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Les valeurs de Wal-Mart

Carl Desjardins, Sunday, January 5, 2003 - 16:12

<b>Liza Featherstone - ATTAC</b>

Si seulement les imitations " couture " à 15 dollars étaient la contribution essentielle du distributeur à la vie des femmes ! Mais ce n'est pas seulement le distributeur favori de l'Amérique, c'est aussi le plus grand employeur privé de la nation. La majorité de ses " collaborateurs " (le sirupeux euphémisme par lequel il désigne son personnel) sont des femmes. Elles gagnent en moyenne 7,50 dollars de l'heure, sur lesquels elles doivent payer leur assurance maladie, si coûteuse que deux travailleurs sur cinq seulement y souscrivent.

Traduction. Christine Mercier. coor...@attac.org traducteurs bénévoles (*)

Wal-Mart est une grosse verrue plantée au milieu d'un parking ; son logo même, dépourvu de tout ornement, agresse le regard. Pourtant, preuve que le " look " n'a pas d'importance, le géant de la distribution sait s'y prendre avec les femmes. Quatre Américaines sur dix se rendent en effet chaque semaine dans un magasin de l'enseigne. Elles apprécient les prix bas, la commodité et la facilité d'ensemble avec laquelle elles font leurs courses. Même les élites snobs découvrent ses attraits. Il y a quelques mois, Cathy Horyn, la critique de mode du New York Times, a révélé, au grand étonnement de ses congénères urbaines passionnées de mode, qu'une grande partie de sa garde-robe vient de Wal-Mart (" Marc Jacobs ? - Non, Wal-Mart "). Et la consultante en distribution Wendy Liebmann assure avec un véritable ravissement que " Wal-Mart est l'aune à laquelle les Américaines mesurent tous leurs achats ".

Si seulement les imitations " couture " à 15 dollars étaient la contribution essentielle du distributeur à la vie des femmes ! Mais ce n'est pas seulement le distributeur favori de l'Amérique, c'est aussi le plus grand employeur privé de la nation. La majorité de ses " collaborateurs " (le sirupeux euphémisme par lequel il désigne son personnel) sont des femmes. Elles gagnent en moyenne 7,50 dollars de l'heure, sur lesquels elles doivent payer leur assurance maladie, si coûteuse que deux travailleurs sur cinq seulement y souscrivent.

Ce n'est pas tout. Wal-Mart est certes un employeur incroyablement pingre, mais de nombreux travailleurs disent que c'est aussi un employeur sexiste. Depuis les usines du tiers-monde qui fabriquent ses produits à bas prix jusqu'au supermarché local où ils sont présentés et vendus, les femmes sont les principales victimes des implacables réductions de coûts de la société. Ellen Rosen, spécialiste permanente du programme de recherche des études féminines à l'université de Brandeis, a récemment observé que dans le monde entier, les pratiques commerciales de Wal-Mart " pourraient conduire à un nouveau type de discrimination sexuelle mondialement consacré ".

Gretchen Adams a travaillé dix ans pour Wal-Mart, dans cinq États différents. En tant que codirectrice, elle a ouvert vingt-sept " Supercenters " (de gargantuesques hybrides alliant distribution alimentaire et générale ouverts 24 heures sur 24). " Il y avait tant d'inégalités ", soupire-t-elle en repensant avec stupéfaction au temps qu'elle a passé chez Wal-Mart. Elle a vu des hommes peu ou pas expérimentés débuter avec des salaires annuels supérieurs de 3 500 dollars au sien. " J'avais le titre, mais pas le salaire", ajoute-t-elle. "Ils nous prennent pour des imbéciles. "

Gretchen Adams est aujourd'hui témoin dans l'affaire Dukes contre Wal-Mart, dans laquelle sept Californiennes - salariées ou ex-salariées du distributeur - accusent la société de discrimination sexuelle systématique en matière de promotion, d'attribution de postes, de formation et de salaire. Betty Dukes, qui a donné son nom à l'affaire, est une Afro-Américaine de 52 ans encore employée chez Wal-Mart. Embauchée en 1994 comme caissière à temps partiel à Pittsburgh, Californie, c'était une salariée pleine d'enthousiasme, qui éprouvait une sincère admiration pour " l'esprit visionnaire " du fondateur, Sam Walton. Un an plus tard, très bien notée pour ses performances, elle s'est vu accorder une augmentation au mérite et un poste à temps complet. Deux ans plus tard, après avoir été promue au poste de responsable du service clients, elle a commencé à se heurter à une forte discrimination de la part de ses supérieurs ; elle déclare qu'on lui a refusé la formation dont elle avait besoin pour continuer de progresser, alors que cette même formation était dispensée à ses collègues masculins. On lui a aussi refusé la possibilité de travailler dans les rayons " masculins " comme la quincaillerie et on lui a fait vendre de la layette. " Je sais mélanger une peinture et un colorant ", a-t-elle affirmé aux journalistes immédiatement après avoir porté plainte. " Je veux qu'on me donne la possibilité de le faire. "

