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L'union paysanne: David contre Goliath?

Mario Cyr Graffici, Jeudi, Novembre 7, 2002 - 13:06

Pascal Alain

Pascal Alain a réalisé une entrevue avec le fondateur de l'Union paysanne M. Roméo Bouchard.

Où s’en va l’Union Paysanne ?

Par Pascal Alain

Pour employer une image bien connue, il en a coulé de l’eau sous les ponts depuis la fondation de l’Union paysanne dans le petit village de St-Germain-de-Kamouraska. Présente dans les 17 régions administratives du Québec, l’Union paysanne entend faire sa place en défendant ceux et celles qui veulent une agriculture à dimension humaine et une campagne vivante.

Si, en France, José Bové est de tous les combats pour lutter contre la malbouffe et l’industrialisation à outrance de l’agriculture, nous, au Québec, on a Roméo Bouchard, agriculteur et président de l’Union paysanne. Deux pays, deux continents, même revendications : regrouper tous ceux et celles qui veulent une agriculture à dimension humaine et respectueuse de la nature afin de contrecarrer le courant dominant qui impose l’agriculture industrielle comme seul modèle de développement et qui menace l’avenir des campagnes et la qualité de l’alimentation. Joint à son domicile de St-Germain-de-Kamouraska, un petit village de 300 habitants, Roméo Bouchard se souvient de l’origine de l’Union paysanne : «Depuis quelques années, on tentait de revitaliser notre village en organisant du théâtre et des actions culturelles de toutes sortes. On tentait d’occuper notre territoire en favorisant l’agriculture biologique. Un projet de porcherie est venu menacer tout ce qu’on faisait, outrepassant les lois et les volontés de développement des régions agricoles». Et puis vint l’Union paysanne qui tint son congrès de fondation en décembre 2001.

Pourquoi l’Union paysanne ?

Dès la tenue du congrès de fondation, la raison d’être de l’Union paysanne fait l’unanimité. Reprochant principalement au gouvernement québécois et à l’Union des Producteurs Agricoles (UPA) de céder aux pressions du libre échange en soutenant essentiellement les gros producteurs spécialisés et un modèle productiviste néfaste au milieu au détriment des agriculteurs «paysan», un cri d’alarme s’est fait entendre et à rallier une part considérable de citoyens. Moins d’un an après sa fondation officielle, l’Union paysanne a semé des tentacules aux quatre coins du Québec, leur discours ayant fait écho auprès des populations partageant la même inquiétude, le même projet de société. «La loi agricole de l’UPA est fait pour protéger l’agriculture industrielle indépendamment des milieux ruraux ; elle encourage un modèle industriel qui étouffe l’agriculture locale, familiale et artisanal. L’Union paysanne est donc là pour faire contrepoids au monopole de représentation syndicale et aux promoteurs de la productivité à tout prix. On est en train de mettre en place des structures d’actions politiques pour changer les choses, de bâtir une discipline démocratique et solidaire.», mentionne Monsieur Bouchard.

Depuis ce temps, on n’a cessé d’entendre parler de l’Union paysanne qui a multiplié, non seulement, ses interventions auprès du gouvernement, mais également le nombre de producteurs et de citoyens en tant que membres. «On s’accroche. Nos membres comptent sur nous. Notre poids politique est plus grand que j’avais prévu. C'est pas mal quand on sait que notre budget annuel n’équivaut pas au salaire annuel de Laurent Pellerin (président actuel de l’UPA), ajoute Monsieur Bouchard».

La Politique nationale de la ruralité

En décembre dernier, le gouvernement québécois adoptait la très attendue Politique nationale de la ruralité, une politique devant donner les outils aux régions pour qu’elles puissent assurer l’occupation et la vitalité de leur territoire. Applaudi par Solidarité rurale, qu'en pense le président de l’Union paysanne ? «Ça va dans la ligne des politiques régionales adoptées dans les vingt dernières années. Il faut avoir l’honnêteté d’avouer, et quand on pousse Jacques Proulx (président de Solidarité rurale) il l’admet, que ce n’est pas une politique d’occupation du territoire. Ce sont de petits montants saupoudrés dans chaque MRC. Ce n’est pas une politique conçue en fonction de maintenir l’occupation dynamique du territoire, car les politiques sectorielles du gouvernement en transport, en santé, en éducation, en agriculture, etc. sont absentes. C’est plutôt une politique centralisatrice qui favorise l’intégration des petites entreprises au libre échange, au point de les faire disparaître. Ne faisons pas croire aux gens que ça va freiner l’exode des jeunes, c’est une façade. Murdochville est l’illustration parfaite de l’absence de politique du territoire ; ce sont les politiques minières, agricoles, forestières qui assurent la pérennité des régions», croit Monsieur Bouchard.

Que nous réserve l’automne ?

Après quelques tiraillements à l’interne, l’Union paysanne tente de repartir sur des bases solides et de consolider ses acquis ainsi que ses instances et ses structures démocratiques. À moyen terme, le mouvement entend consacrer de l’énergie pour regrouper suffisamment de producteurs et de citoyens pour légitimer une modification de la loi qui a octroyé un monopole syndical obligatoire à l’UPA. L’Union paysanne, deuxième syndicat agricole au Québec, mettra sur pied un plan stratégique en vue de recevoir l’accréditation du gouvernement québécois. En plus de vouloir rétablir la liberté syndicale pour les producteurs agricoles, l’Union paysanne va poursuivre son soutien à l’égard des producteurs agricoles artisanaux et biologiques et ses actions politiques pour restaurer la citoyenneté rurale. Elle continuera de susciter des débats pour que les gens continuent d’établir des liens entre leurs assiettes et le type d’agriculture que privilégie l’industrie agricole. Enfin, Roméo Bouchard s’apprête même à publier un ouvrage aux éditions Écosociété concernant l’importance des sociétés d'effectuer un virage vers une agriculture paysanne.

En conclusion : l’Union paysanne exerce-t-elle le rôle d’un chien de garde, Monsieur Bouchard ? «L’union paysanne est plus qu’un chien de garde. Elle représente une alternative paysanne à la désertification des campagnes, une alternative à la citoyenneté. Elle est l’espoir de stopper l’industrialisation, la banalisation complète de l’agriculture et de l’environnement. N’oublions pas que ce sont les régions qui ont bâti le Québec.

Pascal Alain



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