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Aznar, le prince de la paix

Carl Desjardins, Monday, April 14, 2003 - 13:59

Alex Palomo

Aznar, avec son soutien inconditionnel et enthousiaste à la politique belliciste de Washington, a réussi à faire revivre l'esprit du politicien du XVIIIe siècle. L'actuel chef du gouvernement atteint des cotes d'impopularité proches du mépris que réussit à inspirer parmi le peuple espagnol le "Prince de la paix". L'intransigeance du gouvernement du Parti Populaire et son fervent positionnement du côté de la théorie de la guerre préventive ont réussi à réveiller d'une longue léthargie la société espagnole, traditionnellement anesthésiée par le football et la presse du coeur. Le bellicisme affiché du gouvernement espagnol, à l'encontre de l'opinion publique, dans le conflit contre l'Irak a exaspéré les gens de la rue.

Traduction. Tina Teyssié Ciprés. Coorditrad, traducteurs volontaires (*)

L'image du président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar ressemble de plus en plus nettement à celle d'un autre premier ministre espagnol, Manuel Godoy. Ce dernier, militaire de carrière, fut premier ministre pendant le règne de Charles IV, jadis, aux lisières du XVIIIe et du XIXe siècle. On le nommait "le Prince de la paix", titre solennel qu'il reçut en récompense de sa "splendide" gestion diplomatique d'une alliance stratégique entre le royaume d'Espagne et la principale puissance militaire du moment, l'Empire français. La popularité de Godoy parmi les Espagnols ne fut jamais extraordinaire, mais elle se transforma en antipathie ouverte quand celui-ci permit, en vertu des liens de sang noués avec la France, le passage des troupes françaises sur le territoire espagnol et son aide logistique pour l'invasion du Portugal.

Aznar, avec son soutien inconditionnel et enthousiaste à la politique belliciste de Washington, a réussi à faire revivre l'esprit du politicien du XVIIIe siècle. L'actuel chef du gouvernement atteint des cotes d'impopularité proches du mépris que réussit à inspirer parmi le peuple espagnol le "Prince de la paix". L'intransigeance du gouvernement du Parti Populaire et son fervent positionnement du côté de la théorie de la guerre préventive ont réussi à réveiller d'une longue léthargie la société espagnole, traditionnellement anesthésiée par le football et la presse du coeur. Le bellicisme affiché du gouvernement espagnol, à l'encontre de l'opinion publique, dans le conflit contre l'Irak a exaspéré les gens de la rue.

En dernier recours, les gens ont utilisé la seule chose qui leur restait pour exprimer leur volonté : la rue. De grandes manifestations qui ont eu lieu dans plusieurs villes le 15 février et le 15 mars, ont battu des records de participation et opposé un NON catégorique à la politique du gouvernement. Celui-ci, en guise de réponse, a refusé de chercher un consensus politique avec les partis de l'opposition (hostiles, en bloc, à l'attaque de l'Irak) ?- sans parler des mouvements sociaux. Une fois commencée l'attaque de l'Irak par les Etats-Unis et sa coalition, l'exaspération du peuple s'est transformée en une macabre dérision des convictions et des valeurs les plus intimes qui fondent la démocratie. La réplique a été exemplaire : face aux premiers communiqués de guerre parvenant du Golfe Persique, élaborés avec une précision consciencieuse et transmis par des médias négligents et partiaux, spécialistes dans l'art de nous éloigner de la réalité, les gens envahirent à nouveau la rue pour exprimer leur désaccord avec cette guerre.

Concrètement, et là je reviens au XIXe siècle, les Madrilènes se sont remémoré des scènes semblables à celles qu'avait pu contempler Godoy quand il autorisa le stationnement des troupes françaises.

Le vendredi 21 mars, un rassemblement était organisé devant l'ambassade des Etats-Unis en signe de protestation contre l'attaque. La présence pacifique de milliers de citoyens contrastait avec l'imposant déploiement de forces de police ordonné par le représentant du gouvernement. Le rassemblement, après quelques heures d'un comportement exemplaire, ne se dispersa pas mais commença une marche pacifique dans les rues de Madrid jusqu'à la rue Genova, où se trouve le siège du Parti Populaire. La police intervint rapidement pour bloquer l'accès à cette rue avant l'arrivée des manifestants. Sans se décourager, de manière spontanée et évitant le conflit avec les forces de sécurité, la marche se dirigea vers le Congrès des Députés. Encore une fois, la police, qui suivait de très près le groupe de manifestants, bloqua le passage. Dans l'impossibilité de se faire entendre des responsables de la guerre, la marche se dirigea vers la Puerta del Sol pour terminer la rencontre de la manière la plus festive possible.

A hauteur de la place Jacinto Benavente, le dispositif policier entra tout à coup en action, sans préavis. Charges, courses-poursuites, tirs de balles en caoutchouc et coups de matraque sans discrimination réussirent à briser la volonté des manifestants pacifiques. L'acte protestataire et pacifique se dispersa rapidement laissant un bilan de 60 blessés. La polémique que déchaîna l'intervention policière aveugle et injustifiée a contribué à augmenter la tension politique. Le lendemain, gouvernement et opposition échangèrent menaces et récriminations pour la responsabilité des faits. Le soir du 22 mars, une marche était organisée depuis la place de la Moncloa jusqu'au palais de la Moncloa (résidence du président du gouvernement). Les autorités annoncèrent que cette marche n'était pas autorisée et était donc illégale, et que les organisateurs devraient en assumer les conséquences. L'organisation accepta de modifier le parcours de la marche afin que tout se déroule paisiblement. Finalement, un accord fut trouvé et, à condition que la manifestation se dirige à l'opposé de la résidence d'Aznar, la marche fut autorisée.

Depuis la place de la Moncloa, la manifestation arriva place d'Espagne, comptant un nombre important de personnes (près d'un million). A l'arrivée place d'Espagne, un dispositif policier interdisait l'accès de la Gran Via (l'avenue des spectacles à Madrid). Malgré tout, les Madrilènes revendiquèrent le droit de circuler dans leurs rues et esquivèrent le dispositif policier, inondant la Gran Via jusqu'au carrefour de San Luis. A cet endroit, la police bloquait le passage par la Gran Via, déviant la manifestation par la rue Montera vers la Puerta del Sol, où fut célébrée une cérémonie de solidarité envers le peuple irakien, en poésie et en musique.

Malheureusement, quand la nuit tomba et que les journalistes quittèrent les lieux, la police décida que la manifestation était terminée et chargea brutalement au carrefour de San Luis la queue du rassemblement. Cette fois, quelques groupes de manifestants firent front aux policiers sans succès, car ceux-ci descendirent la rue Montera jusqu'à la Puerta del Sol même où se concentrait le gros de la manifestation.

Là, le civisme et la compénétration des manifestants empêcha qu'un désastre ne se produise à cause des bousculades et des poursuites. La résolution des citoyens à demeurer sur la place fut déterminante. La foule resta fermement décidée à ne pas abandonner les lieux. L'avancée de la police fut freinée aussi sec devant le résultat plus qu'incertain d'un recours obstiné à la violence. Les représentants des manifestants exigèrent, pour libérer la place, le départ préalable de la police, ce qui fut accepté à contrecoeur par les chefs des forces de l'ordre.

Le résultat final de l'altercation s'est soldé par plus de 100 blessés. Les conséquences politiques sont à venir et l'image du président Aznar se profile, toujours plus semblable à celle de son homologue Godoy.

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