Lorsque Betty Dukes s'est plainte de discrimination, ses supérieurs se sont vengés en consignant des fautes mineures (comme une pause trop longue), fautes régulièrement commises par ses collègues blancs masculins, qui n'étaient jamais punis, dit-elle. Lorsqu'elle a continué à se plaindre, on lui a refusé une promotion et elle a finalement été rétrogradée à son poste de caissière. Elle s'est plainte au bureau régional Wal-Mart, mais la société n'a rien fait. Cette rétrogradation n'a pas été qu'humiliante : elle l'a privée d' autres promotions, et son poste de caissière proposait moins d'heures et un salaire horaire plus bas. Lorsqu'elle a une nouvelle fois été admissible à une promotion, quatre nouveaux postes d'encadrement, dont aucun n'avait été affiché, ont été pourvus par des hommes.

Comme plus de 70 témoins, les autres plaignantes citées dans l'affaire Dukes contre Wal-Mart tiennent les mêmes propos :

- En août 1997, Patricia Surgeson, alors mère célibataire d'un enfant de deux ans, a commencé à travailler le soir comme caissière à temps partiel au rayon pneumatiques et lubrifiants d'un Wal-Mart tout en fréquentant l'université. Deux semaines après son embauche, alors qu' elle remplissait les rayons, dit-elle, un collègue a commencé à la toucher et à lui faire des propositions. Il a été autorisé à rester à son poste, tandis qu'elle était transférée au rayon parapharmacie et cosmétique. Dans les quatre ans qui ont suivi, elle a tenu d'autres postes à responsabilités chez Wal-Mart, mais ces promotions n'ont été suivies d'aucune augmentation. Nombre de ses collègues hommes étaient mieux payés qu'elle, allègue-t-elle, alors même qu'ils avaient moins de responsabilités et moins d'ancienneté.

- Embauchée au rayon des retours au magasin de Livermore, Californie, à l'automne 1998, Cleo Page, qui avait déjà travaillé dans deux autres supermarchés Wal-Mart, a été rapidement promue responsable du service clients. Un peu plus d'un an plus tard, lorsqu'elle a sollicité un avancement, on lui a répondu que c'était un monde masculin, et que ce sont les hommes qui ont les postes à responsabilités chez Wal-Mart. Elle a été systématiquement oubliée pour les promotions, qui ont été accordées à ses collègues masculins et aux femmes blanches. (Cleo Page, qui est afro-américaine, a également porté plainte contre le distributeur pour discrimination raciale, tout comme Betty Dukes, mais ce chef d'accusation ne fait pas partie de l'action collective.) Son directeur de magasin l'a dissuadée de se porter candidate au poste de responsable du rayon sports, dit-elle, parce que " les clients se sentiraient plus à l'aise " s'ils achetaient des articles de sport à un homme. Elle a entendu ses collègues masculins se plaindre que " les femmes s'appropriaient " le magasin et se demander les uns aux autres s'ils connaissaient d'autres hommes qui souhaiteraient travailler chez Wal-Mart.

- Christine Kwapnoski, qui est encore employée dans un Sam's Club (une division de Wal-Mart) à Concord, Californie, travaille pour la société depuis 1986. Elle allègue que les postes d'encadrement à pourvoir n' étaient jamais affichés, mais que lorsqu'elle apprenait qu'un poste se libérait, elle manifestait son intérêt auprès de ses supérieurs. Pourtant, les postes étaient confiés à des hommes moins qualifiés qu' elle, qu'elle devait alors former. Un directeur de magasin lui a suggéré de " dépoussiérer son maquillage " et de " se faire belle ". Elle affirme que des hommes étaient mieux payés qu'elle et obtenaient plus souvent des augmentations ; dans un de ces cas, Christine Kwapnoski, divorcée et mère de deux enfants, a contesté l'augmentation d'un collègue masculin et s'est vu répondre qu'il avait une famille à nourrir.

