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Izzy Asper, Concordia et le sionisme

Anonyme, Tuesday, May 13, 2003 - 13:39

Roberto Nieto

Voici une analyse d’un documentaire d’une heure qui portait sur les mouvements politiques à l’intérieur de l’université Concordia. Dans le reportage, diffusé vendredi le 9 mai à 19h sur la chaîne Global, on a pu voir une nouvelle attaque de la part des secteurs de l’extrême droite contre les étudiants musulmans de l’université Concordia.

Depuis le début de la deuxième intifada, peu de groupes ont pris position autant que le Syndicat étudiant de Concordia (CSU, voir plus bas pour un historique du Syndicat), qui a toujours défendu des mouvements en faveur d’une plus grande justice sociale. De façon tout à fait légitime, en respect des règles universitaires et en accord avec les demandes des étudiants, CSU est devenue une association impliquée politiquement. Comme c’est le cas sur d’autres campus, des groupes de défense de droits humains palestiniens ont mis sur pied des comités pour dénoncer la campagne militaire israélienne sur les territoires palestiniens.

Cela dit, à Concordia les groupes palestiniens ont tout de suite fait l’objet d’une campagne de dénonciation dans la presse anglophone montréalaise. Rappelons que les principaux journaux canadiens sont la propriété de monopoles médiatiques qui défendent des thèses sionistes. Aussi, Montréal est une des villes où se trouve une communauté très forte de défenseurs des mouvements de droite en Israël.

Depuis plusieurs années maintenant, CSU est la cible d’une campagne qui a fini par déstabiliser le groupe. Le documentaire présenté vendredi cherchait clairement à dépeindre CSU comme étant une organisation dangereuse qui pourrait fomenter des mouvements terroristes. Plus grave, les allégations incluent non seulement des étudiants, mais aussi tout le mouvement contre la guerre. À l’en croire le journaliste ayant produit le reportage, Échec à la guerre est infesté d’anti-sémites qui utilisent des images qui rappellent la propagande nazie.

Dans le document présenté par le journaliste Martin Himel, on peut suivre Samer Elatrash, membre de Solidarité pour les droits humains palestiniens, suspendu pour ses activités politiques et interdit d’activisme sur le campus. Il est présenté comme un jeune militant extrémiste qui n’accepte pas la critique et qui cherche la provocation. Dès le départ on peut le voir donnant des discours sur la question palestinienne lors d’une manifestation devant l’université.

Benjamin Netanyahu, ancien premier ministre israélien, a été empêché de prononcer des discours à deux endroits au cours de sa tournée en Amérique du Nord : Concordia et Berkeley. On peut l’entendre dire que ces deux institutions représentent des « bastions de la liberté de parole, et de la liberté de penser, [qui] ne peuvent pas tolérer quiconque dévie de leurs orthodoxies. » Et ou se produit « l’implantation (…) de ce même fanatisme sans pardon, qui dit : ‘nous ne permettrons pas la contestations de nos idées, nous ne permettrons pas le libre marché des idées’ » et représente « un microcosme du problème que nous avons dans ces sociétés qui donnent lieu et produisent le terrorisme », bref des sociétés « totalitaires » qui « contrôlent ce que les gens sentent et pensent. »

Quant à son opinion sur le sujet, le journaliste Martin Himel dit : « au cours de la période suivant la visite de Netanyahu, la situation est allée de mal en pis. Les étudiants pro-palestiniens de CSU se sont engagés dans une campagne d’intimidation dans le but de bannir les groupes étudiants juifs. À travers les campus de l’Europe, les Etats-Unis et le Canada, il y a un effort visant à délégitimer Israël en tant qu’état juif. » Ceci serait le « reflet » de ce qui se passe déjà au Moyen-Orient.

Comme quoi les étudiants qui défendent les droits humains palestiniens s’approchent des terroristes.

Tout au long du documentaire, Himel met l’emphase sur le fait que les terroristes sont les initiateurs de la violence, que l’armée israélienne agit de façon à défendre une juste cause. Il contribue donc a déformer la réalité de ce qui survient dans les territoires illégalement occupés par l’État israélien.

Autre affirmation tout a fait gratuite du journaliste : « selon Elatrash, il faudrait rien de moins que détruire Israël », ce que, par ailleurs, ce dernier ne dit à aucun moment. D’autre part, le journaliste montre Laith Marouf, un autre étudiant militant du campus, invitant des étudiants à aller voter pour une journée de grève contre la guerre, ce qui « implicitement veux dire qu’attaquer le régime de Saddam Hussein est du racisme ». Encore une fois, ce n’est pas le principal intéressé, mais bien le journaliste qui avance de telles affirmations.

