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Le Québec rouge rate son autocritique

Eric, Thursday, October 9, 2003 - 19:09

Pierre Dubuc

J'ai visionné avec d'autant plus d'intérêt « Il était une fois: le Québec rouge », le film de Marcel Simard sur le mouvement marxiste-léniniste des années 1970 que je viens de terminer la rédaction d'un livre dont une partie importante porte sur le même sujet.

Mon jugement sur le film de Simard est mitigé. Les témoignages d'ex-militants et militantes du groupe En Lutte et du Parti communiste ouvrier (PCO) constituent la majeure partie du film. Ils sont extrêmement décevants. On se contente de décrire les activités des groupes et de se lamenter d'y avoir consacré toutes ses soirées et ses fins de semaines, en plus d'une bonne partie de ses revenus.

Des propos d'où transpire l'individualisme ambiant de cette génération de petits-bourgeois -il n'y avait quasiment pas d'ouvriers dans ces groupes, admettent les participants au film- dont bon nombre ont voué par la suite leurs loisirs et leurs revenus à la Bourse, à la coke et aux clubs échangistes.

D'autres ont poursuivi sous des formes différentes leur engagement social et je suis convaincu que Françoise David et Lorraine Guay - qui témoignent dans le film- nous diraient que leur implication dans la Marche des femmes leur a demandé encore plus d'heures et de sous que le groupe En Lutte auquel elles appartenaient. Questionnez les sur le sujet et elles reconnaîtront qu'elles y ont trouvé un enrichissement personnel inestimable, tout comme les milliers de personnes qui ont fait de cet événement un succès.

Le problème n'est pas le dévouement et l'abnégation, qui comptent parmi les plus belles qualités humaines, et qui ont constitué le carburant essentiel de toutes les grandes causes qui ont fait avancer l'humanité. Le problème est ailleurs. C'est celui de la direction politique qu'a emprunté le mouvement maoïste. Là-dessus, on n'apprend rien des témoignages des ex-membres de ces groupes. Même pas de Roger Rashi, l'ex-dirigeant du PCO, qui décrit avec une abondance de détails le fonctionnement de son groupe sans jamais parler de son orientation politique. Nous avons l'impression d'entendre le mécanicien du véhicule et non pas le pilote qui était au volant.

Pour expliquer les enjeux politiques de l'activité de ces groupes à la veille du référendum de 1980, le réalisateur fait appel au journaliste Jean-Claude Leclerc qui montre comment la position en faveur de l'annulation des maoïstes s'inscrivait parfaitement dans la stratégie fédéraliste. Leclerc explique, a contrario, que l'adhésion à la cause souverainiste de cette dizaine de milliers de militants et militantes dévoués et extrêmement actifs aurait eu un impact important sur l'issue de la lutte. Il étonnant de constater que Françoise David minimise encore aujourd'hui, jusqu'à la considérer comme négligeable, l'influence des maoïstes sur le déroulement des événements à ce moment clé de notre histoire.

Leclerc soulève évidemment la question de l'infiltration policière. Mais, curieusement, il ne mentionne pas des faits connus, suite aux révélations de la Commission Keable, sur l'infiltration de la GRC à la direction du groupe En Lutte. Bien qu'il ne faille pas sous-estimer la question de l'infiltration policière, celle-ci n'explique pas tout. Pour que l'extrême gauche ait pu connaître autant de succès pendant une dizaine d'années, il fallait que l'orientation politique des groupes maoïstes ait une base sociale réelle et se rattachent à des grands courants politiques de l'histoire canadienne. Ainsi, En Lutte n'était rien d'autre sur l'échiquier politique que l'aile radicale du Parti libéral du Canada et il y avait beaucoup de similitudes entre les positions du PCO et les positions traditionnelles du parti conservateur.

Enfin, si on veut parler d'infiltration policière pour infléchir une orientation politique, il faut évidemment parler du cas le plus connu et le mieux réussi : celui de Claude Morin au sein du Parti québécois. Le film l'évoque à quelques reprises, mais sans jamais en montrer la portée et la signification politique.

Toutes ces questions, et plusieurs autres, sont traitées en profondeur dans le livre que nous ferons paraître cet automne.

