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RÉFLEXIONS SUR L’ÉMEUTE PUNK AU MEDLEYAnonyme, Friday, October 17, 2003 - 22:17 (Analyses | Repression)
l'autre
L’émeute punk de mardi soir n’est ni condamnable, ni glorifiable. Au-delà des concepts moralisateurs [c’était « bien » ou « mal » ?], je crois qu’il faut plutôt voir ici l’application d’un principe d’accumulation : quand la coupe est pleine, ce n’est qu’une question de temps avant que ça déborde. Qui est coupable dans ce genre d’histoire? C’est la société entière qui est coupable! Alors tant pis pour elle. Ce n’est pas moi qui va pleurer les bagnoles carbonisées quand la société cautionne pire encore : la destruction systématique d’êtres humains en chair et en os devenus des cibles ambulantes de la répression policière et autres, à cause d’un certain type d’habillement et de mode de vie. RÉFLEXIONS SUR L’ÉMEUTE PUNK AU MEDLEY Montréal, vendredi le 17 octobre 2003. L’émeute punk de mardi soir n’est ni condamnable, ni glorifiable. Au-delà des concepts moralisateurs [c’était « bien » ou « mal » ?], je crois qu’il faut plutôt voir ici l’application d’un principe d’accumulation : quand la coupe est pleine, ce n’est qu’une question de temps avant que ça déborde. Qui est coupable dans ce genre d’histoire? C’est la société entière qui est coupable! Alors tant pis pour elle. Ce n’est pas moi qui va pleurer les bagnoles carbonisées quand la société cautionne pire encore : la destruction systématique d’êtres humains en chair et en os devenus des cibles ambulantes de la répression policière et autres, à cause d’un certain type d’habillement et de mode de vie. J’emmerde la société hypocrite dans laquelle on vit. On se targue d’avoir non pas une, mais bien deux Chartes des droits et libertés. Tu parles! Quelle différence que ça fait dans la vie des punks de rue du centre-ville qui se font harceler, et parfois violemment tabasser, pour tous les enfoirés qui portent l’uniforme? Aucune. Essayez donc de porter plainte en déontologie policière quand n’avez aucune adresse, quand vous ne savez même pas si dans six mois vous serez en prison pour purger des tickets impayés! De toute façon, les rares qui s’essayent voient généralement leurs plaintes rejetées pour toutes sortes de motifs. L’existence des Chartes rassurent peut-être les citoyenNEs. Mais elles ne changent rien à la réalité quotidienne de la répression et du contrôle social que vivent les jeunes de la rue. J’entend déjà la société me dire : « oui mais, être punk, c’est être provocateur par définition, alors qu’ils viennent pas se plaindre après coup de subir les frais de leur choix de vie. » Si tel est votre façon de penser, alors j’ai une petite question : avez-vous choisit de naître dans un monde pourri gouverné par politiciens opportunistes à la solde de salauds de milliardaires? Non? Pourtant, vous continuez à participer à cette société que vous qualifiez d’injuste. Reconnaissez au moins aux punks le fait qu’ils et elles sont moins hypocrites que vous en affichant leur rejet de cette société marchande. De nos jours, n’importe qui peut contester sans trop se mouiller. Dans son « temps libre. » On croit pouvoir se soulager la conscience en allant manifester une fois de temps en temps ou en signant une pétition qui finira à la corbeille, ou sur une tablette. Bref, on joue « safe. » Les punks contestent à l’année longue. Leur habilement est une forme de contestation. Ils et elles sont toujours bien visibles sur la ligne de front quand ça barde avec les flics. À défaut d’avoir leur courage, on devrait minimalement respecter leur intégrité qui nous fait défaut à la plupart d’entre-nous. Je ne dis pas que tout le monde devrait devenir punk—je serais d’ailleurs mal placé, puisque je n’en suis pas un moi-même. Je ne prétends pas non plus que tous les punks sont politisés ou qu’ils et elles sont l’avant-garde révolutionnaire. Tout ce que je dis, c’est que si tout le monde agissait selon sa conscience, au lieu de tout le temps faire des compromis sur notre droit d’exister comme on veut, alors, on vivrait certainement dans un monde meilleur, ou à tout le moins dans un monde qui correspondrait davantage à nos aspirations en tant que communauté humaine mondiale. La société se donne bonne conscience en se faisant à croire que les punks ont ce qu’ils et elles cherchent. De cette façon, la société consent, directement ou indirectement, à la discrimination et la persécution dont font l’objet les punks depuis de nombreuses années. D’ailleurs, quand est-ce la dernière que vous avez entendu un groupe de défense des droits, composé de personnel salarié, faire une sortie publique pour dénoncer les politiques de harcèlement policier dont sont victimes les punks? D’ailleurs, quand les jeunes de la rue dénoncent leur triste sort en prenant part à une manif contre la brutalité policière, la flicaille en profite pour s’amuser à rentrer dans le tas. Quand est-ce que vous avez vu un organisme reconnu dénoncer le phénomène d’arrestation de masse qui prend souvent pour cible les jeunes de la rue? Corrigez-moi