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Le Brésil censure un opposant à la ZLÉAvieuxcmaq, Vendredi, Mai 4, 2001 - 11:00
Nicolas Lévesque (nicolaslevesque@hotmail.com)
Certains se demandent s’il ne serait pas plus constructif pour les opposants à la ZLÉA de participer à l’interne au processus de discussion de la zone de « libre »-échange pour ainsi élaborer une intégration continentale plus conforme à leurs demandes, plutôt que de se contenter de critiquer de l’extérieur. Malheureusement, mais tout laisse croire que les discours critiques et divergents ne sont pas tolérés à l’intérieur des oficines du pouvoir qui prônent la pensée unique. Pour preuve l’ambassadeur Samuel Pinheiro Guimarães qui s’est fait démettre de ses fonctions après avoir signifié publiquement sont désaccord à la ZLÉA. Comme quoi il n’y a peu ou pas de place à la discussion dans cette doctrine qu’est le néo-libéralisme. L’ambassadeur Guimarães a payé cher d’avoir exprimé publiquement ses critiques envers l’adhésion du Brésil à une future ZLÉA. Il s’est vu démettre, par le ministre des Relations extérieures, Celso Lafer, de son poste à l’Institut de recherche sur les relations internationales, un organisme public. Le nouveau ministre, en fonction depuis janvier dernier, a été très clair à son entrée en fonction en avouant qu’il tenterait de contrôler les manifestations « relatives à la formulation et à l’exécution de la politique extérieure du Brésil » au sein des membres du corp diplomatique. Entendre par là qu’il ne tolèrerait pas la divergence d’opinion. C’est dans les jours qui ont suivi sa participation à un débat sur la ZLÉA, organisé par le comité de Rio de Janeiro du Forum social mondial, que l’ambassadeur Guimarães a appris le sort que lui attribuait le gouvernement. Pourtant au début de son allocution lors de ce débat, l’ambassadeur avait bien pris soin de mentionner qu’il parlait en son nom personnel et non en celui du gouvernement. Mais le ministre Lafer ne l’entendait pas ainsi. Alors que la position officielle du gouvernement brésilien est modérée par rapport à la ZLÉA et ne considère cet accord que comme « à peine une des options possibles pour le Brésil », il est incompréhensible que la position personnelle de l’ambassadeur Guimarães chatouille à ce point le ministre Lafer. D’autant plus que l’ambassadeur ne s’oppose qu’à la ZLÉA et non pas aux politiques du gouvernement brésilien. Et que sa position contre la ZLÉA est basé sur son opinion que cet accord ne profitera pas au Brésil. Le ministre n’a simplement pas su profiter de cette divergence idéologique pour approfondir le débat au sein de son gouvernement, il a plutôt opté pour éliminer tout simplement les critiques. Pour Antonio Martins du mouvement ATTAC, l’exemple de Pinheiro Guimarães devrait servir pour constituer une opposition forte à la ZLÉA. « L’ambassadeur est un bel exemple à suivre puisque même s’il savait que son poste était en jeu, il a préféré participer à ce débat sur la ZLÉA plutôt que de rester dans l’ombre. » Pour Rafael Freire, secrétaire d’organisation à la Centrale unique des travailleurs (CUT), la censure dont a été victime l’ambassadeur n’est qu’une preuve supplémentaire que la ZLÉA est élaborée contre la volonté des citoyens. « La ZLÉA est quelque chose d’extrêmement autoritaire qui est articulé par nos exécutifs sans même la participation de la population organisée », explique-t-il. Pourquoi Pinheiro Guimarães s’oppose-t-il à la ZLÉA? Le discours de Pinheiro Guimarães n’a pourtant rien de subversif, de radical ou de révolutionnaire. Il ne va pas jusqu’à prôner la fin du capitalisme, comme d’autres le font, mais plutôt l’instauration d’un capitalisme plus égalitaire. C’est avec la vision que le Brésil ne pourrait rivaliser économiquement avec les Etats-Unis que l’ambassadeur soutient que l’existence d’une Zone de libre-échange des Amériques serait préjudiciable à son pays. C’est l’origine de cette idéé de zone de libre-échange pan-américaine qui est à la base de son questionnement. « La ZLÉA est une initiative des États-Unis et non une initiative des peuples des Amériques. Elle fait partie d’un stratégie globale des Etats-Unis dans la perspective de réorganiser son influence économique pour rivaliser avec d’autres puissances mondiales comme l’Europe, le Japon et la Chine », expliquait-il lors d’un débat organisé le 18 avril dernier à São Paulo, quelques jours après son congédiement. « L’intérêt des Nord-Américains pour la ZLÉA vient du fait qu’ils sont conscients qu’ils sont la plus forte puissance économique, scientifique, militaire et surtout idéologique de la planète. » Pour Pinheiro Guimarães la lutte serait tout simplement inégale entre le Brésil et les Etats-Unis puisque les deux pays n’en sont pas au même niveau de développement. « Ils ont une force d’innovation technologique extraordinaire, ce que n’a pas le Brésil. Par exemple, pour démontrer la déségalité technologique, en 1999 les entreprises américaines ont enrégistré 29 000 brevets à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle alors que la même année le Brésil a présenté 120 brevets. L’année suivante, en 2000, 38 000 brevets ont été présentés par les Etats-Unis et 160 par le Brésil… Ça démontre bien l’incapacité pour le Brésil de produire de nouveaux produits en comparaison avec les Etats-Unis. » Selon lui, la création de la ZLÉA n’apporterait peu de bénéfice pour le Brésil. « Peut-être que quelques entreprises brésiliennes plus compétitives profiteraient du libre échange, que quelques-une pourraient exporter davantage, mais ce n’est certainement pas la majorité. »
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