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Il faut imaginer la suite de l'histoire...Anonyme, Samedi, Novembre 23, 2002 - 13:06
Nicolas Mathey
Un excellent et court article sur l'un des grands penseurs de l'imaginaire politique et de l'autonomie, Cornelius Castoriadis, puisé sur le site de l'Humanité Il faut imaginer la suite de l'histoire... Dans Figures du pensable, le philosophe Cornélius Castoriadis, disparu en 1997, s'attachait à montrer en quoi le capitalisme contemporain a partie liée avec la conception d'un individu " sans histoire et sans lien avec les autres ". Disparu en 1997, Cornélius Castoriadis plaça son travail au centre de la complication du monde et des disciplines vouées à en rendre compte, tout à la fois philosophe, psychanalyste et économiste. Il entreprit, il y a vingt ans, de rassembler ces diverses approches dans la série des Carrefours du labyrinthe, dont le sixième et dernier volume paraît aujourd'hui (1). Il fut aussi celui qui fonda avec Claude Lefort une revue au nom destiné à devenir célèbre, Socialisme ou Barbarie, qui, jusqu'à son interruption en 1967, s'efforça de contester une certaine orthodoxie des interprétations de Marx. Il ne renia toutefois jamais l'influence originelle de l'idée de transformation politique de la société. Ainsi, au-delà de ce qu'il appela " la pulvérisation du marxisme-léninisme ", il n'eut de cesse d'inviter à dresser un bilan critique de la triple sphère attachée à Marx, celle de ses écrits, celle de ses prolongements théoriques et, enfin, celle des systèmes politiques qui s'en réclamèrent. Comme il le souligne avec malice dans ce recueil, " on jette aujourd'hui Marx par-dessus bord, ce que d'une certaine façon il fallait faire, et que pour mon compte j'avais fait depuis 1960, mais en même temps, avec l'eau sale de la baignoire, on jette non seulement le bébé, mais la baignoire, la salle de bains elle-même et, finalement la maison tout entière ". Pour Castoriadis, savoir où l'on en est avec Marx est la condition de possibilité d'une critique politique pertinente. Cette critique doit selon lui commencer par repérer les caractéristiques des démocraties modernes. Définie comme régime de l'autonomie et de l'autoinstitution, qui se donne à lui-même ses propres lois, la démocratie est inexistante tant qu'elle est sous la coupe d'une oligarchie politique, d'autant que cette absence de toute " philosophie de la représentation " laisse s'imposer la norme de l'argent. Autre trou noir de la pensée politique actuelle, le leurre de l'individualisme libéral, selon lequel l'individu serait sans histoire et sans lien avec les autres : " On ignore purement et simplement l'imaginaire social dominant à partir duquel est structuré l'individu contemporain ", dit-il. Par " imaginaire social ", Cornélius Castoriadis entendait désigner l'ensemble des " significations imaginaires sociales " partagées par les membres d'une société. Exposée dans la grande oeuvre de l'auteur parue en 1977, l'Institution imaginaire de la société, cette conception permet de rendre compte de la nouveauté en histoire, autrement dit de l'"Événement " : elle est synonyme de " faculté de novation radicale ", de " puissance de création des collectivités humaines ". L'imaginaire capitaliste est l'imaginaire social de notre époque, son sens profond étant du côté de " l'expansion illimitée de la soi-disant maîtrise soi-disant rationnelle ". La " rationalité " revendiquée par le capitalisme est en fait " réduite à une rationalité économique, définie de façon purement quantitative " au sein d'une soi-disant science économique utilisant les mathématiques de façon dérisoire et abusive. Contre l'" insignifiance " de cet imaginaire du progrès et de l'expansion matérielle, Cornélius Castoriadis invite à retrouver le sens de la novation politique par le réveil de l'imaginaire de tous. Pour aller dans ce sens, il propose une sorte de morale provisoire, avec le souci constant d'" augmenter millimétriquement les espaces de liberté ". L'histoire n'est pas finie : il appartient à chacun, à l'heure d'une mondialisation uniformisante, d'en imaginer la suite... Nicolas Mathey (1) Cornélius Castoriadis, Figures du pensable. Les Carrefours du labyrinthe, volume VI, Editions Le Seuil, 320 pages, 130 francs. |
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