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Réflexions d'un militant sur son mouvementAnonyme, Mardi, Octobre 15, 2002 - 09:40
Gabriel Anctil
Voici les réflexions d'un militant sur son mouvement, sur les médias et les manifestations. Réflexions d’un militant sur son mouvement Par Gabriel Anctil La gauche s’essouffle. Ayant pour la première fois en vingt ans réussit à rallier autant de gens (80 000 personnes) autour d’une cause à Québec, en avril 2001, elle subit un important déclin depuis. Elle s’essouffle parce que les forces du marché, la répression et les médias ont prouvé sa faiblesse psychologique (de moins en moins de gens militent activement) et son manque d’imagination (tout le mouvement est concentré à organiser des manifestations). La droite est féroce et puissante mais elle est et restera toujours en manque d’arguments pour convaincre la population lucide. C’est sa faiblesse, son talon d’Achille, la preuve de son illégitimité. Que les économistes, les journalistes, les hommes et femmes d’affaires et ces nouveaux adéquistes expliquent donc au monde les inégalités plusieurs fois séculaires. Pourquoi par exemple, les richesses s’accumulent-t-elles au sud de notre frontière alors que la misère atteint 3 milliards d’habitants qui doivent survivre avec moins de 2 dollars par jour? Ils répondront alors que c’est la loi de la jungle : les gros mangent les petits à en devenir obèses comme ces millions d’éléphantesques États-uniens à l’appétit sans bornes. Rien n’a donc changé depuis le début des temps. La déconfiture des muscles Qui a déjà cru sérieusement qu’une manifestation rassemblant une centaine de manifestants pourrait renverser le pouvoir? Personne de moindrement réaliste. Alors pourquoi continuer, s’acharner à organiser d’autres manifestations quand celles-ci ne regroupent toujours que les mêmes irréductibles, se terminent toujours par des arrestations et se concluent par la démoralisation de tous ses participants? Il y a d’autres tactiques aptes à conscientiser plus de gens. Jouer le jeu des muscles c’est jouer le jeu de la droite, de ceux qui ont à perdre, de ces élus manipulés, des ces propriétaires milliardaires qui, possédant les médias, les armes, les pantins et les chiens, s’amusent ferme à voir tant d’énergies s’envoler en fumée. À Québec, lors de cette historique prise de conscience politique, le mur se devait de tomber, le symbole était trop arrogant et les manifestants bien organisés étaient soutenus par des milliers d’autres, réalisant toute l’ampleur de l’affront. Un an et quelques semaines après, le mur s’est déplacé : il se resserre, s’équipe des derniers modèles de matraque, se déplace et crie en anglais des « move, move, move… » en frappant sur son bouclier. Ce mur il est entraîné par les sans-pitié de la police et de l’armée qui ne dorment que dans une ville sans contestation. Se battre contre les chiens lobotomisés, les gardes de sécurité de la propriété privée, c’est oublier les vrais ennemis, les vrais maîtres. De tous temps le pouvoir a fait s’affronter les malheureux entre eux. Ils sont malins. Casser de la police, quoi que j’en rêve souvent, n’est pas la solution. Ce serait s’abaisser à leurs manipulations à coup de matraque sur la gueule, de poivre de Cayenne dans les yeux et de gaz lacrymogène dans les poumons. Organiser une manifestation où il y a 100-150 personnes requiert énormément de volonté et de temps. Les policiers n’ont qu’à la cerner, et hop, voilà tout le monde dans le panier à salade. C’est trop facile pour ces « gardiens de la paix » qui sont des êtres sans conscience comme l’était les bergers allemands nazis; tant qu’ils ont leur temps supplémentaire payé double, la possibilité de tester leurs nouveaux jouets et l’occasion d’épater les copains, avant, pendant mais surtout après les évènements, ils sont heureux. La révolution, c’est quoi ça? Et qui en est le chef? Ils ont l’esprit beaucoup trop simple, ont beaucoup trop à perdre. Laissons-les donc poireauter au poste entre deux rapports, ça leur rongera les nerfs. Multiplier les fronts La seule façon de battre la droite et d’organiser un véritable