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Les médias indépendants: gages de paix!

Anonyme, Wednesday, September 10, 2003 - 07:42

Florent Cosandey

Un calme précaire règne dans les Balkans, après une décennie de conflits sanglants. Même si elle ne fait plus la une de l’actualité, la région reste une poudrière. La paix ne s’est pas encore imposée dans les esprits et de nombreux facteurs d’instabilité demeurent. Depuis plus de dix ans, l’organisation Medienhilfe, basée à Zurich, soutient les médias indépendants d’ex-Yougoslavie, lesquels ont un rôle important à jouer dans le processus de démocratisation et de pacification des Balkans. En offrant une information de qualité, fondée sur des principes déontologiques, ils désamorcent les conflits et combattent les préjugés. Medienhilfe élargit actuellement son champs d’action, en cherchant à venir en aide aux médias qui ont besoin de soutien à travers toute l’Europe de l’Est. Elle coordonne notamment un réseau de médias électroniques à l’intention des minorités roms, victimes de discriminations dans la plupart des pays européens.

Les «médias de la haine» et la désintégration de l’ex-Yougoslavie

Les médias ont contribué dans une large mesure au conditionnement nationaliste des opinions publiques des pays devenus indépendants suite à l’effondrement du régime socialiste yougoslave. A cet égard, la disparition du président Tito constitua un tournant. En effet, sous la Yougoslavie titiste (1946-1980), laquelle revendiquait une ligne politique indépendante de celle de l’Union soviétique, la presse jouissait d’une certaine liberté par rapport aux autres pays communistes du bloc de l’Europe de l’Est. Les médias affichaient une grande retenue sur la question des identités nationales, les minorités ethniques bénéficiaient d’une certaine attention et les événements dramatiques ayant enflammé les Balkans durant la Seconde guerre mondiale étaient refoulés par un pouvoir fédéral craignant que toute allusion à ces faits ne réveille de vieux démons et ne conduise à terme à l’éclatement de la Fédération.

A la mort de Tito, la majorité des médias devinrent les fidèles auxiliaires des partis nationalistes, lesquels prirent progressivement les leviers du pouvoir dans les différentes régions yougoslaves. Dès la fin des années quatre-vingt, la plupart des médias de ce qui était encore la République populaire fédérative de Yougoslavie se livrèrent à une véritable surenchère nationaliste, couvrant l’actualité en faisant fi de toute objectivité et en orchestrant des campagnes de haine contre certains groupes ethniques. Les télévisions, les radios et la presse utilisèrent une terminologie guerrière puisant dans l’irrationnel collectif. Ils ouvrirent la boîte de Pandore des peurs ancestrales et préparèrent un terreau favorable aux pires violences que connut l’Europe depuis la Seconde guerre mondiale. Les médias devinrent, pour le pouvoir, un outil de propagande et de manipulation des peuples. Abreuvées d’informations fallacieuses et orientées, de larges franges de la population cautionnèrent les atrocités commises contre leurs anciens compatriotes, par peur, par suivisme, par ignorance ou par conviction.

Courageux garants d’une information non partisane

Le besoin d’informations indépendantes et fiables se fait particulièrement sentir lors des crises et des conflits. Les médias peuvent désamorcer ces situations tendues, en relatant les événements de façon mesurée et responsable ainsi qu’en faisant contrepoids aux groupes d’intérêts et aux détenteurs du pouvoir avec des arguments fondés sur les faits. Les conflits armés en Croatie, en Bosnie et au Kosovo ont été précédés, on l’a vu, par une «guerre» des médias. Bien avant que le premier coup de feu ne soit tiré, le travail de sape de la propagande des médias, inféodés au pouvoir pour la plupart, a favorisé la marche vers la guerre. A travers des reportages empreints de considérations nationalistes, ceux-ci ont propagé la haine et les germes de la guerre. On peut l’affirmer sans ambages: la vérité a été la première victime de la guerre.