- Après trente ans d'expérience dans le commerce, Deborah Gunter a été embauchée au laboratoire photo d'un Wal-Mart de Riverside, Californie, en 1996. Elle déclare qu'elle s'est portée candidate à des postes d'encadrement et qu'on lui a préféré des hommes moins expérimentés. Elle a sollicité une formation continue et ne l'a jamais obtenue. Lorsqu' elle a été transférée au rayon des pneumatiques et lubrifiants, elle faisait le travail d'un responsable adjoint mais n'a jamais obtenu ni le titre, ni le salaire. Son supérieur la harcelait sexuellement et lorsqu'elle s'est plainte, ses horaires ont été réduits. L'homme qu'elle a formé aux fonctions de responsable adjoint en a obtenu le titre et le salaire tandis que ses heures à elle ont été réduites. Lorsqu'elle s'est plainte de cette diminution et a demandé un entretien au chef de district pour protester contre ce traitement discriminatoire, elle a été licenciée.

Et ainsi de suite. Les femmes représentent 72% du personnel de vente de Wal-Mart, mais seulement 33% de ses cadres. Une étude réalisée par l'économiste Marc Bendick pour les plaignants de l'affaire Dukes a montré que ces écarts étaient bien moins prononcés parmi les concurrents de Wal-Mart, dont certains comptent plus de 50% de cadres féminins. Mieux encore, comparant les magasins Wal-Mart à ses concurrents du même site géographique, cette étude a montré que ces ratios ont peu varié dans le temps. En fait, le pourcentage de femmes cadres était plus faible chez Wal-Mart en 1999 qu'il ne l'était chez ses concurrents en 1975. (Le porte-parole de Wal-Mart, Bill Wertz, estime qu'il est " trop tôt " pour dire comment la société se défendra contre ces accusations.)

Selon l'issue de l'audience de classification en action collective qui aura lieu en juillet prochain devant un juge fédéral de San Francisco, l'affaire Dukes contre Wal-Mart pourrait être le plus grand procès historique en action collective ; il concernerait plus de 700 000 femmes. Bien qu'un juge californien ait récemment décidé que l'affaire doit être limitée aux plaignantes de Californie, la communication des pièces concerne toute la nation, comme l'action collective en justice envisagée. Si les plaignantes parviennent à leurs fins, toute femme ayant travaillé dans la société à partir de 1999 obtiendrait des dommages et intérêts. Mais surtout, explique Brad Seligman, l'avocat de Betty Dukes, " L'idée est de changer Wal-Mart. Nous n'aurons pas fait notre travail si nous ne transformons pas son système de gestion du personnel et si nous ne nous assurons pas que des chances additionnelles sont offertes aux femmes. "

L'affaire Dukes est le point d'orgue d'une longue histoire de procès individuels pour discrimination sexuelle - harcèlement sexuel et discrimination pour grossesse compris - contre Wal-Mart, qui remonte au moins à 1981. Les décisions des tribunaux ont souvent été favorables aux plaignants ; dans plusieurs affaires de harcèlement sexuel, les jurys ont accordé des millions de dollars de dommages et intérêts punitifs. Wal-Mart a récemment réglé un procès pour harcèlement sexuel devant l'EEOC, la Commission américaine pour l'égalité des chances devant l'emploi, au nom d'un groupe de salariées de Mobile, Alabama, et plusieurs femmes n'ayant aucun lien avec Dukes ont engagé des procès pour discrimination.

Certaines des actions engagées reflètent des griefs couramment cités par les femmes qui travaillent, des inégalités dont le distributeur n'a pas l'exclusivité mais que les défenseurs de la cause des femmes jugent à juste titre particulièrement scandaleux dans la plus grande entreprise du monde. Ainsi, une plainte déposée en Géorgie par Lisa Smith Mauldin, responsable du service clients d'un Wal-Mart, mère de deux enfants, divorcée et âgée de vingt-deux ans, accuse la société de discrimination sexuelle car son régime d'assurance maladie ne couvre pas les contraceptifs délivrés sur ordonnance (il couvre les autres médicaments sur ordonnance, mais comme l'explique la plainte avec la précision caractéristique des juristes - seules les femmes tombent enceintes). Lisa Mauldin travaille 32 heures par semaine et gagne 12,14 dollars de l'heure, si bien que le coût mensuel de la pilule, soit 30 dollars, est pour elle une charge importante (et indéniablement prohibitive pour nombre de ses collègues dont le salaire est sensiblement inférieur). En septembre, son procès a été reclassé en action collective - la requête demande que toutes les femmes travaillant chez Wal-Mart qui assument elles-mêmes le coût du contrôle des naissances depuis mars 2001 soient remboursées et que le contrat d'assurance de Wal-Mart couvre désormais les contraceptifs sur ordonnance agréés par la FDA.

