Une carte de souhait pour ce triste anniversaire de la part de
l'opération « Critique immuable ».
À la une du Washington Post du 8 septembre
2002 s'entrechoquent l'opération marketing du gouvernement américain
nous préparant à l'attaque responsable et héroïque de l'Irak, la
publicité du consortium Boeing-Lockheed et co. vantant une de ses
machines de guerre volantes qui sera probablement mise à contribution
dans la guerre du bien contre le mal, et la photo d'un capitaine
pompier de New York serrant son ourson en peluche et affirmant qu'il
l'aide beaucoup à faire ses nuits troublées par le traumatisme du 11
septembre 2001. Comme la sublime souffrance traumatique est niée par
la mensuration que l'Amérique lui trouve dans l'infantilisme du
traumatisé, le croquis sobre inspirant confiance du chasseur
hypersophistiqué donne l'impression à l'Amérique que la mort qu'elle
inflige est une mort améliorée. On en vient à se demander qui sont les
plus dangereux : ceux qui font fusionner la souffrance avec les
symptômes finalement assez légers de l'infantilisme et qui se
comportent ensuite comme des enfants à qui l'on donnerait la
possibilité d'invoquer Dieu afin de faire la guerre à n'importe qui
avec un stock sublimement énorme d'armes de destruction massive, ou
ceux qui haïssent la civilisation de l'enfant gâté, cette civilisation
de l'opulence excessive autant pour la planète que pour les exploités,
et qui espéreraient lui rappeler, - eux aussi au nom de Dieu - que ce
n'est pas n'importe quoi en tout cas qu'ils frappent mais cela même
qu'ils croient être la source des souffrances de beaucoup de gens dans
le reste du monde - ce que nous devrons bientôt admettre nous aussi.
Nous ne trancherons pas cette question ici parce que cela nous
exposerait à la possibilité d'être suspectés de dissidence dangereuse,
d'être sur la pente glissante du terrorisme contemporain. Mais que
dis-je : nous sommes déjà suspects comme tous ceux qui ont un
esprit conséquent les menant à la dissidence. Nous nous foutons d'être
suspectés d'intelligence avec l'ennemi sous prétexte que nous essayons
de comprendre l'intelligence de l'ennemi. Et nous comprenons trop bien
le stratagème de notre société bête qui nous demande de faire ce que
nous ne pouvons pas faire, c'est-à-dire nous rallier au front
lobotomisé mondial contre la terreur. Retranchés dans l'utopie de la
raison dissidente, nous restons peut-être amalgamés aux ennemis de
notre société. Mais que découvrons-nous alors ? Qu'il y a
finalement des points sur lesquels les « ennemis » sont
relativement sympathiques à notre cause - la critique radicale de la
société avec au moins un peu d'esprit rationnel et conséquent. Il est
à prévoir que la société du front uni contre le terrorisme, ne faisant
même plus de cas de la tension plus faible qu'amène en elle la
dissidence, dissidence le plus souvent pourtant exprimée par des gens
qui croient à son importance dans la démocratie trop procédurière,
saturée d'esprit unique, cette société, donc, risque beaucoup en
jouant l'indifférence ou l'amalgame expéditif selon ses humeurs
instables dues à la guerre qu'elle mène contre les fantômes
terroristes. Nous ne parlons pas de nous évidemment, nous qui ne
sommes que des dissidents compulsivement investis dans la critique
conceptuelle. Nous parlons plus gravement du ras-le-bol de plusieurs
centaines de dissidents subissant concrètement le harcèlement de la
police et du système judiciaire antiterroriste qui procèdent, avec la
caution de l'État, à l'application de mesures d'exception prétendument
justifiées, sous prétexte qu'elles ne visent que les dangereux
dissidents.
C'est seulement après le 11 septembre 2001 que l'on peut se laisser
convaincre que l'arrestation sans motif de quelques centaines de
manifestants inquiets de la violence policière, à Montréal le 15 mars
2002, est une erreur pardonnable. Entre temps, les arrêtés qui seront
à coup sûr en grande majorité acquittés d'accusations farfelues
doivent payer non pas hors cour, mais intra cour, le prix de leur rêve
de dissidence significative : ils sont tous sommés d'assister à
l'entièreté de leur cynique procès qui devrait s'étaler sur au moins
quatre semaines, ce qui veut dire par exemple pour les étudiants,
l'hypothèque sérieuse de leurs études trimestrielles et pour les
petits salariés, la perte d'un revenu indispensable (lire : http://www.cmaq.net/node/9285).
C'est seulement après le 11 septembre 2001 que ce qui nous apparaît
comme un scandale mais qui fut très vite oublié, c'est-à-dire
l'empêchement de la manifestation du 26 avril (en marge de la
rencontre des ministres du travail du G8 à Montréal) par les moyens de
« la détention préventive » des « would-be »
manifestants avec l'intention claire d'être intimidatrice à travers la
séquestration abusive de tous les gens pendant des heures sans motifs
d'arrestation est devenu possible. C'est seulement après le 11
septembre 2001 qu'un tel scandale corroboré par la ligue des droits et
libertés peut continuer d'être l'occasion d'une opération marketing de
la police, fière de son opération d'abord justifiée par la prétendue
découverte d'une arme à feu sur un manifestant - ce qui s'est avéré un
mensonge ! - , puis par le simple fait que la prévention du
terrorisme commande que la police prenne désormais au sérieux ceux
qu'elle appelle depuis des années les « manifestants
professionnels » et qu'autrefois elle considérait comme du menu
fretin.