Plus le documentaire avance, plus Himel tente d’établir des liens entre CSU, les pro-palestiniens, l’Allemagne nazie, la haine des juifs, et la volonté d’être contre l’État d’Israël. Cette équation se fait ressentir lorsqu’il explique que CSU est « anti-Israël et anti-Bush, et c’est son groupe qui a banni Hillel*, la première fois que Hillel à été banni depuis que les nazi les ont bannit de l’Autriche au cours des années ’30. »

Avec moult exemples de campagnes contre les juifs au cours des années ’30 en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe, des campagnes qui, selon Netanyahu « ont mené à l’Holocauste », ont est invité à faire le lien entre le mouvement contre la guerre, le mouvement pro-palestinien et les campagnes de rejet des juifs.

A un certain moment donné le journaliste sort l’affirmation suivante : « Un des plus grands supporters du soulèvement palestinien est Saddam Hussein. Il donne jusqu’à 20 000$ pour chaque explosion-suicide. Et tout comme le soulèvement palestinien a besoin d’argent d’Iraquien, Samer a besoin de l’argent de CSU pour sa cause ».

Tout ceci représente un abus de pouvoir de la part de CSU selon le recteur Frederick Lowy.

Au cours de l’hiver qui vient de se terminer, Hillel a invité plusieurs conférenciers pour encourager ses membres. L’un d’entres eux est Daniel Pipes, responsable de Campus Watch, un groupe qui surveille les activités politique contre les juifs sur les campus. Ses thèses à la défense de l’extrême droite israélienne ont mené à des manifestations presque partout où il était invité de parler. Selon lui « Ceci est une guerre. Et ce que la guerre implique est que chaque côté à des buts de guerre. Le but des palestiniens est la destruction d’Israël, et rien d’autre.»

Vers la fin du documentaire, l’attaque journalistique s’élargie. Alors qu’on voit des images d’une des marches d’Échec à la guerre, Himel souligne la présence de plusieurs étudiants de Concordia et, s’intéressant à la bannière qui ouvrait la marche, il note la présence d’une affiche juste derrière qui dépeint clairement un juif enrobé d’un drapeau israélien servant les intérêts des Etats-Unis. Himel dit ceci : « l’affiche à l’avant de la manifestation est vicieusement anti-sémite. Elle montre une princesse américaine en train de masturber une caricature juive (…) d’où jaillit du pétrole iraquien; les caricaturistes nazis utilisaient le même style dans leur propagande anti-sémite. »

Juste après, citant Laith Marouf alors que ce dernier se trouve dans la marche, dans ce qui est sans aucun doute une citation placée dans un contexte complètement différent, on entend l’étudiant dire : « j’espère que ceci va continuer de grandir… »

Après avoir écouté ce documentaire il faut se poser des questions. Cet historique de la situation servira a quoi? Ce qui est clairement un pamphlet subjectif contre les mouvements anti-guerre, contre les mouvements palestiniens et contre les musulmans tente de se faire passer pour un reportage objectif. De plus, un des aspects important est le fait que ceci est un média propriété de Izzy Asper un sioniste convaincu, détenteur de quasi-monopole médiatique, qui a déjà dénoncé le biais pro-palestinien de la CBC.

La diffusion de ce reportage n’est rien d’autre qu’une flagrante opération de propagande qui devrait être dénoncée, non seulement parce que c’est Global qui l’a diffusé, mais aussi parce que qu’il s’agit d’un document qui fera en sorte que des étudiants musulmans seront victimes d’une intimidation encore plus grande, sans oublier le sort qui sera réservé au étudiants actifs politiquement, déjà bannis et poursuivis par l’administration de l’université.

Le « conflit » à Concordia

Le « conflit » sur le campus de l’Université Concordia a commencé il a quelques années. Pour faire un petit historique de la situation sur le campus, on peut remonter au moment où une association étudiante de l’Université, le Concordia student union (CSU) s’est impliqué dans les mouvements étudiants en appuyant la lutte des étudiants mexicains, pendant la grande grève à l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). Pour une première fois depuis de nombreuses années, une association étudiante a fait un pont entre une lutte locale et une lutte internationale, qui démontrait clairement comment des autorités financières et politiques planifiait une refonte de tout le modèle éducatif de certains pays.

Pendant des mois, CSU a encouragé un lien solidaire entre des étudiants mexicains et les étudiants du campus de l’université Concordia. Puis au cours de l’année 2000, la deuxième Intifada a signalé le début d’une nouvelle étape. CSU a commencé à noter un nombre élevé de plaintes de la part des étudiants d’origine arabe. Le syndicat étudiant est devenu un des premiers à défendre le point de vue d’étudiants qui se sentaient discriminés par les professeurs. En novembre 2000, lors d’une assemblée générale de CSU, les étudiants ont voté pour un boycott des produits israéliens. L’exécutif de CSU a aussi participé à une délégation en Palestine ce qui a contribué à approfondir la politisation de ses membres.