changement c’est de lutter sur le champ des idées. C’est un lieu de bataille où la gauche peut rassembler les gens, où elle peut les rallier à des concepts tout simples et universels comme la liberté, l’égalité, la fraternité. Mais pour ce faire il faudra que le mouvement militant délaisse son piédestal et la perception que certains de ses militants entretiennent de constituer l’avant-garde éclairée du peuple. Il devra surtout se débarrasser de cette douce et naïve illusion qui lui fait encore parfois croire que les médias de masse transmettront un jour ou l’autre leur message à ses consommateurs. Il faut donc couper les liens avec les médias de masse une fois pour toutes, ne plus rien attendre d’eux et alors prendre la responsabilité du message : allez voir les gens sur leurs lieux de travail, allez parler aux étudiants dans leurs écoles secondaires, collégiales, universitaires, impliquez-vous dans toutes les sphères de la société pour la transformer, la conscientiser. De cette façon, briser ce front unique annoncé et public que représentent les manifestations que la population en droit d’être armée (les policiers) n’a qu’à bloquer. En multipliant les fronts on devient subitement invisible et beaucoup plus difficiles à contrecarrer. On devient dangereux pour l’ordre établi parce qu’on le met face à ses propres contradictions : laissera-t-il des gens parler, penser librement même s’ils deviennent une menace à sa propre existence? Ou les musèlera-t-il au prix d’afficher sa véritable nature fasciste? Lutter pour gagner Il faut attaquer. Changer les domaines des idées, des livres, de la philosophie, de la sociologie, de la politique, du cinéma, de la musique, du théâtre, de la peinture mais aussi de l’éducation, de la santé, du logement, de l’alimentation, de l’énergie, de l’environnement… Partout en même temps le mouvement doit changer les esprits. Travailler dans les syndicats (il faudrait d’ailleurs aider les grévistes sur les piquets de grève comme le faisait jadis les militants du FLQ), les associations étudiantes, les comités de quartier mais aussi individuellement, quotidiennement, changer les choses et l’entourage de chacun : donner des cours sur les médias de masse, expliquer l’importance démesurée des multinationales, proposer des améliorations concrètes aux conditions de travail de tous et toutes… En fait, n’en déplaise à certains militants qui regardent encore la télévision en attendant la prochaine manifestation, la révolution viendra au terme d’une période où les éléments de la gauche travailleront encore plus fort et mieux que ceux de la droite qui ont pourtant tous les moyens de leur côté, mais très peu d’idées. Changer le monde ça veut dire se mouiller, se salir les mains, prouver la critique du système, mais aussi proposer des solutions, dans tous les domaines. On est loin de tout cela, mais on peut y arriver prochainement. Dans l’action, uniquement, nous rejoindrons les autres. Par l’exemple, mais aussi le resserrement du tissu social, nous atteindrons nos buts. Il est important de faire de l’éducation politique pour contrer les médias et les faiseurs d’images qui se spécialisent depuis bien trop longtemps dans l’abrutissement politique. Il faut passer des tracts, écrire des journaux, faire des films, diffuser, parler, s’exprimer. Chacun dans son domaine doit éveiller les esprits endormis et créer la discussion, la réflexion qui mènent aux propositions d’une lutte locale, d’un véritable projet de société. Ne plus faire de petites manifestations, plonger et aller convaincre la population du bien de notre cause qui alors, s’apercevra que l’image que les médias transmettaient de nous était fausse et manipulée, que nous avons un discours, des idées, un but et rien à y gagner sans le partager. Après un an de ce travail ardu et continu, après deux ans peut-être, revenir dans la rue mais cette fois beaucoup plus nombreux et légitimes pour créer un véritable changement, jusqu’au bout je l’espère, mais sans quémander de l’aide ni aux policiers ni aux médias. Chacun doit trouver sa voie. Au travail!
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