Wal-Mart est également critiqué pour l'indifférence envers ses salariés, de jeunes femmes pour la plupart, qui fabriquent les produits vendus dans ses magasins. Si la majorité des grands magasins de vêtements sont plus ou moins liées au travail forcé, le bilan du distributeur dans ce domaine est exceptionnellement lourd. En effet, une grande partie des vêtements qu'il vend sont fabriqués en Chine, où les libertés syndicales sont déniées aux travailleurs. Contrairement à de nombreuses sociétés, Wal-Mart a catégoriquement refusé d'indiquer aux défenseurs des droits du travail où se situent ses usines, rejetant même tout simulacre de transparence. L'an dernier, il a été exclu du Domini 400 Social Index, un influent fonds d'investissement socialement responsable, au motif qu'il n'avait pas fait suffisamment d'efforts pour faire respecter les droits des travailleurs et pour son " absence de réaction aux appels à changer ". Excepté Nike, c'est la seule entreprise à avoir été exclue du fonds pour ce motif.

En juin dernier, invoquant toutes les questions ci-dessus, la National Organization for Women (NOW) a fait de Wal-Mart son cinquième " marchand de la honte " et lancé une campagne de sensibilisation du public visant le distributeur. " Cela fait partie de la priorité que nous accordons à la justice économique. Nous pensons que Wal-Mart n'est pas un employeur respectueux des femmes ", déclare Olga Vives, vice-présidente de NOW chargée de l'action. NOW a sollicité une réunion avec Wal-Mart pour discuter de ses plaintes, mais comme la société n'a pas répondu, Vives déclare : " nous avons d'autres moyens d'attirer leur attention ". Le 28 septembre, 600 sections de NOW ont manifesté devant les magasins de l'enseigne d'un bout à l'autre du pays, de Tallahassee à Salt Lake City.

NOW travaille en étroite coopération avec le United Food and Commercial Workers, qui s'efforce depuis plusieurs années de syndiquer les travailleurs de Wal-Mart [voir John Dicker, " Union Blues at Wal-Mart ", 8 juillet], un effort auquel la société résiste énergiquement. Gretchen Adams, qui a quitté le distributeur en décembre 2001, est aujourd'hui recruteur syndical à l'UFCW. Elle est en colère, d'une part pour la façon dont elle a été traitée, mais aussi pour les difficultés économiques des travailleurs horaires qu'elle encadrait. " Elles n'avaient pas de quoi vivre avec leur salaire. C'était majoritairement des mères célibataires, explique-t-elle. Elles venaient me voir en pleurant parce qu'elles devaient faire des choix terribles : emmener leur enfant chez le médecin ou payer le loyer. " De nombreux travailleurs horaires touchaient l'aide publique parce que leur salaire était trop bas, rappelle-t-elle.

Pas un seul magasin Wal-Mart n'est syndiqué à ce jour, mais tout porte à croire qu'un syndicat réduirait une bonne partie des problèmes des salariées du distributeur. En effet, une étude sur les femmes dans la distribution alimentaire, publiée en février par l'Institute for Women's Policy Research et financée par l'UFCW, a montré que les écarts de salaire fondés sur la discrimination raciale et sexuelle sont moins importants pour les femmes syndiquées et que leurs salaires sont supérieurs de 31% à ceux des travailleuses non syndiquées. De plus, l'étude a montré que deux tiers des travailleuses syndiquées dans le secteur de la distribution avaient une assurance maladie, alors que la proportion n'est que d'un tiers pour celles qui ne sont pas syndiquées. Ces avantages étaient encore plus nets pour les travailleurs à temps partiel, qui sont encore plus souvent des femmes.

