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Appel à la libération de 11 personnes, dont 2 journalistes, emprisonnées dans le cadre d'un conflit syndical dans le nord d'H

Carl Desjardins, Samedi, Juin 8, 2002 - 12:12

Ronald Colbert

Plusieurs organisations civiques haitiennes ont appelé le 4 juin, dans une conférence de presse à Port-au-Prince, à la libération immédiate et sans conditions de 11 personnes, parmi elles deux journalistes, arrêtées le 27 mai 2002 à Guacimal, localité de Saint-Raphael (Nord d'Haiti), en relation à un mouvement de revendications syndicales pour la protection de droits de centaines d'ouvrières et d'ouvriers travaillant sur 366 carreaux de terre depuis 1958.

Port-au-Prince., 7 juin. 02 [Alter Presse] --- Plusieurs organisations civiques haitiennes ont appelé le 4 juin, dans une conférence de presse à Port-au-Prince, à la libération immédiate et sans conditions de 11 personnes, parmi elles deux journalistes, arrêtées le 27 mai 2002 à Guacimal, localité de Saint-Raphael (Nord d'Haiti), en relation à un mouvement de revendications syndicales pour la protection de droits de centaines d'ouvrières et d'ouvriers travaillant sur 366 carreaux de terre depuis 1958.

Se prononcant en faveur de la formation d'une commission d'enquête indépendante sur les événements du 27 mai à Guacimal, l'ensemble de ces organisations civiques a stigmatisé l'attitude des autorités lavalas qui essayent de criminaliser les revendications sociales en les taxant d'actions "terroristes", "anti-investisseurs", "anti-zones franches" et "tentatives de déstabilisation du gouvernement".

Ces organisations civiques ont également dénoncé ce qu'elles qualifient de campagne de désinformation entretenue sur les événements par certains médias, en particulier la Télévision Nationale, qui ont évoqué une action de "déchoukeurs terroristes voulant s'accaparer de terres par la force ".

"Si nous avions l'intention de déchouker (de s'emparer par la force) les orangeraies de Guacimal, nous ne serions pas partis les mains vides. Si nous avions le projet de déstabiliser le gouvernement lavalas, nous aurions répondu aux actes d'agression du groupe armé qui a violemment perturbé notre rassemblement pacifique. Or, la police de Saint-Raphael n'a précisé aucun type d'armes qui seraient trouvées en possession des personnes détenues", a indiqué Georges Augustin de l'organisation Batay Ouvriye, l'un des intervenants à la conférence de presse.

Francilien Exumé et Ifares Guerrier, originaires de Saint-Michel de l'Attalaye et membres de Batay Ouvriye, qui participaient au rassemblement, ont été mutilés à coups de machettes et enterrés sur place par une escouade d'agresseurs composés de grandons, représentants du Conseil d'Administration de la Section Communale (CASEC) et de l'Assemblée de la Section Communale (ASEC) et d'autres affidés, a rapporté Batay Ouvriye qui assimile à un complot les faits survenus contre ses membres.

Face à l'agression de cette escouade d'hommes armés de machettes, pierres et de revolvers de calibre 38, les participants au rassemblement ont tenté de riposter par des jets de pierre. La plupart des participants ont pu s'échapper en empruntant les routes de Bahon, Grande Rivière du Nord et de Ranquitte, autres villes d'Haiti.

Mais, après avoir été interceptées par l'escouade puis emprisonnées au commissariat de Saint-Raphael le même jour du 27 mai, 11 de ces personnes ont été conduites par hélicoptère à Port-au-Prince le 28 mai. Parmi ces personnes, Batay Ouvriye a recensé 2 femmes et 9 hommes, dont 1 contrôleur et 2 chauffeurs de véhicules de transports publics affrétés à l'occasion du rassemblement, ainsi que les journalistes Darwin Saint-Julien et Alan Deshommes, arrêtés dans l'exercice de leur fonction au moment où ils couvraient, pour l'hebdomadaire Haiti Progrès et Radio Atlantique, le rassemblement pacifique d'environ 150 personnes près de l'église catholique de Guacimal.

"Les 11 personnes qui font l'objet de détention préventive prolongée au Pénitencier National de Port-au-Prince ont été arrêtées illégalement et arbitrairement, en violation des articles 26, 26.1 et 31 de la Constitution qui garantit le droit de réunion et de rassemblement sans armes, ainsi qu'elle interdit les sévices corporels au moment des interpellations ", a estimé Elifaite Saint-Pierre, secrétaire général de la Plate-Forme des Organisations Haitiennes de Droits Humains (POHDH).

