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Ces enfants oubliés...

Anonyme, Monday, July 7, 2003 - 09:58

Marie D.

Le problème des enfants de la rue est souvent oublié par la population. Histoire d'une enfance perdue...

« Chiffon imbibé d’essence,
Un enfant meurt en silence,
Sur le trottoir de Bogota
On ne s’arrête pas »
Renaud, Mort les enfants.

La situation que décrit Renaud dans cette chanson est bien réelle. En Amérique Centrale, non seulement les enfants meurent en silence, mais aussi, on les tue, car ils ne cadrent pas bien dans le paysage. Ils sont dans les rues de la capitale de la Colombie, mais aussi dans toutes les grandes capitales d’Amérique Centrale. La situation est particulièrement critique dans les villes de Guatemala ciudad et de Tegucigalpa, au Honduras.

Souvent sans papiers ni parents, ces enfants sont ce que j’appelle des survivants. La plupart sont partis autour de l’âge de huit ans de la maison familiale, seuls ou en compagnie d’un frère ou d’une sœur. Quelques-uns ont été abandonnés par leur famille qui ne pouvait se permettre un autre enfant (ou pas du tout, dans certains cas) à cause de leur situation financière. Beaucoup sont orphelins, leurs parents morts durant les nombreuses guerres civiles qui ont sévit ces dernières années un peu partout en Amérique centrale. Leurs motifs sont tous différents. Cependant, tous étaient battus, ne mangeait pas à leur faim, et la majorité d’entre eux ont déjà subi un agression sexuelle. La situation de ces pays, empreinte de corruption et abimée par plusieurs années de guerres civiles, ne fait rien pour aider. Pour les « gouvernements », ces enfants ne sont rien. Ils n’existent pas. Et pourtant, ils sont bien visibles dans les rues de Guatemala ciudad. Ainsi, les policiers et autres fonctionnaires les tuent. La population locale sait et pourtant ne fait rien. Comment voudriez-vous réagir à de tels actes alors que vous devez travailler 16 heures par jour pour vous nourrir ainsi que votre famille?

Heureusement, il y a des organismes qui essaient d’aider ces enfants oubliés. Ici, je vais parler de Casa Alianza, l’équivalent centro-américain du Covent House états-unien. Je n’ai pas la prétention de dire que c’est le seul, car c’est faux, seulement, c’est celui que je connais le mieux. Casa Alianza a pour but de réhabiliter et de défendre les droits des enfants de la rue du Mexique, du Guatemala, du Honduras et du Nicaragua. Casa Alianza, qui veut dire « Maison de l’alliance », a tout d’abord été fondée au Guatemala pour ensuite s’étendre dans ces trois autres pays d’Amérique centrale.

Différents problèmes

Omniprésents et en nombre croissant, généralement trop jeunes pour comprendre leur sort, les enfants de la rue mendient, volent et vendent leur corps pour un repas chaud, un bain, ou un lit propre. Vivant aux limites de la survie, il leur arrive trop fréquemment d’être victimes de coups, de détentions illégales, de torture, d’abus sexuels, de séquestration et d’assassinat. Ces enfants sont aussi majoritairement accrochés aux narcotiques. Cependant, contrairement aux jeunes de nos rues montréalaises, ce n’est pas la cocaïne ou l’héroïne qui ont leur faveur, mais bien la colle, les solvants et, depuis quelques temps, le crack.

La drogue

Fléau gluant, le commerce de la colle et des solvants est très lucratif pour les compagnies américaines qui les vendent à des prix ridiculement bas dans tous les bonnes tienda d’Amérique centrale. Les fortes émanations de ces produits affectent le cerveau de ces enfants pour leur permettre de s’évader quelques instants de leur triste réalité. Ils en oublient leur faim, le froid, la solitude, l’indifférence à laquelle ils font face… Moralement, ces drogues leur font du bien, mais pendant ce temps, elles détruisent aussi leur cerveau. Le toluène et le cyclohexane engendrent des dégâts irréversibles aux cellules cérébrales et peuvent tuer subitement. Ces narcotiques aident aussi ces enfants à rester dans la rue où ils errent à la recherche de solvants ou d’un peu d’argent pour s’en acheter. La dépendance est très grande et augmente de jour en jour. On estime, rien qu’en Amérique Latine, à 40 millions le nombre d’enfants dans la rue. 70 pour-cent d’entre eux sont dépendants de ces drogues. Ils achètent leur drogue chez le cordonnier ou chez des grossistes qui la vendent dans des pots pour bébés ou dans des sacs en plastique ou encore en grande quantité qu’ils se séparent dans de petites bouteilles. Pour ces échoppes, les enfants de la rue représentent un petit revenu régulier. Pour les fabricants de colle, c’est un énorme revenu. Au Guatemala, c’est le cyclohexane qui a la cote. Plus facile à inhaler, meilleur rapport qualité/prix que la colle… Ce produit se retrouve dans les décapants et dans les solvants à résine. Maintenant, le crack est aussi très populaire, surtout au Guatemala. La drogue n’est pas chère, une pierre de crack ne coûtant que 10 quetzales (moins de un dollar), quelques enfants se font entraîner dans son commerce et la consomment, mais ce n’est encore qu’une minorité.