si je me trompe, mais on dirait qu’il y a des bureaucrates qui font pu leur job… Qu’est-ce que ça à voir avec l’émeute punk de mardi dernier? C’est exactement que là que rentre en ligne de compte le principe de l’accumulation. D’un côté, les autorités publiques s’acharnent sur les jeunes punks, et d’un autre, personne ou presque ne dit rien. La société s’en lave les mains. Mardi soir, la coupe était pleine. Elle a donc débordée quand l’annulation du show de The Exploited a été annoncé. Les shows punks sont souvent la seule opportunité qui existe encore pour ces jeunes de se défouler et vider l’accumulation de frustration. Aussi étrange que ça puisse paraître, les shows punks servent de soupape sociale, où l’on évacue le trop-plein de négatif dans une séance d’auto-défoulement collectif. Il faut vraiment avoir déjà mit les pieds dans un événement du genre pour comprendre toute l’énergie qui sort dans le « pit » de trash. Si toute cette énergie du désespoir était sortie lors du show, la société n’aurait pas prit note que ces jeunes sont remplis de révolte et la vie urbaine est revenue à la normale… Mais quand on leur prive de cette opportunité, qui peut encore s’étonner que ça dégénère en émeute, à part ceux et celles qui ne connaissent rien de la rage de se faire régulièrement chier dessus par toutes sortes de connards qui prennent leurs vessies pour des lanternes : parents intransigeants, direction scolaire autoritaires, policiers psychopathes, citoyenNEs ignorants, égoïstes et bourrés de préjugés, etc. Quand on enlève quelque chose d’aussi précieux a des gens qui ont déjà si peu, et ce, pour des raisons frivoles, liées de surcroît aux politiques ultrasécuritaires qui ont suivi le 11 septembre américain, il n’y a que les autruches qui ont enfoncé si profondément leur tête dans le sable qu’elles ne se rappellent plus de quoi a l’air la lumière du jour pour s’en étonner, voire s’en offusquer. Est-ce que tout ça peut légitimer de s’en prendre à des voitures garés au mauvais endroit et au mauvais moment? Peut-être pas. Mais ça l’explique en mautadit par exemple. D’ailleurs, si vous êtes davantage choqués par des voitures calcinées que par le sort fait aux punks, et bien vous n’avez rien compris et vous faites parti du problème et non de la solution. Il ne manque pas, ces jours-ci, d’activistes pour dire : « regarde comme c’est stupide de faire une émeute pour The Exploited. » Ceux-là et celles-là aussi, n’ont rien compris, ce qui est encore plus désolant puisqu’il s’agit de gens, qui, à mon bien humble, devrait comprendre quelque chose d’aussi simple et « basic. » Mais même dans ce milieu « conscientisé », on porte des jugements de valeur. Et vous, vous prévoyez à l’avance quand vous allez pétez votre coche? Inscrivez-vous à votre agenda « mardi, je vais sauter mes plombs, mercredi, je vais retomber en amour avec la vie, jeudi, je vais… » Personne n’a choisi ce moment précis pour faire l’émeute. C’est arrivé comme ça, par surprise, dans la spontanéité. C’est tout. Si ça n’aurait pas été The Exploited, ça aurait été d’autres chose, croyez-moi. Ce n’était qu’une question de temps avant que ça pète. Quand il y a trop d’humidité dans l’air et que les nuages se noircissent, tout le monde s’improvise météorologiste et prédit l’imminence d’une averse ou d’une intempérie quelconque. Quand il y a trop de tension dans les rues et quand les regards se noircissent, pas besoin d’avoir une maîtrise en socio pour prédire que la foudre va s’abattre quelque part un jour ou l’autre. Ce n’est qu’une question de temps avant que ça tombe. Il ne faudrait surtout pas oublier que tout ça est arrivé à cause d’une décision typiquement arbitraire de la part d’un fonctionnaire d’immigration Canada. Refuser l’entrée au pays de certaines personnes à cause d’un casier judiciaire revient à punir des gens pour le reste de leur vie, ce qui est en soi une injustice qui est pourtant devenu la norme. Pourtant, les gars de The Exploited avaient pu jouer à Montréal il y a quelques années. Ils ont même réussi à passer les douanes canadiennes pour aller jouer en Vancouver dans le cadre leur présente tournée Nord-Américaine, d’où le caractère clairement arbitraire de la décision du fonctionnaire d’immigration de Lacolle. Le plus ironique dans tout ça, c’est que la douane canadienne a entrepris de serrer la vis suite aux pressions du gouvernement américain, alors que les gars de The Exploited ont pu entrer en sol américain sans aucun problèmes! Plusieurs personnes se demandent comme ça se fait que les flics ont tardé avant d’intervenir et comment ça se fait qu’il n’y a eue que sept arrestations pour autant de casse, alors que les flics montréalais sont si prompts à arrêter en masse quand quelques vitrines sont fracassées lors d’une manif. Il y a là, en effet, deux leçons qu’on peut tirer : 1) en dépit de leurs ressources colossales, les flics demeurent pris au dépourvu quand ils sont confrontés à l’imprévu ; 2) en dépit de leur gun et de leur entraînement au combat, les flics sont une bande de pissous. Ainsi, si les flics ramassent