Est-ce que l'Université Concordia, de par son recteur et de par son association étudiante (CSU) favorise l'indépendance intellectuelle des étudiant-e-s?
Concordia forme-t-il des étudiant-e-s libres-penseurs ?
(publié dans le Concordia Français)
Il fallait être présent à la manifestation lundi le 30 septembre dernier pour comprendre que NON, Concordia ne forme pas des étudiant-e-s libres-penseurs. Récapitulons : grande manifestation le 9 septembre contre la tenue d’une conférence de Benjamin Netanyahu. Au moment où le conférencier doit se présenter à l’université, les policiers anti-émeutes (qui sont à l’intérieur d’un lieu d’enseignement public, pour y matter l’adversité) ont l’ordre de charger les étudiant-e-s qui, pacifiquement, étaient assis-e-s dans les marches menant à la mezzanine du Hall Building. Ils étranglent et brutalisent les contestataires. À l’extérieur, les manifestant-e-s s’offusquent de la tournure des évènements et décident de créer une diversion : ils tapent sur la fenêtre qui se brise sous les mains de dizaines de gens qui n’en pouvaient plus de voir leurs ami-e-s se faire frapper de façon aussi gratuite. La vitre brise; Netanyahu reste dans son hôtel. Sans la vitre, Netanyahu serait venu à Concordia (un lieu d’enseignement public faut-il le rappeler). Qu’est-ce qu’ont retenu les médias de masse de tout cela? La vitre. Les assauts répétés et sauvages sur les manifestant-e-s pacifiques qui venaient exprimer leur désaccord, personne n’en a parlés. Mais une vitre. Un bien somme tout insignifiant? Scandale. Des lésions sur la peau, des citoyen-ne-s traumatisé-e-s, des policiers dans une université; sans importance, mais la vitre…
Encore une fois, les médias de masse ont détourné le sens premier de l’événement (manifestation contre les valeurs de la droite israëlienne) pour tourner les gens vers le ridicule, le sensationnalisme, le vide : une vitre.
Quelques jours plus tard, le recteur de l’université, Frederick Lowy décrète un moratoire sur toutes les activités publiques (affiches, conférences, débats…) traitant de près ou de loin d’Israël, de la Palestine, du conflit israëlo-palestinien, de Netanyahu… Une semaine et demi plus tard, il pousse plus loin et interdit tout étudiant-e et ou groupes étudiants d’organiser des expositions ou de tenir des tables dans l’entrée ou la mezzanine du Hall Building. Résultat : le CSU se fâche et condamne avec raison les gestes de Lowy. La présidente Sabrina Friesinger défie le moratoire et pose elle-même une affiche en anglais demandant « d’arrêter de tuer des gens en Israël et en Palestine ». Une manifestation est judicieusement organisée le lundi 30 septembre pour dénoncer les positions du recteur Lowy.
Lundi arrive : dans l’indifférence complète, une centaine de manifestant-e-s se rassemblent devant le Hall Building et affirment que la liberté d’expression et de pensée sont vitales à Concordia.
Qu’est-il donc arrivé pour qu’aussi peu de gens réagissent? Au-delà des mesures fascistes, sans jugement et démesurées du recteur, n’est-ce pas là la preuve de la faillite de l’enseignement universitaire?
On coupe dans les budgets de l’éducation, on aggrandit les classes, on réduit le nombre de professeurs, on placarde les murs de publicités, on vend littéralement l’université à des compagnies aux intérêts arrêtés qui y changent les programmes et le contenu des cours en fonction de leurs besoin, mais personne ne s’oppose sauf, encore une fois, la CSU. La grande majorité des étudiant-e-s subissent le tout sans réfléchir aux conséquences.
À force de réagir au nom des étudiant-e-s, la CSU en est devenu une sorte d’« avant-garde du peuple ». Elle parle et s’offusque au nom de tous et toutes, au lieu de parler et d’agir avec tous et toutes. Elle organise une manifestation mais peu répondent. Pourquoi?
L’université doit être un lieu où la liberté pousse les gens à pouvoir réfléchir et critiquer à leur guise. Un lieu neutre, peut-être le seul dans la société où les étudiant-e-s doivent avoir un recul nécéssaire pour comprendre et critiquer leur société. Cette liberté devrait être la raison d’être de l’enseignement universitaire.
Banir par tous les moyens cette liberté, comme le fait le recteur Lowy en ce moment, devrait pousser les étudiant-e-s et les professeur-e-s à une colère à la mesure de leur intégrité intellectuelle. Mais rien ou presque. Est-ce dire que l’esprit critique et la réflexion n’ont plus une place importante à Concordia? Est-ce dire que l’université est vouée à sombrer dans la pensée unique? Est-ce dire que la CSU est déconectée des étudiant-e-s à la manière des politiciens provinciaux ou municipaux?
Il faudra au plus vite impliquer la population étudiante dans la gestion de l’université. La pousser à s’impliquer et organiser une démocratie étudiante plus directe et participative, ainsi les conscientiser et renforcir la force et la légitimité de l’association étudiante. Au rythme où les choses vont, sans cela, Concordia deviendra bientôt un grand centre d’achat pour étudiant-e-s sans voix et pour recteurs en manque d’abus de pouvoir.
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