Meurtres d’enfants, détentions illégales et autres œuvres de décimation

Dans tous ces pays, il y a ce que nous appelons les escadrons de la mort. Des policiers se promènent dans les rues et attaquent ces enfants qui y traînent. Pour décrire cette situation, une histoire (vraie) s’impose. Nous sommes le 8 juin 1996, au Guatemala. Trois corps d’enfants sont découverts dans la municipalité de San Miguel Petapa, près de la capitale. Les trois enfants avaient été poignardés dans le cou. Les corps avaient été jetés sur le bord de la route. Quand ils furent trouvés, les policiers ne firent aucun effort pour rassembler des preuves sur la scène du crime. Le juge en charge identifia les trois enfants comme « XX ». Casa Alianza fit une petite enquête qui détermina que les trois corps étaient en fait ceux de Blanca Azucena Guerra Zect, 13 ans, Clara Luz Guerra Zect, 17 ans, et d’Armando Valdemar Velàzquez Valdez, 13 ans. Lorsque Casa Alianza en informa les policiers, ceux-ci ne s’en soucièrent pas. Ces meurtres peuvent être considérés comme des meurtres typiques de "nettoyage social" qui sont devenu très communs au Guatemala.

L’histoire la plus connue de meurtre comme ceux-ci est celle de Nahamán. Cet enfant de la rue de 13 ans tué par 4 agents de la police nationale. Alors qu’il venait d’inhaler de la colle, Nahamán était assis sur le trottoir avec quelques copains. L’un d’entre eux, voyant le groupe de policiers arriver a donné l’alarme. La plupart des enfants ont eu le temps de fuir. Pas Nahamán… Les policiers demandèrent à l’enfant de verser son pot de colle sur sa tête (une pratique très fréquente). Nahamán refusa et jeta le pot qui éclata au contact du sol, éclaboussant l’un des policiers. Les quatre se mirent alors à frapper Nahamán. Lorsqu’il arriva à l’hôpital dans le coma, il avait 6 côtes de brisées, des contusions sur 60% de son corps, et le foie éclaté. Il est mort 10 jours plus tard.

Bien que les lois l’interdisent, les enfants sont aussi détenus avec des adultes. Souvent arrêtés pour des vols ou quelque autre petit délit, ces enfants côtoient des meurtriers, des vendeurs de drogue… ce qui n’aide en rien leur situation. En fait, ils se font plus de contacts qu’autres choses.

Un espoir?

Il y a un espoir pour ces jeunes. Des organismes, comme Casa Alianza, essaient tant bien que mal d’aider ces enfants. Casa Alianza a plusieurs programmes pour aider ces jeunes. Des travailleurs de rue se promènent dans les quartiers où se tiennent les enfants pour leur administrer les premiers soins, tant physiques que psychologiques. Ils font aussi des jeux éducatifs avec eux, dans la mesure du possible. Ils leurs expliquent aussi ce qu’est Casa Alianza. Lorsqu’un enfant demande à sortir de la rue, il est aussitôt pris en charge par un travailleur social qui l’emmènera dans un des bureaux. Là, l’enfant pourra manger, se laver et changer de vêtements. On parle un peu avec lui pour le préparer, puis, il est emmené au Refuge où il restera environ 4 mois, à se stabiliser avant de réintégrer soit la famille ou un foyer d’accueil. Puis, si l’enfant le veut, il pourra aller à l’école ou, pour les plus vieux, se trouver un emploi. Le programme des garçons est centré sur les sports alors que les filles apprennent le dessin, la danse et les arts… D’abord méfiants, les enfants s’approchent facilement et s’attachent tout aussi aisément.

Ces enfants sont beaux, pleins de vie malgré ce qu’ils ont vécus, malgré le désespoir auquel ils ont à faire face, malgré qu’on les ignore, malgré… Ils ont besoin d’aide, c’est vrai, mais ils ont surtout besoin d’amour, d’attention et de respect. J’espère avoir pu apporter à ces enfants un peu de ce dont ils ont le plus manqué dans leur vie. La nourriture se vole, un toit se trouve, les vêtements aussi, mais l’amour quand on est oublié, on peut finir par l’oublier aussi. Niños, tengo la esperenza.

Site de Casa Alianza, organisme de défense des droits des enfants de la rue
www.casa-alianza.org/


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