A travers ces événements, les étudiants se sont joints à des groupes de défense de droits humains palestiniens qui ont, pour une des rares fois au Canada, pu exprimer un point de vue anti-sioniste et pro-palestinien. Il n’y a probablement aucun autre campus au Canada où les étudiants d’origine arabe et musulmans se sentent aussi libres d’exprimer une opinion politique qui va à contre-courant des opinions généralement exprimées sur ce sujet.

Au cours de l’été 2001, Laith Marouf et Tom Keefer, deux étudiants actifs politiquement sur le campus, ont été arrêtés par des agents de l’université et bannis du campus. Laith venait de mettre un graffiti sur le mur d’un édifice appartenant à l’université. L’édifice, déjà lourdement redécoré allait être démoli peut de temps après.

Tous les faits constituent une attaque en règle de l’administration de l’Université contre les étudiants actifs politiquement et ouvertement pro-israéliens. Les deux étudiants bannis à ce moment n’avait eu droit à aucun appel et n’ont eu aucune possibilité de s’expliquer. C’est seulement grâce à un recours légal qu’ils ont réussit à retrouver le droit d’entrer sur le campus.

Avec l’appui de médias communautaires, comme le Suburban, ou encore à travers la Gazette, une campagne de presse s’est organisé, basant des articles sur les point de vue de groupes pro-sionistes comme le B’nai Birth et Hillel.

Tout au cours de 2002, les médias ont commencé de plus en plus a parler d’un conflit entre musulmans pro-palestiniens et juifs pro-israéliens, soulignant, cela dit, surtout les actes de violence de la part des arabes.

La visite, en septembre 2002, de Benjamin Netanyahu, ancien premier ministre israélien défenseurs de thèses extrémistes de droite, a provoqué une colère généralisée de la part des étudiants musulmans qui ont contesté sa présence, mais surtout le fait que le groupe organisateur de la rencontre, Hillel, avait refusé le droit d’entrée à de nombreux étudiants avec des noms a consonance arabe. Lors d’une manifestation qui a reçu une grande attention de la part de la presse, Netayanhu, s’est vu empêché d’entrer sur le campus.

Après la manifestation, l’administration a imposé un moratoire sur les activités politiques sur le campus, ce qui a empêché, notamment, certains parlementaires canadiens de présenter une conférence.

Mais l’histoire ne se termine pas là. Loin de là. Au cours de 2002 et 2003, des charges ont été déposées contre plusieurs étudiants, et certains d’entre eux ont été bannis de l’université. Parmi ceux-là figure Samer Elatrash. Le militant Jaggi Singh a lui aussi été ciblé. Il n’a pas le droit de mettre les pieds sur le campus pour une période de 5 ans.

Derrière toutes ces histoires de luttes politiques, il y a le fait que CSU est devenu une association combative qui n’a pas reculé pour dénoncer la collusion entre l’université et certains milieux d’affaires. Ils ont tout particulièrement dénoncé la prise de contrôle de l’université par des grandes entreprises privées. David Bernans, chercheur pour le CSU, a publié un ouvrage soulignant que des corporations comme Sodexho-Marriot, Pepsi, Bell Canada, BioChem Pharma, la Banque Royale ou encore la Banque de Montréal, entre autres, figuraient parmi les corporations qui sont en train de redéfinir le rôle de l’éducation à l’intérieur de l’Université. Certaines de ces corporations ont des représentants qui siègent sur le conseil d’administration de l’université.

* Un point qui est souvent mentionné dans les médias dans les médias comme étant un point litigieux est le fait que le groupe Hillel, la « fondation pour la vie de campus des juifs » ne reçoit pas d’argent de CSU, alors que les groupes qui défendent les droits humains palestiniens en reçoivent. Sous ce motif, un porte-parole de Hillel a expliqué au journaliste Himel, que Hillel n’est pas un groupe politique, mais seulement un groupe qui cherche à défendre des aspects spécifiques de la vie religieuse des juifs sur le campus. Cette affirmation se trouve cependant contredite sur la page web de Hillel où se trouvent des annonces qui invitent les juifs de moins de 26 ans à visiter gratuitement l’État d’Israël, et où l’on peut voir un lien « Agissez » qui invite les membres de Hillel a agir sur les campus pour défendre l’État juif. Hillel est soupçonné de recruter des agents spéciaux pour le bénéfice d'Israël dans les campus.



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