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La spirale infernaleCarl Desjardins, Mercredi, Juin 19, 2002 - 23:44
Julio Sevares
Dans son récent exposé devant le Conseil des Amériques, la numéro deux du FMI, Anne Krueger, a soutenu : « Bien que la chute de l'activité économique a été commune au nord et au sud, les réponses politiques ont été nécessairement différentes. Les Etats-Unis et le Canada ont adopté des politiques monétaires et fiscales de plus en plus expansionnistes pour appuyer une reprise rapide. La majorité des pays d'Amérique Latine et des Caraïbes ont en revanche été contraints d' adopter des politiques d'austérité en raison de la faiblesse de leurs finances publiques » Par Julio Sevares. Economiste, journaliste et Coordinateur du Conseil Argentine - FMI : faites ce que je dis, pas ce que je fais. Telle est la recette du gouvernement des Etats-Unis et du FMI pour l'Argentine et le reste de Amérique Latine. Dans son récent exposé devant le Conseil des Amériques, la numéro deux du FMI, Anne Krueger, a soutenu : « Bien que la chute de activité économique a été commune au nord et au sud, les réponses politiques ont été nécessairement différentes. Les Etats-Unis et le Canada ont adopté des politiques monétaires et fiscales de plus en plus expansionnistes pour appuyer une reprise rapide. La majorité des pays d'Amérique Latine et des Caraïbes ont en revanche été contraints d' adopter des politiques d'austérité en raison de la faiblesse de leurs finances publiques ». En effet, immédiatement après les attentats du 11 septembre, le gouvernement des Etats-Unis et ceux des autres pays industrialisés ont dépensé des sommes importantes pour contrecarrer la récession que l'événement aurait pu provoquer au sein d'économies déjà fragilisées. Les Etats-Unis, qui s'efforçaient alors de maintenir leur équilibre budgétaire, ont abandonné le projet pour privilégier la relance de l'économie. Dans sa dernière parution, le World Economic Outlook du FMI reconnaît le rôle de la stimulation fiscale dans la reprise économique et considère que cette stimulation doit diminuer dans la mesure où la reprise est effective. Cependant, dans son édition du 20 avril dernier, The Economist soutient que « l'histoire récente ne permet pas de prétendre à la pertinence des nombreux allégements fiscaux : les dépenses discrétionnaires dans le secteur de la défense commençaient à augmenter rapidement bien avant la guerre contre le terrorisme. Républicains comme démocrates se sont déjà entendus officieusement sur des plafonds plus hauts pour le budget de l'année prochaine. » La voie du pire Au cours des dernières années, les gouvernements argentins firent un choix différent : amenés à se prononcer entre parachever l'orthodoxie budgétaire ou s'extirper de la récession, ils ont choisi la première option, avec des conséquences désastreuses. Les résultats obtenus ainsi constituent un élément indispensable pour imaginer quelles pourraient être les conséquences d'un futur ajustement budgétaire. En décembre 1999, l'Alliance hérita du gouvernement de Menem une économie en récession et un déficit public de 2,6 % du PIB. Le gouvernement, allant à l'encontre de ses promesses électorales, appliqua une politique orthodoxe en augmentant les impôts des classes moyennes et en diminuant les salaires des fonctionnaires. Le gouvernement soutenait que l'ajustement raviverait la confiance des investisseurs, ce qui contribuerait à relancer l'économie, mais ce fut tout le contraire qui arriva. L'économie, qui se redressait progressivement depuis août 1999, s'effondra et, avec elle, les recettes publiques. Les autorités reconnurent le danger et annoncèrent un plan de constructions afin de réactiver l'économie, qui ne fut pas mené à terme à cause de l'activité et des recettes qui continuaient de chuter. En 2000, les dépenses publiques furent réduites de 3%, mais les recettes tombèrent de 5%, alors que le paiement des intérêts de la dette grimpa de 18%. Le déficit des comptes publics augmenta de 42%. Comme conséquence de la politique d'austérité, le PIB chuta de 2,4%. A la suite du passage bref et manqué de Ricardo Lopez Murphy et de son programme ultra orthodoxe, Domingo Cavallo revint au Ministère de l'Economie. Le fonctionnaire promit un changement de stratégie avec une politique de relance qui jamais ne se matérialisa. L'économie et l'état des comptes publics continuèrent de se dégrader, jusqu'à s'effondrer fin 2001. Cette année-là, à cause de la hausse des intérêts de la dette publique, les dépenses de l'Etat augmentèrent de 4%, alors que, compte tenu de la récession, les recettes descendaient de 5% Le déficit du secteur public national augmenta de 57%, dépassant 3% du PIB. A la fin 2001, le secteur public était en faillite. Le gouvernement de Eduardo Duhalde Remes Lenicov entra en fonction avec la promesse d'un changement de stratégie privilégiant les intérêts du secteur productif. Cependant, c'est très rapidement qu'il commença à faire machine arrière et à impulser, en accord avec le radicalisme, une nouvelle fois l'orthodoxie budgétaire. La discipline est dans un tel cas inévitable par le simple fait que l'Etat ne compte sur des financements ni internes ni externes. Le Gouvernement possédait l'option de rechercher l'équilibre en élargissant la base fiscale et en recueillant les bénéfices de la dévaluation. Mais il choisit l'alternative de l'ajustement qui alimenta la spirale implosive de la récession et la chute du recouvrement : durant les quatre premiers mois, le recouvrement total de l'impôt chuta de 17% et celui de la TVA de 32% comparativement à la même période de l'année passée. La nouvelle administration, répondant aux exigences du FMI, laissa en outre flotter le taux de change, sans pouvoir compter sur des réserves pour le contrôler, lequel décrocha du dollar et généra un coût public faramineux en matière de compensations aux endettés, épargnants et au système financier. D'un autre côté, elle décida de mettre en oeuvre de manière retardée et partielle des restrictions aux exportations, l'unique instrument qui permet de payer l'impôt pour les bénéficiaires directs de la dévaluation, et de réduire parallèlement son impact sur les prix. Ce dernier élément est important en matière fiscale puisque l'inflation fait fondre les revenus de la population, avec pour conséquence l'effondrement de leur capacité de recouvrement. Il a été décidé, en fin de compte et en réponse à l'orthodoxie monétaire, de limiter l'émission de bons provinciaux, ce qui contribuerait à réduire le pouvoir d'achat des provinces et la consommation, qui constitue 80 % du PIB et la principale source de recouvrement des impôts directs et indirects. Julio Sevares |
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