Saint-Pierre a aussi relevé une violation du droit à l'Information et de la Liberté de la Presse, de même qu'un problème de procédures et de juridiction pour ces 11 personnes qui ont été transférées en hélicoptère dans la capitale haitienne, au lieu d'être gardées à Grande-Rivière du Nord, dont relève Saint-Raphael.

A noter que l'une des organisations membres de la POHDH s'est rendue sur place à Guacimal en vue de recueillir des données indépendantes sur les événements survenus le 27 mai. Mais, une délégation de la Coalition Nationale pour les Droits des Haitiens (NCHR), qui voulait s'enquérir de l'état de santé des 11 détenus, s'est vu interdire toute visite au Pénitencier National.

Les informations concordantes, parvenues à AlterPresse, font état de sévices corporels graves subis par les 11 personnes arrêtées le 27 mai. Un juge de paix de Saint-Raphael, qui comptait interroger les détenus, aurait été révoqué sur instruction d'une autorité contestée lavalas de la ville, a appris AlterPresse.

"Les événements du 27 mai à Guacimal participent du néolibéralisme de guerre et de la politique anti-paysans, orchestrés dans la violence par le régime en place qui cherche à étouffer les revendications des ouvriers de Guacimal ", a fait remarquer Camille Chalmers de la Plate-Forme Haitienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA).

La PAPDA, qui prenait part à la conférence de presse, a convié la population à se mobiliser et se solidariser avec la cause des ouvriers et paysans de Guacimal, au même titre que la lutte des paysans de Maribaroux (Nord-Est d'Haiti) en faveur de la non-cession de terres productives pour l'implantation d'un site de zone franche.

"La situation qui prévaut actuellement à Guacimal dépasse le cadre d'un conflit terrien, mais se rattache aux conditions objectives de l'évolution historique d'Haiti qui a toujours vécu depuis l'époque coloniale des périodes de révolte contre les régimes féodaux, comme le montre la réalité d'aujourd'hui ", a avancé le Dr. Eric Edoaurd, fils de Mme Dambreville Edouard, incarcérée à la prison de Fort National depuis le 28 mai 2002.

Les ouvrières et ouvriers de Guacimal ne faisaient que demander des gants pour la cueillette des oranges (dont les pieds sont couverts d'épines), des masques de protection contre la piqà»re des guêpes et d'autres insectes, des échelles pour pouvoir gravir les orangeraies et assurer la cueillette dans de bonnes conditions, des toilettes pour ne pas effectuer leurs besoins sous les arbres, des routes, écoles et dispensaires devant desservir les paysans.

En plus de l'absence d'équipements et matériels adéquats de travail, ouvrières et ouvriers des plantations d'oranges de Guacimal n'ont jamais recu de boni ni bénéficié de jours de congé, comme le stipule le Code du Travail, a ajouté Batay Ouvriye.

Ces réclamations ont été acheminées aux ministères des Affaires Sociales et de la Justice, et à la délégation politique du Nord qui ne se sont pas préoccupés des desiderata des ouvrières et ouvriers qui annoncaient des risques de confrontation avec les gérants des 366 carreaux de terres.

Le conflit syndical avec les gérants des orangeraies de Guacimal, d'o๠est extrait un liqueur produit en France sous le nom de Cointreau, aurait commencé avec la formation, en octobre 2000, d'un syndicat d'ouvrières et d'ouvriers, puis avec la création, en 2001, d'une association de travailleurs par les paysans.

De 2001 à nos jours, ouvriers et paysans n'ont point cessé, par des grèves et des arrêts de travail, d'exiger le respect de leurs droits suivant les termes du Code du Travail en vigueur, l'élimination du système de métayage (sistèm 2 mwatye) appliqué par les gérants des terres sur les productions réalisées par les paysans en période de soudure (lorsqu'il n'y a pas de récolte d'oranges), ainsi que le respect des promesses faites par la compagnie Guacimal au moment de l'acquisition des terres en 1958.

Devant le renouvellement des demandes syndicales des ouvrières et ouvriers, les propriétaires de l'entreprise Guacimal auraient décidé de confier les terres à l'église catholique.

Un prêtre aurait déclaré, dans une réunion, qu'il envisageait de planter 12 carreaux en canne, que les paysans - qui ne devraient avoir que 80 carreaux de terres en leur possession pour être exploitées en période de soudure "feraient mieux de rechercher d'autres exploitations agricoles à Pignon, Ranquitte et Hinche", villes les plus proches des terres de Guacimal à Saint Raphael.

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