C'est évidemment aussi seulement après les événements du 11
septembre qu'un Netanyahou ouvertement anti-palestinien, plus radical
encore que le boucher Sharon lui-même, peut amalgamer les terroristes
visés par l'opération américano-israélienne «&nsbp;Liberté
immuable » et les gens qui ont protesté contre sa prise de parole
à l'Université Concordia et fait en sorte que l'on annule la
conférence pour des raisons de « sécurité&nsbp;». Dans la cohue,
les représentants de la communauté juive montent en épingle les
accrochages de juifs sionistes et de pro-palestiniens pour y voir
unidirectionnellement le signe d'un antisémitisme honteux dans les
rues de Montréal ; on titre de manière irresponsable que
l'Intifada se répand dans les rues de Montréal pour vendre
l'information ; et pour couronner le tout, le principal intéressé
nous fait une leçon de démocratie : M. le fomenteur de
guerre à finir entre Israël et la Palestine veut nous faire avaler que
le fait qu'il n'ait pas pu prendre la parole signifie qu'il a été
empêché de parler par d'autres et que cela est une atteinte au droit
démocratique de s'exprimer. Il oublie de dire qu'en général, son droit
de s'exprimer, compte tenu de qui il est, est quelque chose qui n'est
pas aussi spontané chez lui que l'absoluité du droit le laisse
croire : c'est plus souvent qu'autrement sa horde de conseillers
en sécurité qui sait le mieux s'il est séant d'exercer ce droit. On
oublie cela, parce que la plupart du temps, les annulations de
rendez-vous sont déguisées derrière des motifs plus banals ; ce
qui n'était évidemment pas possible le 9 septembre.
Quoi qu'il en soit, le fond de l'affaire est que certains
contradicteurs de Netanyahou, malgré ce qu'il en dit, auraient bien
voulu entendre si la vérité peut sortir de sa bouche et peut-être
l'aider un peu à cet égard. Or la vérité que Netanyahou et sa bande
veulent faire oublier et que les médias toujours aussi lourdauds n'ont
pas su relayer de manière adéquate est que plusieurs représentants de
l'opinion adverse de M. Netanyahou ont demandé, en vain,
d'assister à la conférence : non seulement tous les membres de la
Coalition montréalaise pour la paix juste au Moyen-Orient qui avaient
des noms à consonance arabe ont-ils été interdits d'accès mais les
membres juifs modérés ont subi le même affront. Et ce refus de leur
participation a été prononcé après que tous se soient pliés à la
demande excessive des autorités de fournir quantité de renseignements
personnels pour des raisons de « sécurité ». Ce qui revient
à dire que ce sont d'abord les gens disposés à écouter Netanyahou
autant qu'à lui faire entendre leur point de vue et lui poser des
questions suscitant un débat qui ont été privés du droit de parole.
Car après tout, l'opinion de Netanyahou est bien connue et assez
limpide - il n'est pas reconnu pour défendre une théorie très
complexe. Incidemment, le lendemain, lors d'un événement de levée de
fonds pour la poursuite de la guerre en Israël, sa pénétrante
herméneutique politique ne lui permettait que d'affirmer avoir vu dans
les yeux des protestataires montréalais la même haine qu'il voit dans
les yeux des terroristes palestiniens...
Quoi qu'il en soit, la veille, si la conférence avait eu lieu en
présence de quelques contradicteurs, peut-être aurions-nous appris
quelque chose en écoutant Netanyahou, mais ça n'a pas été possible
parce que l'on a conseillé à Netanyahou de persévérer dans la
sélection opportuniste de son public. C'est en ce sens et en lui seul
que l'on peut regretter que cette conférence n'ait pas eu lieu. Dans
ces conditions, il ne restait pour les étudiants qu'à refuser que dans
le lieu ouvert à la discussion qu'est par essence l'université, la
conférence de Netanyahou devienne l'occasion d'une grande messe
sioniste à huis clos. Car évidemment, pour des raisons de sécurité,
non seulement ceux qui ne partagent pas l'opinion de Netanyahou
étaient-ils exclus, mais les accès de l'université étaient sous
surveillance. Pire encore, la police avait déjà investi les lieux à
titre préventif.
Est-ce que cela ne ressemble pas un peu au viol de nos espaces
publics par des dignitaires internationaux venus discuter du sort des
nations au-dessus des têtes des citoyens ? Si M. Netanyahou
est une cible ambulante à cause non pas de ses idées mais du pouvoir
immense qui lui permet de les rendre opératoires en faisant fi de
toute opinion adverse, l'université est bien le dernier endroit où
Netanyahou est le bienvenu. Il n'y a pas sa place, l'université étant
un lieu de parole orienté (au moins idéalement) par le seul intérêt de
la connaissance, par un débat en principe « désintéressé »
diraient nos réfugiés du savoir traumatisé par l'attentat à
l'Université de Jérusalem - que l'on craint de voir se commettre à
nouveau après cet événement (voir Homo Academicus Quebecensis).
Ce qu'il ne faut pas oublier du 11 septembre 2001, c'est tout ce
qui nous attend encore en termes d'abus de pouvoir d'exception,
d'envahissement de l'espace public, même le plus exigeant -
l'université - par la parole de propagande belliciste radicale. À vos
marques : il est 15 hres, le 10 septembre 2002 ; c'est
l'alerte orange aux USA et, dès lors, dans le monde. Prions pour nos
droits et pour la vie des déshérités chez qui la dignité se replie
naturellement dans la haine.
Il s'agissait de la misson 50 contre l'opération américaine « liberté
immuable ».
Ce texte a été écrit par un auteur qui tient à rester anonyme et qui
ne doit pas être confondu avec Stéphane Bureau. Il oeuvre pour
la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ».
N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de
la raison : http://www.critiqueimmuable.org.
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