-Pierre Dubuc

l'Aut'journal sur le web
www.lautjournal.info


Subject: 
Pour visionner le documentaire...
Author: 
PML
Date: 
Fri, 2003-10-10 00:43

Pour ceux qui souhaiteraient se faire leur propre opinion du documentaire ou pour revenir en discuter sur le site, voici les heures de rediffusion:

Télé-Québec
samedi 11 octobre à 17h
mardi 14 octobre à 10h

Bonne écoute


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Subject: 
cest facile
Author: 
gabriel
Date: 
Fri, 2003-10-10 08:20

D'abord jai une haine viscérale pour les maos, et leur conception fascisante des "masses". Cependant, rendons à Brisebois ce qui appartient à Brisebois, ils-elles ont milité comme peu militent aujourd'hui: en faisant des sacrifices et en chanboulant complètement leur vie pour un idéal auquel n'importe quel être humain ne peut rester indifférent. Ça c'est loupé dans le film, on ne parle pas de la condition ouvrière dans le Québec de l'époque, ni de l'idéal M-L. Et l'histoire de l'infiltration et de la prise de position abstentionniste n'est que poudre aux yeux. C'est vraiment dégueulasse d'entendre des péquistes à la Simard et à la Dubuc (quoi qu'il en dise) cracher sur les ML pour l'abstention: leur ligne est discutable, mais vous semblez écarter toute rationalité derrière ce choix, pour n'en faire qu'une manoeuvre politique commanditée par Ottawa, et ça c'est dégueulasse. C,est clair que votre nationalisme passe bien avant la classe ouvrière, vous navez pas de lesson à donner à personne.


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Subject: 
La question national et le PCO
Author: 
Bleuler
Date: 
Fri, 2003-10-10 09:26

Je n'ai pas vu le film. Par contre, je me souviens que la question nationale est au centre de la crise qui a fait éclaté le PCO. Lorsque l'identité des membres du comité central a été révélé et que les militants québécois ont réalisé que le CC était essentiellement composé anglo-canadien, ça a mis en perspective les positions du parti sur la question nationale.


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Subject: 
Déçu moi aussi
Author: 
martin dufresne
Date: 
Fri, 2003-10-10 21:11

Comme "aucharbon", mais sans sa haine viscérale, j'ai été déçu, surtout attristé en fait par ce film où la véritable question - "Est-ce que ça aurait pu marcher? Était-ce, est-ce la seule façon dont le pouvoir pourrait être renversé?" - est systématiquement éludé, du début à la fin du film de Simard, au profit d'analogies oiseuses avec la religion et d'allusions souriantes à des théories de conspiration qui n'établissent rien d'autre que la confusion et le désespoir de ceux qui préfèrent parler de l'infiltration policière comme si c'avait été le seul déterminant de cette situation. (Heille, ça a toujours existé l'infiltration, c'est leur job!)
Peut-être bien que les gens d'ici n'étaient pas encore prêts-es à une politique disciplinée, concertée, axée sur un projet de gains tactiques progressifs? Ou peut-être qu'il était déjà trop tard pour un ralliement populaire dans les années 70, que les médias nous avaient déjà atomisés, réduits au rang de spectateurs? Il me semble qu'il n'y avait qu'une façon de le savoir: essayer, y travailler aussi fort que les ML l'ont fait. En tout cas, on le saura d'autant moins tant que les nouveaux bourgeois nous présenteront un tel projet comme scandaleux et ayant nécessairement dû échouer sous prétexte qu'un tel niveau d'organisation "cassait le party" d'un gentil pluralisme qui esquivait tout projet collectif concret.
Je n'ai pas fait partie de cette gauche-là à l'époque mais, à voir le film d'hier, je l'ai regretté, je me sentais plus solidaires d'eux et d'elles que des gens compassés interviewés.
En fait, il m'a semblé qu'on aurait pu faire un film aussi pétri de bonne conscience sur la façon dont la belle atmosphère conviviale d'une bande d'amis-es avait été "gâchée" par un conflit de travail où chacun et chacune avaient dû choisir leur camp. C'est tout dire.

Martin


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