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Jaggi Singh et Radio Canadasonia, Monday, December 16, 2002 - 23:28
Patrick Cadorette
Lettre ouverte aux journalistes de Radio-Canada Je désire par la présente manifester ma profonde insatisfaction de la façon dont a été traité, dans l’édition du dimanche 15 décembre 2002 du bulletin de nouvelles de la télévision de Radio-Canada, le refus par l’État d’Israël de laisser entrer sur son territoire le militant et écrivain montréalais Jaggi Singh. Au chef de pupitre du service des nouvelles de la télévision française de Radio-Canada, Au journaliste Serge Boire, À qui de droit, Je désire par la présente manifester ma profonde insatisfaction de la façon dont a été traité, dans l’édition du dimanche 15 décembre 2002 du bulletin de nouvelles de la télévision de Radio-Canada, le refus par l’État d’Israël de laisser entrer sur son territoire le militant et écrivain montréalais Jaggi Singh. Malgré une introduction faisant timidement état de l’engagement social de M. Singh, le segment du journaliste Serge Boire ne rendait en aucun cas justice à la réalité, la conviction et l’envergure de cet engagement Au lieu de cela, et au lieu de questionner sérieusement la décision du gouvernement israélien de refuser l’entrée sur son territoire à un citoyen canadien, Radio Canada a prit le parti, encore une fois, de perpétuer la mauvaise réputation que les médias d’information institutionnels ont l’habitude de faire à M. Singh, depuis des années, en décrivant celui-ci comme un agitateur professionnel. M. Singh n’est pas cette espèce de personnage unidimensionnel et caricatural que les médias corporatifs et, malheureusement les médias publics canadiens à leur suite, s’acharnent à dépeindre. Il est un activiste politique dont l’engagement et la dévotion constituent une véritable inspiration pour les militants et les citoyens canadiens conscientisés aux problèmes de l’injustice et de l’iniquité sociale. Son engagement bénévole au sein du Mouvement Solidarité Internationale et avec le groupe Solidarité pour les Droits Humains en Palestine, ainsi que son opposition de longue date, soutenue et articulée, aux politiques néolibérales, au système financier international, à la mondialisation des marchés, à l’impérialisme et, surtout, aux conditions d’inégalités et aux injustices que l’imposition ploutocratique de ces structures entraînent, ne peuvent ni ne doivent être décrits de façon aussi simpliste et aussi peu nuancée. Peut-être que votre journaliste ne connaît pas la signification de l’expression " engagement social ". Peut-être ne saisit-il pas bien les tenants et les aboutissants de la contestation politique. Peut-être même n’est-ce pas son mandat. Mais alors, me permettrez vous de demander, quel est son mandat? Quel est celui de la télévision publique? Pourquoi cette impression désagréable que les fonds publics ne sont plus utilisés pour informer impartialement le public, mais bien plutôt, et de plus en plus, pour véhiculer un discours unique, une vision du monde où la dissidence, où l’opposition significative, où le non conformisme n’est plus seulement hors norme mais bel et bien pervers, quand il n’est pas carrément criminel? Pourquoi cet acharnement à faire de M. Singh et de ceux qui, comme lui, dénoncent la corruption institutionnelle des structures autoritaires, des ennemis publics et des bonhommes 7 heures caricaturaux? Pourquoi encore, dans ce cas-ci, amalgamer " anti-mondialisation " et lutte pour le respect des droits humains en Palestine? N’est il venu à l’idée de personne, au pupitre, qu’un minimum de nuance à cet égard eut été pertinent? Pourquoi, tant qu’à y être, résumer des années d’implication dans le mouvement alter-mondialiste en isolant une seule phrase d’un seul discours où, par hasard, il profère une vulgarité? Certainement pas parce que vous n’aviez aucune autre citation à lui prêter! Je connais assez bien M. Singh pour savoir pertinemment qu’il n’est pas de ceux qui ne savent s’exprimer qu’en jurant. Ce choix ne pouvait être que délibéré et partial. Comme celui, hautement inopportun, d’illustrer les propos de M. Singh par les même images de casse et de vandalisme qui ont été utilisées pour discréditer ce même mouvement lors des manifestations populaires contre la tenue du Sommet des Amériques à Québec en avril 2001. Quand au casier judiciaire de M. Singh, pourquoi en parler si ce n’est pour expliciter également la nature bénigne des charges qui ont été retenues contre lui et la très suspecte attitude des autorités canadiennes lors des arrestations mentionnées dans le reportage? Serait ce pour souligner au passage que M. Singh est pratiquement un criminel et, par incidence, justifier implicitement Israël dans sa décision de lui refuser le droit d’entrer au pays? Tous ces choix sont de nature éditoriale. Il sont délibérés et n’ont pour autre but que de faire accepter à la population une version officielle des faits selon laquelle M. Singh ne serait rien d’autre qu’un voyou inconséquent, ce qu’un reportage juste et impartial sur son travail et son engagement quotidien aurait tôt fait de démentir. On peut s’attendre des médias corporatifs qu’ils dépeignent la dissidence politique et la contestation sous un jour défavorable. C’est un des rôles qui leur est imparti de défendre les intérêts d’un régime économique et d’une classe politique qui, en échange, assoient et garantissent leur influence. De leur partialité dans le choix et le traitement de l’information, la preuve n’est plus à faire. Il est cependant injustifiable et inexcusable que la télévision publique emploie ces mêmes procédés pour écarter l’opinion publique des enjeux fondamentaux soulevés par la présence de M. Singh en Israël, soit l’occupation illégale des territoires palestiniens et les abus quotidiens perpétrés par le gouvernement israélien contre la population civile Palestinienne . J’exprime par conséquent le souhait que le traitement ultérieur de cette affaire soit mené de façon impartiale et conséquente par le service des nouvelles de Radio-Canada. Je souhaite que l’on cesse de présenter Jaggi Singh comme un malotru, un agitateur et un voyou. Je souhaite que l’on cesse d’associer arbitrairement ses propos aux images mille fois vues de vandales fracassant des vitrines. Je souhaite que, si l’on persiste à isoler certaines de ses citations, on choisisse plus judicieusement des propos qui illustrent son engagement et ses positions politiques plutôt que les expressions colorées qui ponctuent occasionnellement ses discours. Et principalement, je souhaite que dans cette affaire, Radio-Canada remplisse son devoir et aborde de façon responsable la seule raison qui a amené Jaggi Singh en Israël, soit l’observation des droits de la personne dans les territoires occupés de Palestine. Je souhaite ardemment que l’on exige des autorités israéliennes une justification quant aux allégations selon lesquelles Jaggi Singh représente une menace pour l’état d’Israël, et que l’on questionne sérieusement cette décision aux implications diplomatiques considérables. Civiquement vôtre, Patrick Cadorette Réalisateur de l’émission "Planète/ Édition Internationale" sur Radio Centre-Ville et bénévole du Centre des médias alternatifs du Québec, collectif de Montréal. |
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