Lors d'une conférence de presse donnée le 18 novembre à Washington, DC, pour annoncer une journée d'action à l'initiative de l'UFCW le 21 novembre - des rassemblements ont été organisés dans plus de 100 villes, soutenus par une large coalition de groupes religieux, écologistes, de groupes d'étudiants et de syndicats -, la présidente de NOW, Kim Gandy, a déclaré que Wal-Mart devrait savoir qu'" à persister dans leurs méthodes cupides et injurieuses, ils perdront les clients qui réfléchissent ". Cela paraît peu probable, même s'il est sans doute important d'exprimer la menace. En tout cas, l'UFCW n'appelle pas à un boycott national. " Nous appelons au boycott à Las Vegas ", explique Doug Dority, président de l'UFCW. À Las Vegas, où une vigoureuse campagne de syndicalisation est en cours, Wal-Mart a commis de nombreuses violations des libertés syndicales. C'est aussi la ville la plus syndiquée des États-Unis. Mais ailleurs, l'UFCW n'est pas prête à faire ce pas. " Il est difficile de boycotter et de syndiquer en même temps, dit Dority. Parce que Wal-Mart l'utilise contre vous : Hé ! le syndicat essaie de vous prendre votre boulot ! "

Cela dit, les militants ont intérêt à faire appel à la solidarité possible entre les clientes de Wal-Mart et son personnel féminin. Susan Philips, vice-présidente de l'UFCW, a affirmé dans un récent discours. " Nous les femmes, avons un pouvoir considérable. Nous contrôlons les deux côtés de la caisse enregistreuse. Nous sommes les caissières d'un côté et nous sommes les clientes de l'autre. Si nous nous unissons, nous pouvons changer l'avenir économique des Américaines. " Au lieu de demander aux consommateurs de ne pas faire leurs courses à l'hypermarché, pour la journée d'action du 21 novembre, de nombreuses sections locales de l'UFCW ont mis en scène le pouvoir des consommateurs en invitant les manifestants à faire un achat dans le magasin tout en arborant un tee-shirt portant le numéro de téléphone de l'UFCW, et à assurer aux salariées qu'ils soutenaient leur droit à se syndiquer. A Seekonk, Massachusetts, une section locale de l'UFCW a même remis à chaque manifestant du 21 novembre un billet de 20 dollars à dépenser chez Wal-Mart pour ensuite faire don des achats à un centre d'hébergement pour femmes.

En fait, les clients et salariés de Wal-Mart ont beaucoup en commun : tout le monde peut se retrouver d'un côté ou de l'autre en Amérique. Les travailleurs pauvres ont encore plus de chances que les autres Américains de faire leurs courses à Wal-Mart, pas nécessairement parce que Wal-Mart leur paraît être le paradis du consommateur - même si, bien sûr, certains le pensent - mais parce qu'ils ont besoin des prix bas ou vivent dans un quartier isolé offrant peu de possibilités. (De nombreuses salariées déclarent avoir commencé à travailler dans leur Wal-Mart local parce qu'elles y faisaient leurs courses ; lorsqu'elles ont eu besoin d'un emploi, elles ont déposé leur candidature parce que le supermarché faisait déjà partie de leur vie). À travers les consommatrices comme les " collaboratrices ", la pauvreté féminine rapporte des milliards à Wal-Mart.

Outre les assignations en justice et la syndicalisation des travailleurs, changer Wal-Mart va demander des pressions massives de groupes multiples ; les sections locales des syndicats devront adopter une approche de rassemblement très spécifique à chaque communauté tout en tissant des liens dans l'ensemble de la nation, du type de celle utilisée par le syndicat progressiste Jobs With Justice. L'éventail des groupes qui se sont présentés le 21 novembre était encourageant, et ils se sont promis de rester mobilisés autour d'une " Campagne du peuple pour la justice chez Wal-Mart ".

Invitée à se prononcer sur le temps qu'il faudra pour syndiquer Wal-Mart, Gretchen Adams, qui a 56 ans, répond sans hésitation " tout le temps qu'il me reste à vivre ". Mais elle est déterminée. Directrice ouvrant un nouveau magasin à Las Vegas, Gretchen Adams explique, " Je n'ai pas été autorisée à embaucher une aide expérimentée parce qu'elle risquait d'être syndiquée. " Et d'ajouter, pince-sans-rire, " J'essaie de donner à Wal-Mart l'aide dont il a besoin. "

Première publication : The Nation.
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