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Gros plan sur Eric Manzi, secrétaire général de la Centrale des syndicats des travailleurs du Rwanda (CESTRAR)

jplarche, Monday, September 29, 2003 - 08:33

Anne Renaut

Syndicats et conflits armés : l’exemple du Rwanda

Bruxelles, 29 septembre 2003 (la CISL en ligne) : Au jour du premier tour des élections parlementaires au Rwanda, Eric Manzi, secrétaire général de la Centrale des syndicats des travailleurs du Rwanda (CESTRAR), affiliée à la CISL, raconte comment les syndicats rwandais participent à la réconciliation des ethnies et à la démocratisation de son pays. Un témoignage qu’il a pu apporté à la conférence sur la « diplomatie sociale préventive » que la centrale syndicale belge FGTB, affiliée à la CISL, organisait à Bruxelles des 24 au 27 septembre. Des syndicalistes venus d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique, et d’Europe de l’Est, y ont témoigné de leur expérience face à la guerre dans leur pays. Jose Olivio Oliveira, secrétaire général adjoint de la CISL y a rappelé que les syndicats étaient des « acteurs de paix », car « la paix (…) ne peut se fonder que sur la justice sociale », c’est-à-dire sur l’éradication de la pauvreté, la lutte pour l’inclusion sociale et pour les droits fondamentaux au travail. « Les pays où l’on note la plus grande participation institutionnelle des syndicats ont le niveau le plus bas de conflits », a-t-il aussi souligné.

Bruxelles, 29 septembre 2003 (la CISL en ligne) : Au jour du premier tour des élections parlementaires au Rwanda, Eric Manzi, secrétaire général de la Centrale des syndicats des travailleurs du Rwanda (CESTRAR), affiliée à la CISL, raconte comment les syndicats rwandais participent à la réconciliation des ethnies et à la démocratisation de son pays. Un témoignage qu’il a pu apporté à la conférence sur la « diplomatie sociale préventive » que la centrale syndicale belge FGTB, affiliée à la CISL, organisait à Bruxelles des 24 au 27 septembre. Des syndicalistes venus d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique, et d’Europe de l’Est, y ont témoigné de leur expérience face à la guerre dans leur pays. Jose Olivio Oliveira, secrétaire général adjoint de la CISL y a rappelé que les syndicats étaient des « acteurs de paix », car « la paix (…) ne peut se fonder que sur la justice sociale », c’est-à-dire sur l’éradication de la pauvreté, la lutte pour l’inclusion sociale et pour les droits fondamentaux au travail. « Les pays où l’on note la plus grande participation institutionnelle des syndicats ont le niveau le plus bas de conflits », a-t-il aussi souligné.

Comment les syndicats au Rwanda ont pu aider à panser les plaies du génocide de 1994, qui a fait 500.000 morts ?

M. Manzi - Juste après le génocide en 1995, après l’accession au pouvoir du FPR, le Front patriotique rwandais, nous avons amélioré le bien-être social des travailleurs. Nous avons instauré un système de pharmacie sociale, où les travailleurs s’approvisionnent en médicaments à un prix abordable par rapport aux autres pharmacies. Nous avons aussi instauré un système d’économat syndical. C’est-à-dire que les travailleurs qui n’étaient peu ou pas du tout payés venaient s’approvisionner, sous forme de crédits à rembourser quand leurs salaires seraient versés sur leurs comptes. Avec les pharmacies sociales et l’économat syndical, nous avons aidé à refaire fonctionner les Caisses des travailleurs. Aujourd’hui, l’Union des caisses des travailleurs est devenue une sorte de banque de micro-finances, qui marche bien et vient d’acquérir sa personnalité juridique. Tout cela a été une période de secours. La CESTRAR a ainsi aidé le gouvernement à faire redémarrer l’économie et à ce que les travailleurs aient le minimum pour vivre.

