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Délester le contrôle des loyers, c'est aggraver la crise du logement

Anonyme, Vendredi, Octobre 25, 2002 - 00:52

André Trépanier, RCLALQ

À l'écoute des corporations de propriétaires immobiliers, la Régie du logement serait prête à assouplir certains aspects de sa politique de contrôle des loyers. Cette «ouverture au changement» serait approuvée par le ministre délégué à l'Habitation, Jacques Côté. Du moins, la journaliste Josée Boileau l'affirme dans les pages éditées par son employeur le 19 octobre 2002.

Depuis que l'on reconnaît l'existence d'une crise du logement, des propriétaires regroupés en corporation tentent de se faire passer pour les victimes de cette crise. Les victimes ne seraient pas les familles entassées dans un gymnase en juillet, ni les ménages qui préfèrent payer le loyer plutôt que de manger et ni les locataires pris avec des murs pleins de moisissures. Les victimes seraient des propriétaires immobiliers incapables de faire de l'argent. Un de leur bourreau désigné serait le tyrannique contrôle des loyers !

Pourtant au Québec, le contrôle des loyers relève plus du mythe que de la réalité. En 2001-2002, à peine 10 525 loyers québécois ont été fixés par la Régie du logement à la demande de propriétaires et un gros 480 par des locataires ayant signé un bail pour un nouveau logement. Ce mécanisme de «contrôle» n'est ni obligatoire, ni universel. Il n'affecte pas 1% des logements locatifs de la province même pendant une année record. La Régie ne traite que les cas où le propriétaire n'a pas réussi à faire «accepter» sa hausse de loyer par le locataire et où un nouveau locataire ose contester le loyer de son nouveau logement.

Pour augmenter le loyer (ou modifier le bail), le propriétaire doit, dans les délais prescrits, remettre au locataire un avis lui indiquant le montant demandé. À ce moment, le locataire dispose d'un mois pour signifier ses intentions : accepter la hausse et le renouvellement du bail (ne rien envoyer), quitter le logement à la fin du bail (expédier un avis de non-renouvellement du bail) ou refuser la hausse tout en renouvelant le bail (avis de refus de modification de bail). Lorsqu'il reçoit un tel avis de refus, un propriétaire peut demander à la Régie du logement de fixer le loyer selon une grille de calcul. De leur côté, les locataires ne peuvent pas, lors du renouvellement de leur bail, se présenter à la Régie pour faire baisser leur loyer si les dépenses du propriétaire ont diminué (bénéficier d'une baisse de taxe, par exemple).

Avant d'aborder la méthode de fixation de loyer utilisée par la Régie, attardons-nous sur le processus de renouvellement du bail. Bien des gens ignorent leur droit de refuser une hausse de loyer tout en renouvelant leur bail. Souvent, les avis expédiés par certains propriétaires laissent sous-entendre que ce droit n'existe pas. Mais, fréquemment, des locataires préfèrent subir la hausse pour éviter « d'avoir du trouble » avec leur propriétaire. Les propriétaires ont donc déjà une grande liberté pour obtenir les hausses de loyers souhaitées sans intervention de la Régie.

Pour trancher les quelques cas se rendant à ses bureaux, la Régie utilise une grille de calcul. Cette grille, qu'on envisage de modifier, tient compte des augmentations de dépenses du propriétaire (taxes, assurances, frais de chauffage, etc), l'indexation du revenu net de son immeuble et des rénovations effectuées.. En moyenne en 2002, les augmentations de loyers fixées par la Régie étaient, avant travaux majeurs, de 1% pour les logements chauffés par le locataire. Pour ceux chauffés par le propriétaire, elles étaient respectivement de 0,2%, 1,2% et de 2,9% pour ceux chauffés au mazout, à l'électricité et au gaz naturel. À ce montant de base, un propriétaire obtenait cinq dollars par mois pour chaque tranche de 1000 dollars investis en rénovation (montant à être réparti entre les logements concernés).

Revoir à la hausse l'indice utilisé pour fixer les augmentations de loyer, comme le sous-entend la présidente de la Régie, pour solutionner en partie ou en tout la crise du logement est tout à fait illusoire. La pression sur les locataires ne ferait que s'accentuer, pression qui s'exprime particulièrement par des loyers de plus en plus inabordable et qui ne cesse d'augmenter… malgré le «contrôle» des loyers. «Nous ne rénovons pas, nous réparons !» ajoute un porte-parole de propriétaires immobiliers. Permettre de plus fortes hausses de loyer ne nous garantira aucunement des logements en meilleurs. Les logements en mauvais à loyer élevé sont légions et les rénovations sont trop souvent une tactique d'éviction.

Bref, délester un contrôle des loyers qui n'est pas très lourd en partant, ne ferait qu'accentuer la tendance à la hausse des augmentations de loyers et empirer l'actuelle crise. La crise du logement est avant tout l'incapacité du marché de l'habitation à offrir un logement décent à tous et à toutes. Un réel contrôle des loyers, obligatoire et universel, s'impose. Le gouvernement du Québec ne peut pas de sa main gauche prétendre éliminer la pauvreté par un projet de loi tout en donnant de sa droite le feu vert à l'appauvrissement des locataires par des hausses de loyer encore plus marquées.

Site du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ)
www.rclalq.qc.ca


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