Durant les différentes «guerres yougoslaves» des années nonante (Slovénie, Croatie, Bosnie, Kosovo), les médias indépendants furent soumis à de très fortes pressions de la part de leurs gouvernements respectifs. Accusés d’intentions anti-nationalistes et de trahison, plusieurs médias indépendants durent payer de fortes amendes, voire cesser leurs activités. Malgré un contexte hostile, quelques médias non affiliés ont survécu et résisté. Des journalistes courageux se sont opposés et s’opposent toujours au quotidien aux déchaînements guerriers et au nationalisme. Ils offrent une information de qualité, fondée sur des principes déontologiques, et estiment que la cohabitation pacifique entre les différents peuples de la mosaïque ethnique balkanique est possible. Leur travail s’accomplit dans des conditions difficiles et leur vie est parfois en danger. L’exercice de leur profession est bien souvent entravé par la censure, des lois restrictives ou différentes pressions et intimidations, allant du vol de matériel à la séquestration, voire la destruction, des imprimés. Lorsque les conditions de travail des médias se détériorent au point qu’ils ne peuvent plus pratiquer leur devoir d’information objective de manière acceptable, seul un soutien rapide et ciblé de l’étranger leur permet de contrecarrer les funestes intentions des autorités. Les médias indépendants ont payé un lourd tribut en vies humaines durant les conflits puisqu’ils constituaient bien souvent une des cibles prioritaires des belligérants.

Paradoxalement, le travail des médias indépendants n’est pas plus facile depuis que les armées ont regagné leurs casernes. Avec la fin des crises qui ont mis à feu et à sang les Balkans et le calme précaire qui règne aujourd’hui dans la région, les médias indépendants et non partisans sombrent désormais dans l’indifférence de l’Occident. Ils évoluent actuellement dans un contexte économique difficile. En effet, le marché publicitaire est limité et le pouvoir d’achat de la population faible, ce qui rend particulièrement précaire leur santé financière. La plupart des médias impartiaux ne survivent que grâce aux aides publiques internationales, ou à celles d’organisations non gouvernementales comme l’Open Society Institute ou Medienhilfe. Or, la transition et la consolidation démocratique des pays de l’ancienne Yougoslavie ne pourront aboutir que si les journalistes compétents et objectifs ont la possibilité d’exercer leur métier sans pressions.

Aide aux médias indépendants: toujours d’actualité!

L’ex-Yougoslavie ne fait plus la une de l’actualité, comme il y a quelques années, durant les épisodes les plus sanglants des guerres de Croatie, de Bosnie ou du Kosovo. Les canons se sont (provisoirement?) tus et des élections sous contrôle international ont eu lieu dans la plupart des pays maintenant indépendants. Néanmoins, la région demeure instable et de nombreuses «questions» non résolues pourraient rouvrir à terme des plaies que l’on croyait cicatrisées. Quelques exemples non exhaustifs: velléités d’indépendance au Kosovo et au Monténégro, statut des minorités ethniques, mouvements sécessionnistes en Macédoine, retour des réfugiés, économie en lambeaux, crime organisé et mafieux, déséquilibres écologiques, etc. On peut en outre affirmer que la paix ne s’est pas encore imposée dans les esprits.

Les médias indépendants ont un rôle primordial à jouer dans cette phase délicate. Malgré certains progrès, les autorités actuelles ont tendance à brimer les médias critiques en usant des mêmes méthodes que les gouvernements «va-t’en-guerre» des années nonante. L’aide aux médias indépendants de l’ex-Yougoslavie garde donc, malheureusement, toute sa pertinence. Comme le dit l’adage bien connu: «Mieux vaux prévenir que guérir!»
medienhilfe: réaction aux déchaînements guerriers

Durant l’été 1991, la guerre est à nouveau devenue réalité au cœur de l’Europe. Les images du conflit et de ses milliers de victimes et de réfugiés ne laissèrent pas la Suisse indifférente. Des représentants des médias et de la politique se retrouvèrent en décembre 1992 à Zurich pour réfléchir aux moyens de contrer la propagande belliciste et chauvine émanant de la majorité des médias de chaque camp. De ces premiers contacts naquit une organisation vieille maintenant de plus de dix ans: Medienhilfe. Son but: soutenir les médias indépendants d’ex-Yougoslavie par la mise en œuvre d’un réseau d’aide concrète.

