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D'une terre brulée renaît la moisson: la guerre civile au GuatemalaAnonyme, Friday, December 6, 2002 - 11:00
Michaël Tremblay
Dans cet article publié d'abord dans le journal LE COLLECTIF de l'Université de Sherbrooke, j'aborde la situation des Mayas au Guatemala par rapport à la guerre civile qu'a vécu ce pays. J'ai moi-même passé un mois au Guatemala cet été et je met sur la table mes impressions.
Michaël Tremblay J'ai sillonné pendant un mois à travers montagnes, volcans et pyramides, de petites routes terreuses, en quête d'aventure, certes, mais surtout de réponses. Le paradis terrestre dans lequel je me trouvais était tellement poétique que tous s'y sentiraient chez soi. Mais derrière cette pureté se cache un passé inhumain et atroce. Rapports de forces: par la force Les Mayas ont toujours été tenus à l'écart des pouvoirs décisionnels au Guatemala. Les Ladinos, comme on appelle sur place les Créoles, dirigent le pays en laissant de côté les autochtones, pourtant majoritaires (plus de 60%)1. L'inégalité est très présente et il y a peu de moyens de la régler. La deuxième moitié des années quarante vit le vent d'une révolution libérale, dirigée par quelques jeunes officiers et universitaires de la classe moyenne, se lever au Guatemala. Juan José Arévalo, un président progressiste et démocratiquement élu, apporta plusieurs réformes sociales. Il appliqua un vigoureux plan d'éducation et édicta un nouveau code du travail pour protéger les ouvriers des villes et des villages. Plusieurs syndicats virent le jour, ce qui fit cesser le monopole de la United Fruits Co., propriétaire de vastes étendues, des chemins de fer et du port principal. En 1952, on votait la loi agraire. Elle profitait à plus de cent mille familles. La réforme agraire devait "développer l'économie capitaliste paysanne et l'économie capitaliste de l'agriculture en général" dans ce pays où les paysans forment 59% de la population2. La question des terres agricoles a toujours été le gros problème au Guatemala. Encore aujourd'hui, 3% de la population détient 65% des terres; 90% des familles s'en partagent 16%. "Ce n'est pas le pays de l'éternel printemps, c'est le pays de l'éternelle tyrannie." — Louis Cardoza Aragon, écrivain guatémaltèque En 1954, le colonel Castillo Armas, diplômé de Fort Leavenworth, dans le Kansas, lança une grande opération avec l'appui des entreprises guatémaltèques et des États-Unis afin de remplacer le gouvernement "communiste" au pouvoir. La victoire fut vite gagnée par les "rebelles", avec l'aide des F-47 américains. La droite rigide prit le pouvoir, entraînant la tombée de la loi agraire. Plusieurs dictatures se succédèrent et le Guatemala vécut une situation de génocide sur les indigènes. Des mouvements "guérillos" se formèrent pour lutter contre la tyrannie, ce qui engendra le plus sanglant conflit d'Amérique centrale. La guerre civile dura 36 ans et se termina le 29 décembre 1996, laissant derrière elle 150 000 morts, 50 000 disparus et plus d'un million de réfugiés. Pendant plus de trois décennies, la guérilla a livré bataille aux militaires. Un rapport attribue 79% des victimes du conflit à l'armée, 9% à la guérilla et les autres à des groupes indéterminés. Les communautés autochtones furent les plus touchées (88% des victimes)3. La loi du silence Les accords de paix ont laborieusement été signés en 1996. Pour les faire accepter à l'institution militaire et à la police, ils ont dû être accompagnés d'une amnistie. Elle fut accordée le 12 décembre 1996, dans le cadre de l'accord de paix de Madrid. Elle proclamait l'abolition de la responsabilité pénale pour les crimes perpétrés au cours de l'affrontement armé intérieur4. Personne ne payera pour ces 200 000 cadavres torturés et assassinés arbitrairement. Le Guatemala aujourd'hui Seulement six ans séparent la guerre de mon expérience au Guatemala. Je croyais y voir un peuple détruit et mourant; ce ne fut pas le cas. Je vis chez les descendants mayas une unité et une solidarité incroyables. Aucun ne possède la richesse, mais je ne suis pas prêt à dire qu'ils sont pauvres. Chacun produit ce qu'il peut pour nourrir sa famille et les surplus en font profiter les autres par le biais des marchés. La violence n'a pas laissé de trace dans l'atmosphère. La guerre n'y est presque plus présente, mais l'inégalité persiste toujours. L'éducation est peu accessible. Seulement 79% de la population se rend à l'école primaire. Et l'école secondaire, payante de surcroît, n'en accueille que 23%. Environ 65% des adultes savent lire et écrire. Cependant, "certaines études indiquent que 95% des femmes mayas sont illettrées5". L'espérance de vie est faible (69 ans en 1998)6, 50% des Guatémaltèques vivent sous le seuil de la pauvreté et le taux de mortalité infantile est parmi les pires de l'hémisphère nord (46,4 pour 1000)7. L'armée n'occupe plus le Quiché, territoire maya au Guatemala, mais une guerre existe toujours: celle pour "une nation unie, multiethnique, pluriculturelle et multilingue". En 1999, un référendum a rejeté les accords faisant du Guatemala une telle entité. Les militants des droits de la personne et Rigoberta Menchu, figure emblématique maya et lauréate du prix Nobel, crient à l'injustice. Mais peine perdue, la corruption fait partie intégrante du système politique et judiciaire guatémaltèque. Je garde des irréductibles Mayas le souvenir d'une communauté généreuse et joviale, qui (tout comme moi) réclame le respect et la reconnaissance d'une culture, de langues (23) et d'une nation distincte. 1. R. GIROUX, "Portrait des Amériques", Le Soleil, 29 mars 2001.
C'est le site du journal LE COLLECTIF de l'Université de Serbrooke
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