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Témoignage de Rafah par Laura ISM

Anonyme, Thursday, October 16, 2003 - 13:21

Laura

Quand nous sommes arrivés au camp de Yibneh, l'exode avait déjà
commençé, rendez vous d'une nouvelle génération avec l'exil, image
moderne de réfugiés descendant de réfugiés: des charrettes chargées de
meubles ampilés tirées par des ânes, des hommes décrochant de leurs
gonds les portes de leurs maisons, des enfant qui tenaient les clés de
leurs maisons accrochées à des chaînes vertes fluorescentes

Témoignage de Rafah par Laura, membre de l'ISM
traduit de l'anglais par Mireille D

> Alors des cris se sont élevées des rues, automatiquement nous nous
> sommes mis à courir jusqu'en bas de la route , contournant des gens qui
> avaient dépassé leur peur, des charrettes lourdement chargées,tirées par
> des ânes,et nous avons couru jusqu'à ce que nous trouvions un coin de
> rue ou tourner, et là, nous avons dépasser des familles et des enfants
> dans des ruelles étroites suffisamment éloignées de la rue principale
> pour ne pas être au courant du pire, suffisamment loin pour que nous
> soyons les premiers à répandre la nouvelle que l'armée était revenue.Les
> vieillards ont écarquillé les yeux, les mères tiré leurs enfants à
> l'intérieur,jetant des regards inquièts en direction de là ou nous
> venions. Nous avons trouvé la route de la mer et un taxi et nous nous
> sommes dirigé vers le Block J. Nous avons essuyé un tir de mitrailleuse
> en rentrant dans le camp de Yibneh. C'était le crépuscule. Le soleil en
> se couchant derrière le mur en bordure de la ville fit un trou brûlant
> dans le ciel.
> Quand nous sommes arrivés au camp de Yibneh, l'exode avait déjà
> commençé, rendez vous d'une nouvelle génération avec l'exil, image
> moderne de réfugiés descendant de réfugiés: des charrettes chargées de
> meubles ampilés tirées par des ânes, des hommes décrochant de leurs
> gonds les portes de leurs maisons, des enfant qui tenaient les clés de
> leurs maisons accrochées à des chaînes vertes fluorescentes.
>
> L'armée était partie pendant la nuit, laissant derrière elle une ville
> complètement dévastée, des pans de maisons s'enchevètrant comme des
> corps tordus jusqu'au ciel. Des arbres et des rues, des lignes
> electriques, des conduites d'eau, cassés, tordus, entremêlés, déracinés.
> Un cimetière de choses qui reflétaient la vie. Les morts eux avaient été
> emmenés sur des civières, pour la plupart aprés être restés pendant des
> heures étendus dans la rue, à cause des tanks et du couvre feu et parce
> que les gens effrayés étaient restés derrière les portes fermées, alors
> que les ambulances négoçiaient leur passage auprés de l'armée.C'était un
> jour typique d'automne, avec des nuages fins parsemant le ciel d'un bleu
> de piscine.
>
> L'armée était partie pendant la nuit, dans un fracas de tonnerre,
> grondant dans sa descente jusqu'à la frontière,effrayant toute la ville.
> Elle était partie non pas par les rues traversées en venant, mais en
> se frayant un passage à travers les maisons qui étaient encore debout à
> Yibneh, démolissant tout sur son passage et écrasant ce qui restait .
> Dix personnes ont été tuées, et plus de quatre vingt blessées; cent
> maisons ont été démolies, et quinze cent personnes sont devenues sans
> abris, selon une estimation de l'ONU. Et en fait,l'armée n'est pas
> complètement partie, stationnée provisoirement le long de la
> frontière,et Moshe Ya alon ( chef d'état major de l'armée israélienne
> ndt )a appelé des reservistes pour de nouveaux déploiements de troupes;
> le mot qui circule en ville c'est que l'armée était partie pour laisser
> le temps aux familles effrayées de quitter le camp, abris vide, qu'il ne
> resterait plus à l'armée qu'à démolir.
>
> Cette nuit, je suis restée avec Noura et la famille à la porte de Salah
> el- Deen.Le matin, nous avons jeté un coup d'oeil furtif par dessus le
> balcon. Un tank était toujours positionné pres de la tour du block O. Il