Au fil des années, plusieurs dizaines de médias ont reçu une aide de la part de Medienhilfe, sous quelque forme que ce soit. Même si certains médias soutenus n’ont pas survécu, d’autres partenaires se sont développés avec succès. Une collaboration sur le long terme s’est substituée à une aide d’urgence dans des régions en crise. En outre, les besoins se sont déplacés progressivement de la Croatie et la Bosnie-Herzégovine au sud de l’Europe de l’Est (Serbie, Kosovo, Macédoine).

Depuis des années, Medienhilfe est un partenaire reconnu de la Confédération et du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, en tant que membre de la Task Force médias. Medienhilfe élargit actuellement son champ d’action. Outre le soutien aux médias indépendants d’ex-Yougoslavie, elle coordonne la création d’un réseau de médias électroniques destiné aux populations roms de l’Europe du Sud-Est.

Quels sont les buts de Medienhilfe?

La réconciliation et la compréhension mutuelle ne peuvent se réaliser que si les citoyens disposent d’un libre accès à l’information, en temps de guerre comme de paix. Dans l’Europe du Sud-Est, certains médias sont parvenus à conserver leur indépendance. Ils se considèrent comme les garants d’une couverture objective et engagée de l’actualité. Ils donnent une voix aux citoyen(ne)s attaché(e)s aux solutions pacifiques et leur permettent de partager leurs expériences.

Medienhilfe soutient des projets médiatiques allant dans ce sens dans toute l’Europe de l’Est. Un autre objectif est de contrer la couverture de l’actualité des médias locaux qui pratiqueraient la désinformation pour de sombres desseins.

Les buts de Medienhilfe:
• renforcer la liberté et la diversité de la presse
• donner une voix et une identité aux minorités
• appuyer un journalisme faisant preuve de déontologie
• encourager la compréhension mutuelle et la réconciliation entre les peuples
• contribuer à la promotion civile de la paix

Medienhilfe permet…
• la formation continue de rédacteurs/trices et de journalistes
• le financement de l’équipement nécessaire
• l’amélioration du management et des structures financières des médias
• l’établissement de réseaux et de collaborations transfrontaliers

Medienhilfe soutient les médias qui…
• ne sont ni aux mains ni sous le joug des gouvernements, des partis politiques ou de particuliers
• suivent une ligne rédactionnelle indépendante
• pratiquent un journalisme fondé sur des principes éthiques
• encouragent la compréhension mutuelle, la cohabitation pacifique et la tolérance sociale
• soutiennent activement le processus de démocratisation
• promeuvent la collaboration transfrontalière
• donnent une voix aux minorités

Nos partenaires sont:
• des médias électroniques privés
• des journaux et des revues
• des agences de presse
• des organisations de médias et des associations de journalistes
• des centres de formation professionnelle

Les moyens financiers de Medienhilfe pour ses programmes proviennent:
• du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), division politique IV (promotion civile de la paix) et de la Direction du développement
et de la coopération (DDC)
• des administrations d’autres pays (Allemagne, Irlande)
• d’institutions internationales comme l’Union européenne ou le Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est
• de fondations et d’organisations non gouvernementales (Open Society Institute, National Endowment for democracy, etc)
• de communes suisses
• de contributions individuelles

Medienhilfe vous offre les prestations suivantes:
• par courrier: des nouvelles et des brefs rapports sur la situation des médias et des projets menés (mh-info)
• par courrier électronique: les informations les plus récentes (medi...@medienhilfe.ch)
• sur le web: des analyses et une mise en perspective du contexte (www.medienhilfe.ch). Des informations sont maintenant disponibles en français
• sur demande: des expertises et des conseils spécifiques

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