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« Squat ! » : Les images d'une résistance

Anonyme, Vendredi, Septembre 27, 2002 - 21:44

Gabriel Anctil

Voici un article sur l'excellent film Squat! d'Ève Lamont, qui raconte l'histoire tumultueuse des squateurs du centre Préfontaine de l'été 2001.

Squat !
Les images d'une résistance

« Je ne considère pas le cinéma comme un spectacle,
pour moi c'est un moyen de réflexion »
-Gilles Groulx

Gabriel Anctil
(ball...@hotmail.com)

Squat! est un film nécessaire, puissant et beau, réparateur. Un film qui fait du bien à voir, qui soulage. Rappelez-vous l'été 2001 : en pleine crise du logement, une cinquantaine de jeunes et de moins jeunes, de mal logé-e-s ou de sans-abris prennent courageusement d'assaut un bâtiment désaffecté de la rue Overdale. Commencera alors une longue lutte pour le droit au logement, à la dignité et à la différence. Quelques jours plus tard, grâce à un maire Bourque en campagne électorale, la ville leur propose de s'installer loin du centre-ville, au Centre Préfontaine, énorme édifice de la rue Rachel. Ils et elles y resteront alors deux mois avant de se faire expulser à coups de matraques et de charges électriques par les policiers « antiémeutes », grands défenseurs de la propriété privée, lobotomisés, prêt à tout pour plaire à leurs maîtres.

En réalisant ce documentaire engagé, Ève Lamont renouait avec un sujet qui lui était familier et qui lui tenait à coeur. Elle avait déjà connu, observé et participé à sa façon à des squats à Genève, à Toulouse, à Amsterdam et à New York. C'était par contre la première fois qu'elle vivait l'expérience à Montréal :
« Quand les squatteurs ont pris possession du squat d'Overdale, j'étais sur la Côte Nord. Je ne savais pas encore que j'allais faire un film sur eux et elles mais déjà je me voyais là-bas. Ensuite, on m'a invité au squat Préfontaine pour présenter un documentaire que j'avais réalisé sur les femmes squatteurs en Europe (Des Squatteureuses, 1988). C'est à ce moment là que je suis tombée dans le sujet, que j'ai décidé de suivre leur projet et de faire un documentaire sur leur lutte. »

Un lien de confiance s'est dévoloppé entre elle et les nouveaux-elles résident-e-s du Squat Préfontaine. Ils ont accepté en assemblée générale que le film se réalise avec leur participation. Certains d'entres eux et elles ont même conseillé la réalisatrice au montage, pour faire en sorte que le film reflète vraiment ce qui s'est déroulé.

Parce que la force première du film est de prendre le temps de raconter les faits à travers les mots et les gestes des squatteurs. Loin de l'approche des médias de masse qui les ont condamnés sans tenter de les comprendre, le film donne la voix aux squatteurs qu'on apprend à connaître et à respecter : un ex-itinérant responsable de la bouffe commmunautaire, un ébéniste sans-emploi et sans logement qui s'occupe des travaux de rénovation, un travailleur au salaire minimum, père de trois enfants qui n'arrive plus à payer son logement, une jeune mère monoparentale qui y vit avec son jeune fils, une jeune punk qui a connu les squats sauvages, un toxicomane qui veut s'en sortir?
Rapidement on comprend que pour eux et elles le squat, en plus d'être un logement fixe et gratuit, est un défi qu'ils doivent relever collectivement, un projet qui les rattache plus que tout à la vie, qui leur donne la force et l'espoir de pouvoir enfin, en dehors des contraintes imposées par le capitalisme sauvage, prouver la viabilité et la nécessité d'une alternative politique à une société où les exclu-e-s sont de plus en plus nombreux-ses et de plus en plus pauvres.

Comme l'exprime si bien Ève Lamont :
« Dans nos sociétés capitalistes, le logement devient un produit de consommation et de spéculation plutôt qu'un droit fondamental. Le squat offre une solution immédiate pour qui doit subvenir au besoin vital de se loger sans qu'on lui en donne les moyens. »

La lutte des squatteurs de Préfontaine rejoint celle de millions de personnes dans le monde qui agissent aujourd'hui, bâtissant dans l'urgence des conditions de vie plus respectables au lieu de quémander pour demain un monde meilleur.

La campagne de salissage médiatique

Squat! est aussi un film à voir car il montre, comme rarement au cinéma, la manipulation des médias qui tels des chiens enragés ont littéralement attaqué le squat, s'introduisant, comme les « journalistes » de TQS, à l'intérieur même du lieu sans autorisation, au nom du droit à l'information et du bien public, jouant les détectives et les policiers zélés en manque de sensations fortes, allant jusqu'à, comme le Journal de Montréal, prétendre avoir trouvé sur le terrain de la merde humaine et animale (après une examination en laboratoire j'imagine !).

Les journalistes des médias de masse ont concocté une véritable campagne de salissage, passant d'observateur-trices à acteur-trices dans les évènements, demandant clairement au maire Bourque d'expulser ces « punks » du lieu public, détournant le public des véritables enjeux (la crise du logement et le logement social). « Il y a eu une campagne médiatique superficielle, grossière et caricaturale. Les journalistes se sont retrouvé-e-s devant un monde qu'ils ne connaissaient pas et l'ont complètement méprisé. Avec ce film, j'ai voulu m'adresser à l'intelligence des gens, ce que les médias ne font pas. » déplore Ève Lamont.

Le sort de ces squatteurs fut à la hauteur de la campagne de désinformation des médias : le 3 octobre au petit matin, les policiers sortent du lit les occupant-e-s et les expulsent sauvagement du squat qui était devenu leur maison. Plusieurs arrestations et hospitalisations ont lieu. Un peu plus d'un an plus tard, rien n'est réglé, la crise du logement s'est aggravée et les médias gardent encore la population dans l'ignorance. Pire encore : rien n'a été fait pour les anciens squatteurs, qui, laissés à eux-même, démolis physiquement et psychologiquement, ont perdu leur logement, leur espoir et leur combat. Ils et elles sont de retour dans la rue, entouré-e-s du mépris et de l'inhumanité d'une société égoïste, injuste et sans coeur.

Squat! Comme une justice à la lutte

C'est un film à voir, à faire voir comme arme d'auto-défense contre les médias. Tout comme cette mémorable scène d'Orange mécanique, les Pierre Bourque, Gérald Tremblay, Michel Prescott, les policiers de l'escouade antiémeute et les journalistes devraient voir ce film, les yeux grands ouverts, pour réaliser toute la barbarie de leurs rôles, toute l'imbécilité et la profonde répression de leurs gestes. Répression de vérité et de justice, répression d'espoir, répression de courage, répression de leurs semblables. C'est un film à voir et à faire voir. Un film d'espoir aussi.

À l'affiche du 27 septembre au 8 octobre à Ex-centris



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