autant de manifestantEs à Montréal, c’est parce que leurs opérations d’arrestation de masse sont longtemps préparées à l’avance. Alors quand on prend la rue dans un contexte où c’est annoncé d’avance, les flics nous attendent de pied ferme et sont prêts à intervenir massivement au moindre faux-pas. Par contre, quand l’émeute n’a pas été annoncée par internet, ou par des graffitis du genre : « 26 avril, émeute! », ou par posters affichés aux quatre coins de la ville qui donnent le ton [ex : les journées de « perturbation » de l’OMC], les flics sont prit par surprise. Et c’est parce qu’ils sont pissous que nos flics montréalais ne prendront jamais de front une foule émeutière qu’ils ne sont pas sûr à 200% d’être capables de mater. Les flics vont attendre d’être assez nombreux, genre un flic protégé de la tête aux pieds pour un émeutier qui ne porte aucun équipement de protection (en tout cas, pas dans une émeute comme celle de mardi dernier). Ils vont se lancer dans la bagarre au corps à corps uniquement lorsque le déséquilibre des forces en présence joue en leur faveur. Sceptiques? Vous auriez dû entendre le porte-parole de la police, Ian Lafrenière, expliquer aux médias de masse les raisons du délai d’intervention des unités anti-émeute. Le constable Lafrenière a mentionné qu’il était arrivé qu’un policier perde un œil. Alors, là, on ri plus! Cette histoire du flic qui a perdu un œil, il la sorte à chaque fois. Pourtant, le contexte dans lequel cet événement est survenu n’a rien à voir avec l’événement de mardi. D’ailleurs, les flics anti-émeute ont tous une visière après leur casque de protection pour se protéger les yeux. Le policier qui a perdu un œil était un agent en civil qui s’est jetée dans la mêlé, comme un cow-boy, lors d’une manifestation de la communauté kurde, à Montréal, en février 1999. À l’époque, les kurdes sortaient dans les rues de toute les grandes villes du monde. De nombreux consulats ont été saccagés, incluant à Montréal. Évidemment, les manifestantEs kurdes ne pouvaient pas savoir que cet hurluberlu qui s’était interposé était un flic. Mais quand les flics invoquent systématiquement cet incident particulier pour justifier leur délai d’intervention, on en vient à la conclusion que leur priorité numéro 1, c’est d’abord et avant tout leur sacro-sainte sécurité personnelle. Toutefois, une fois la foule dispersée, les flics qui ont envahit par dizaines les rues du centre-ville sont subitement redevenus « courageux. » Des punks qui quêtaient sur la rue Sainte-Catherine, ou qui ne faisait que traîner dans le coin, ont été agressés sans raisons par des sales cochons gonflés à bloc. Une jeune fille qui sollicitait de l’argent aux passantEs en face des Foufounes a reçu une claque derrière la tête d’un policier qui patrouillait en gang. Elle n’a pas appréciée et quand elle s’est levée pour dire sa façon de penser, les gros porcs sales en ont remis et lui crissant carrément une volée. Un passant scandalisé qui a voulu intervenir a lui aussi été tabassé. Bref, tout était redevenu à la « normale. » Le même soir, les flics ont même tenté de faire une descente au Café Chaos sur la rue Saint-Denis. Mal leur en pris, le personnel du bar s’est opposé à cette intrusion, par ailleurs complètement illégale. On est passé à deux doigts de la bataille rangée dans le cadre de porte, mais finalement les policiers ont rebroussé chemin. Les flics ont aussi vidé un pizzéria de la rue Sainte-Catherine de sa clientèle. Comme ça, sans raisons. Maintenant que les flics ont eu l’air fous, ou incompétents, devant l’opinion publique, maintenant que la réputation de Montréal a été terni dans le « monde civilisé », les autorités publiques nous promettent encore davantage de répression et contrôle. À commencer par cette illustre pourriture du nom de Peter Yeomans, le président de la Commission de la sécurité publique à la Ville de Montréal, qui a prétendu, sans avancer la moindre preuve à l’appui, que les émeutierEs avaient préalablement « des idées de faire de la casse. » [1] Yeomans a dit espérer qu’à l’avenir, les flics seront « mis au courant des concerts à venir afin d'être certains de suivre toute cette population de très près » [on parle de la population punk ici]. Pourtant, si les flics tiennent tant à savoir qui joue en ville, ils n’ont qu’à faire comme tout le monde et à ouvrir un hebdomadaire culturel gratuit ou à lire les posters qui sont affichés sur les poteaux de la ville! Va-t-il falloir que les gérants de salles de concert demandent la permission aux flics avant de signer un contrat pour une soirée punk? Et va-t-il falloir que les promoteurs de show fassent enquête sur les antécédents judiciaires sur les membres des groupes de l’extérieur du pays avant d’accepter de booker une salle? Chose certaine, les premières réactions des autorités publiques annoncent des temps difficiles pour la scène punk montréalaise. [1] Presse Canadienne, « Les policiers et la ville estiment avoir fait de leur mieux quant à l'émeute », 15 octobre 2003
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