> n'a pas arrété de tirer aussi, et ce, pendant toute la journée, par
> raffales.
> La plupart des morts étaient des adolescents qui, plus curieux
> qu'effrayés, étaient sortis dehors pour voir ce qui se passait dans
> leurs rues,au lieu de rester dans leurs maisons. Ils ont été conduits
> sur des brancards jusqu'à la morgue de l'hopital, en attendant que leurs
> familles viennent les identifier, certains à peine reconnaissables,
> conservés dans des linceuls en attendant que l'armée parte et que leurs
> familles puissent les enterrer.Lorsque des funérailles ont eu lieu,ce
> n'était pas dans le camp que l'armée menaçait de réenvahir, mais loin,
> en centre ville, à Hay Il Ijnena.
> Mais pas suffisamment loin :un hélicoptère Apache a largué un missile
> dans un champ désert à proximité de l'enterrement, le deuxième jour de
> l'invasion,enterrement de ??? qui habitait à Hay Il-Ijnena, le quartier
> le plus chic de la ville, connu pour être loin de la frontière, et qui
> est mort touché par d'enormes balles tirées d'un Apache à travers le
> toit de sa maison.
>
> Quand l'armée est rentrée, nous étions sur le toit, entrain de raconter
> des histoires et des rêves à la ronde. Les Apaches sont arrivés en
> précurseurs de la fin du monde,larguant des balles de la taille d'un
> poing - boom boom boom, des explosions à quelques minutes d'intervalles
> des tanks et des avions. Nous avons passé la nuit la peur au ventre à
> boire du café, chaque balle entendue nous semblait comme tirée à travers
> nos fenêtres. Nous sommes dans le centre ville. Tous les tirs viennent
> de la frontière, et même si cela n'atteint pas nos murs,cela tire dans
> notre direction,cela fait un bruit terrible,abrutissant, crepitement de
> pluie.
>
> Les gens envahirent l'hopital et des le matin celui ci était déjà à
> cours de médicaments. Personne ne pouvait aller jusqu'à l'hopital
> européen de Gaza, seul hopital correct dans la région, des tanks étant
> parkés devant depuis des jours ne laissant personne approcher.Les morts
> attendaient dans les refrégérateurs pour être identifiés. Il n'y avait
> plus suffisamment de lits.
> Mon ami Adwan fut le premier à identifier son ami, un ami qu'il avait
> depuis 12ans, Mabrouk, dont le nom veut dire félicitations, qui avait
> reçu trois balles dans la tête et cinq dans le dos, en rentrant à pied
> chez lui, à 19 ans.
> A la mosquée, les hommes se rassemblaient pour la prière et pour
> partager des informations. Mohammed revint avec des nouvelles. Le sheik
> de la bibliothèque,celui que nous connaissions tous avait été tué alors
> qu'il marchait dans la rue, une balle dans le coeur. L'un des
> conducteurs d'ambulances qui avait conduit Rachel Corrie à l'hopital
> avait lui aussi été tué en route pour sauver des blessés.C'était l'une
> des deux ambulances sur lesquelles l'armée à tiré cette nuit là.
> En bas de la rue de mon amie Feryal au block J, une garçon de huit ans,
> le fils de son voisin, a été tué sur le pas de sa porte quand un tank
> fit marche arrière vers sa maison et lui a tiré dessus alors qu'il en
> sortait en courant. Pendant deux heures l'ambulance s'est vu refuser le
> passage alors que l'enfant saignait à mort. Feryal est enceinte et doit
> accoucher ces prochains jours. Quatre tanks étaient parkés à chaque coin
> de son block.
>
> Je suis allée avec les employés municipaux pour négocier avec l'armée
> afin qu'ils puissent réparer l'electricité et l'eau dans une rue qui en
> est privée depuis plusieurs jours. Les vrais héros ici sont les employés
> municipaux et les conducteurs d'ambulances qui ont passer outre leur
> peur pour maintenir les services en ville. J'ai parlé d'une distance de
> 10 yards avec un soldat dans un vehicule de tranport de troupe, pour
> voir si les employés pouvaient réparer le système d'alimentation en eau.
> il m'a fait un signe avec le pouce levé. Il semblait essayé de
> comprendre. Des univers parallèles qui entrent en collision. Je
> n'arrivais pas à croire que j'étais entrain de parler avec une personne