Dans un deuxième temps, il s’agissait de passer aux revendications. Il était impossible dans une période comme celle-là de revendiquer des hausses de salaires exorbitantes. Tout ce que nous avons pu faire c’est de demander une augmentation d’au moins 50% des salaires. Nous avons pu obtenir du gouvernement en 1996 une non seulement 20% d’augmentation des salaires, mais aussi une indemnité forfaitaire de logement et de transport, notamment pour les travailleurs de la Fonction publique, ainsi que le démarrage d’une mutuelle de santé où les travailleurs cotisent à hauteur de 5% de leur salaire.

Nous avons participé aussi à la révision du Code du travail, qui n’était plus adapté au contexte de mondialisation et d’ajustement structurel, et nous avons fait aussi un travail de reconnaissance du mouvement syndical, pour que les syndicats soient reconnus comme des partenaires incontournables du point de vue social et économique.

Que faites-vous pour empêcher que les rivalités ethniques ne resurgissent?

M. Manzi -Au niveau des syndicats, nous avons été les premiers à montrer l’exemple. Ceux de l’ethnie hutue et ceux de l’ethnie tutsie ont redémarré ensemble le mouvement syndical. Même dans les instances dirigeantes, sans que cela soit un dosage comme on le fait maintenant au niveau du gouvernement, mettre ensemble Hutus et Tutsis a été quelque chose de naturel, selon les compétences de chacun, sans considérer l’ethnie.

Cela été un signe de réconciliation très fort, un message que nous avons envoyé aux politiques. C’est une chose que même la population est maintenant en train d’acquérir, c’est-à-dire transcender toutes ces divergences d’ordre ethnique, qui en fait ne servent à rien.

Nous sommes aussi impliqués dans des mécanismes de réconciliation. Hormis notre travail traditionnel d’éducation ouvrière, nous avons intégré l’éducation civique dans l’éducation que nous donnons aux travailleurs. Non seulement nous leur parlons des droits humains, des droits syndicaux, mais en plus nous intégrons des thèmes comme la bonne gouvernance, la réconciliation, la justice etc… Cela est un apport du syndicat à la prévention, car le problème ethnique a été plutôt un problème d’éducation, de mauvaise gouvernance.

Nous essayons aussi, à travers un dialogue constructif avec le ministère du Travail, de prévenir les conflits sociaux. Car un conflit social peut empiéter sur le travail que le gouvernement est en train de faire de réconciliation. Et cela peut encore faire revenir en arrière la situation. Les gens vont encore prendre en considération l’aspect ethnique, mais c’est très souvent par révolte par rapport à la situation sociale. C’est dans ce sens que nous essayons de promouvoir le dialogue. Et le 1er août dernier, nous avons lancé officiellement le programme de dialogue social, qui va se concrétiser bientôt par l’installation d’un Conseil national du travail. Avec le nouveau Code du travail, c’est un pas vers la prévention.

Le nouveau président rwandais, Paul Kagame, a été élu le 25 août dernier avec 95% des voix. Ce score ne vous gêne-t-il pas?

M. Manzi -Dans la période actuelle de démocratisation, nous avons évité d’entrer profondément dans les débats politiques, non seulement pour garder notre indépendance, mais aussi pour rester neutres. Car nous comptons rester d’abord des observateurs de ce processus. Cela nous a embarrassé de ne pas entrer dans le débat politique , mais nous pensons avoir bien fait, c’est notre contribution silencieuse à la démocratisation. Pour qu’il y ait ce bien-être social, il faut qu’il y ait une certaine stabilité politique.

Notre travail est l’éducation civique pour expliquer les principes démocratiques, la bonne gouvernance, les bienfaits de la décentralisation du pouvoir. La population a encore besoin d’être éduquée et formée pour que plus tard les travailleurs puissent participer à des élections libres et démocratiques.

Ce score est effrayant à première vue mais cela s’explique un peu par le contexte d’une seule candidature assez valable et d’autres qui s’essaient. Ce sont les premières élections démocratiques. Nous ne sommes pas très inquiets. Il reste cependant des choses à faire d’un point de vue socio-économique, et c’est là que notre bataille va se concentrer.

Propos recueillis par Anne Renaut

158 millions de travailleuses et de travailleurs provenant de 150 pays sont affiliés à la CISL à travers leur affiliation à une centrale syndicale. Au Canada, les syndiqué-es CTC(FTQ) et CSN en sont membres.
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