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L'éducation dans la mire de l'OMC

Anonyme, Mercredi, Septembre 18, 2002 - 20:38

Isabelle Porter

Le gouvernement Chrétien a beau se faire rassurant, il pourrait être difficile pour le Canada de protéger son système d'éducation dans l'AGCS, l'Accord de l'OMC touchant les services (Accord Général sur le Commerce des Services).

Du commerce à l'aide au développement, le Canada cherche à devenir un leader dans l'élaboration et l'exportation de programmes éducatifs en ligne. Le hic, c'est le Canada est moins intéressé à en importer, l'éducation étant considérée ici comme un domaine devant échapper au commerce. À maintes reprises, le ministre du commerce international, Pierre Pettigrew a répété qu'il n'avait pas l'intention de soumettre l'éducation aux règles de l'OMC. Mais se faisant exportateur de services éducatifs, le pays pourrait finir par faire face à la musique. Telle est du moins la conclusion que tiraient récemment les avocats spécialisés en commerce international Richard Gottlieb et Bernard Colas dans un avis commandé par l'Association canadienne des professeurs et professeures d'université (ACPPU) et d'autres représentants du milieu de l’enseignement : «...il est possible que le Canada prenne des engagements en matière d'accès aux marchés et de traitement national dans ce secteur et ailleurs. Il a montré son intérêt à accéder aux marchés (...) des autres membres pour ses propres fournisseurs de services et se fera sûrement demander par les autres de prendre des engagements».
Déjà, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, trois importants exportateurs ont fait leurs propositions à L'OMC pour ouvrir le secteur de l'éducation à la concurrence. Dans un autre document produit cette fois par l'Association des Universités et Collèges du Canada sur la question, on fait valoir que déjà, l'Europe et les États-Unis ont demandé au Canada de mettre davantage sur la table. On ne se surprendra donc pas que l'AUCC
de concert avec des organisations similaires en Europe et aux États-Unis ait produit une déclaration cet automne pour enjoindre le Canada de ne maintenir sa position sur l'éducation publique. «On sent que ce n'est pas une position très solide et que ça pourrait changer», croit David Stravinsky à l'AUCC. À l'ACPPU on va encore plus loin : «M. Pettigrew essaie d'être rassurant mais il ne rassure pas. À notre avis, l'éducation
est encore sur la table», plaide quant à lui Robert Léger. Directeur pour la politique des investissements internationaux et services à Industrie Canada, Robert Ready se fait rassurant. «Ce n'est pas parce qu'il y a eu des propositions qu'on est obligés de répondre. Et tout le monde est conscient que c'est une question très sensible au niveau national».M. Ready ajoute par ailleurs que le Canada a mis «beaucoup de choses sur la table» de l'AGCS dans d'autres domaines ce qui le met en position de force pour négocier tout en préservant le secteur de l'éducation. Questionné à savoir si, éventuellement le développement de l'industrie des services éducatifs canadiens pourrait amener le pays à
adoucir sa position, M. Ready laisse la porte ouverte. «C'est un objet de discussion et c'est pour ça que nous entretenons le dialogue avec les acteurs du milieu. La question c'est, est-ce qu'une politique commerciale justifiée dans ce secteur ?».
Du côté du ministère de l'Éducation du Québec, on dit commencer à peine à se familiariser avec le dossier mené par le ministère de l'Industrie et du Commerce. «On en est à cerner le problème. On n'a pas encore de position arrêtée sur le sujet», explique Pierre Brodeur. Lancées en 1995, les négociations pour l'Accord Général sur le Commerce
des Services (AGCS) n'ont vraiment débuté qu'en avril dernier et bien des inconnues subsistent quant à sa portée dans des domaines comme la santé et l'éducation.
Plusieurs craignent que les universités canadiennes ne soient pas protégées parce qu'une partie de leur financement est privé et que dans certains domaines comme la formation continue, elles seraient en compétition avec le secteur privé. Ce qui se complique encore davantage lorsqu'on tient compte du facteur Internet. «Il y a beaucoup de travail à
faire à l'OMC pour clarifier les règles qui s'appliquent au commerce électronique. Il va falloir voir comment cela touche les autres domaines où nous avons fait des engagements».
Pour l'instant, la principale barrière à l'arrivée de compétiteurs étrangers au sein du système d'éducation canadien tient au fait que les provinces contrôle le droit de décerner des diplômes à l'intérieur de leurs frontières. Ainsi, OMC ou pas, une province peut donner la permission à une université étrangère d'enseigner et diplômer chez elle ce
qui s'est déjà fait. Après le cas de l'Université américaine Phoenix installée en Colombie-Britannique depuis 1998, voilà que l'été dernier, le gouvernement du Nouveau-Brunswick décernait une accréditation d'enseignement à une université privé, la Landbridge University alors que la province de l'Ontario examine la possibilité d'accueillir elle-aussi,
les centres éducatifs de Phoenix.
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Note :

Ce reportage a été réalisé à l'hiver 2001



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