrouver avec une hausse fulgurante du chômage. Par ailleurs, le massacre de maisons autour de la rue Notre-Dame pour la construction d'une autoroute n'a certainement pas aidé à la vitalité économique du quartier HM. Parmi les chômeurs/euses, il y avait beaucoup de gens qui n'avaient pas d'instruction. Leurs fils et filles se retrouvaient souvent dans la même situation. HM devint donc ce que des expertEs bourgeoiSEs nomment une trappe à pauvreté parce qu'il n'y avait que des jobines de disponible et, cela, c'est s'il y avait des emplois. Dans les années 70 et 80, il y en avait pour dire qu'il était possible de travailler avec ces pauvres et les amener à sortir de la pauvreté. On devait investir dans l'éducation populaire et faire du développement social et économique en amenant les pauvres à s'y impliquer. Malgré ce que l'on peut en dire, les projets comme le Chic Resto Pop étaient animés, à l'époque, de cet esprit d'empowerment des gens de milieu populaire.
Or, on sait ce qu'il est advenu avec ces projets dont l'esprit de l'époque étaient progressistes. On se retrouve souvent avec des business d'économie sociale qui exploitent des gens sur l'aide sociale avec des programmes d'employabilité sans donner de véritables espaces d'empowerment aux pauvres. Ces business d'économie sociale sont à la base d'une réorientation des régimes d'aide sociale vers le workfare (conditionner l'obtention de montants d'aide sociale à la participation de programme de réinsertion à l'emploi). Cet échec des projets de développement social et économique a entraîner un cynisme complet chez leurs promoteurs/trices et un désenchantement chez beaucoup de progressistes. En fait, dans un régime capitaliste, il fallait s'attendre à un échec.
Mais devant cet échec, il y en a qui en sont venus à se dire qu'investir dans les pauvres, ça ne donnait pas grand chose. Les pauvres ne deviendraient jamais plus instruits, plus débrouillards et plus riches. Pour développer le quartier HM, le développement social et économique des pauvres ne passerait plus dans l'empowerment des pauvres mais plutôt dans l'importation de riches dans le quartier et l'exportation de pauvres ailleurs. Les statistiques économiques moyennes s'en trouveraient améliorer. Quand un travailleur communautaire du quartier HM déclare qu'un peu de gentrification dans le quartier c'est bon, on comprend le cynisme de ces promoteurs/trices de développement social.
Pour attirer des gens plus nantis, il faut aménager un peu le milieu pour leur faire sentir qu'on les désire. Ça peut passer par le nettoyage du voisinage. C'est bizzare mais la venue de quelques condos sur un coin de rue ça entraîne des hausses assez incroyables des loyers aux alentours. Ça chasse des "indésirables". Les épiceries commencent à se spécialiser dans de la bouffe haut-de-gamme. Il y a des nouveaux petits commerces branchés qui ouvrent. Évidemment, deux choses ne peuvent pas se trouver aux mêmes endroits en même temps. S'il y a des condos, des logements à prix abordables ne peuvent pas coexister.
Dans HM, on voit qu'il y a des zones contaminées par le développement des condos. Il y a des poches de contamination au nord de la rue Rouen et à l'est de Pie-IX. Le quadrilatère délimité à l'est par Pie-IX, à l'Ouest par le viaduc, au Nord pas la rue Rouen et au sud par Notre-Dame a très peu de condos pour le moment. Avec le projet du site Lavo, on parle de la construction de plusieurs condos (même si on gomme avec le fait qu'il y aura aussi la construction de logements sociaux sur ce site) et celui de la Place-Valois, ça devient un très dangereux précédent à la contamination.
Dans une situation de pénurie de logement, il y a lieu de s'inquiéter de la prolifération des condos. Les constructeurs de condos s'arrogent des beaux terrains, ce qui laisse rien pour les promoteurs/trices de HLM. Construire des logements sociaux, c'est bien long en terme de temps en démarches administratives. Pour construire des condos, c'est souvent rapide. Lutter contre la gentrification et la construction de condos, ça revient en période de pénurie en un soutien concret aux victimes de la crise du logement, souvent des pauvres dont personnes croient qu'ils et elles sont en mesure de se sortir de leur situation.
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