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L'État policier

Dominic Dagenais, Samedi, Avril 27, 2002 - 22:26

Dominic Dagenais

Les arrestations massives à caractère politique semblent se multiplier au Québec, comme nous avons pu le constater, une fois de plus, le vendredi 26 avril dernier.

L’intervention policière du vendredi 26 avril démontre une fois de plus que le droit de manifestation semble de plus en plus menacé au Canada. Un rassemblement pacifique débute au Square Dominion, dans lequel les citoyen-ne-s peuvent consommer la bouffe végétarienne distribuée par les organisat-eur-rice-s, en plus d’obtenir de nombreuses informations sur le G8 et particulièrement, la rencontre des ministres du travail qui se tient au même moment à l’Université McGill. La marche, prévue pour 18h, n’aura jamais lieu.

C’est vers 17h50 que des policier-e-s de l’escouade anti-émeute descendent d’autobus de la STCUM, boulevard René Lévesque, bloquant ainsi l’accès au boulevard, aux coins des rues Peel et Metcalf. Au même moment, d’autres policier-e-s bloquent l’accès à la rue Sainte-Catherine, aux intersections des mêmes rues. Les gens rassemblés en vue de la marche se retrouvent ainsi très rapidement pris en souricière.

C’est ainsi qu’environ 175 citoyen-ne-s se trouvent en état de détention, ayant pour seul délit la participation à un rassemblement pacifique dans un parc montréalais. Une situation similaire eut lieu le 15 mars dernier lors de la manifestation contre la brutalité policière, qui s’était soldée par 371 arrestations. La police avait alors justifié son intervention, sous prétexte de grabuge commis par des manifestant-e-s (quelques graffitis et 6 fenêtres de fracassées). Or cette fois, aucune infraction, aussi minime soit-elle, n’a pu justifié l’intervention musclée de la police. Celle-ci admet d’ailleurs avoir agit en «prévention» d’éventuelle casse. Car aucun grabuge n’eut été commis avant l’intervention policière. Le grabuge commis eut lieu quand des manifestant-e-s ayant réussi à s’échapper, ou bien étant arrivé-e-s plus tard, ont exprimer leur rage face à la bavure policière commise devant eux. C’est ainsi que des poubelles ont été lancées et une voiture patrouille vandalisée. Contrairement aux reportages de plusieurs bulletins de nouvelles, ce sont ces actions se sont déroulées en réaction à l’intervention policière et non l’inverse.

Heureusement, contrairement au 15 mars dernier, plusieurs passant-e-s ont pu observer la scène et constater l’abus policier. De plus, à noter la présence de la Ligue pour les Droits et Libertés qui considère l’intervention policière comme étant non-conforme à la loi. De l’avis de la grande majorité des gens ayant assisté à la scène, aucune raison ne justifiait l’arrestation de ces gens s’étant simplement rassemblés pacifiquement.

La police de Montréal semble avoir pris goût à ce nouveau procédé, visant à arrêter l’ensemble des participant-e-s à des rassemblements démocratiques. Que près de 175 personnes se retrouvent avec une amende de 138$ (conformément à l’article 2 du règlement municipal P-6 de la Ville de Montréal) pour s’être rassemblée pacifiquement, avant même d’avoir pu entamé la marche prévue, démontre que les libertés individuelles ne sont garanties pour tou-te-s. Nous assistons à une croissance alarmante de ce type de procédé. Dans les exemples les plus récents, notons les 371 arrestations du 15 mars dernier ainsi que les 463 arrestations lors du Sommet des Amériques de Québec d’avril 2001. Depuis 1999, on estime à 1500 le nombre d’arrestation à caractère politique au Québec seulement.

Le droit de manifester, aussi élémentaire soit-il, est de plus en plus bafoué dans notre système soit-disant démocratique. Lorsqu’un régime procède à des arrestations massives, dans un but préventif, on doit se poser de sérieuses questions sur la nature de celui-ci. Mais ce même régime se permet de regarder de haut ceux qui ne respectent pas la démocratie (quelle démocratie?) en refusant de les inviter à certains sommets «démocratiques». Les rencontres de quelques ministres des pays les plus riches décident de façon anti-démocratique le sort de milliards de gens. Des centaines de citoyen-ne-s se voient empêcher d’exercer leur droit d’expression sous prétexte d’«attroupement illégal». C’est à se demander lequel des deux attroupements de vendredi était le plus illégitime. Celui du Square Dominion, ouvert à tout le monde ou bien le cocktail secret des ministres du travail du G8 ?



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