> réelle à l'intérieur de cette énorme machine, j'avais terriblement
> besoin de contact humain, pour mettre un visage sur cette machine
> militaire. Nous avons crier de chaque coté d'un barrage routier que
> l'armée avait érigé, séparation que nous ne pouvions franchir ni l'un ni
> l'autre. Je suis restée trop longtemps, à le regarder bêtement, en
> espérant que je pourrais lui parler pendant des heures jusqu'à ce qu'il
> quitte son blindé, me sentant naive et bête dans le soleil de l'apres
midi.
> L'armée a dévasté la totalité de la rue. L'eau remplissait le sable
> partout ou les conduites d'eau avaient été brisées. Des personnes
> manquaient de nourriture, n'avaient ni eau ni electricité depuis deux
> jours. Deux femmes qui voulaient apporter des vêtements à leurs enfants
> à l'intérieur de la zone militarisée se virent refuser l'entrée. La
> municipalité, qui voulait apporter de la nourriture de première urgence
> aux personnes bouclées dans cette zone et réparer l'eau et l'electricité
> s'est vue refuser l'entrée.
> La nuit précédente j'avais dormi chez la famille de Naela.L'invasion
> était vieille d'une journée. " Jenin" était le mot qui courait sur
> toutes les lèvres," b'eyn Allah" c'est sous le regard de Dieu.
> La maison de mon amie Anees a été partiellement démolie. Celle d'Abu
> Ahmed le vendeur de jus de carob l'a été entièrement.
> L'armée israélienne a utilisé des gaz inervants pour la première fois à
> Rafah laissant les personnes secouées, pendant plusieurs jours.
> Et, la nuit dernière, je me suis enfuie des rues de Yibneh alors que
> l'armée revenait et me suis frayée un chemin jusqu'à la maison de Feyal
> au block J; mieux vaut être avec elle sous couvre feu que de m'inquiéter
> à l'extérieur. L'armée cette fois n'est pas venue de la même façon
> qu'elle le fait d'habitude, mais a envahi les lieux de manière à
> terroriser les personnes pour les pousser à fuir, puis tiré pendant
> toute la nuit. J'ai commençé à confondre tous les bruits forts avec ceux
> des tirs d'armes, comme j'avais l'habitude de le faire à mon arrivée ici.
> Nous avons dormi partiellement. Dehors tout autour, tout a été démoli.
> Le matin était tranquille. Des familles étaient assises sur le pas de
> porte de leurs voisins fixant les destructions. L'endroit etait passé
> d'un quartier vivant et peuplé à une sorte de gallerie bizarre, ou les
> enfants fouillaient parmi les meilleurs perchoirs de voitures tordues et
> de maisons en ruine. Encore quelques semaines et l'armée achèverait son
> travail de " nettoyage" de la zone - enfouissant les restes de la ville
> jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien qu'une étendue plate sableuse, un
> parking de l'armée.Même les fantômes quitteront l'endroit, à la
> recherches de meilleurs horizons.
>
> Alors même que je suis assise avec Feryal dans la clinique remplie de
> femmes enceintes et d'enfants criant, des tanks tirent sur les camps.
> Cela ne s'est pas arrêté de la nuit ni de la matinée, et il y a quatre
> nouveaux blessés. La ville entière est effrayée,a peur de respirer.La
> tristesse est sèche et indescriptible. Des personnes sont sous les
> tentes dans la rue, quelques familles offrent une pièce pour héberger
> les nouveaux sans abris. L'armée ment, comme d'habitude,qui dit que dix
> maisons seulement ont été détruites, et que les personnes tuées étaient
> des combattants. Des journalistes essaient d'arriver jusqu'ici mais avec
> difficulté et à condition qu'ils suivent les instructions de l'armée.
> La machine à ultra son ressemble au tir d'armes pour mes oreilles
> effrayées. Feryal regarde droit devant, regard cynique, sarcastique,d'un
> oeil distant.
>

> communiqué traduit et relayé par ISM FRANCE
> tous les communiqués et témoignages peuvent être lus en français sur
> www.ism-france.org
> en anglais sur
> www.palsolidarity.org
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>
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