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Paris, Texas: l'implication de l'administration Bush dans l'Angolagate

Carl Desjardins, Vendredi, Mai 31, 2002 - 02:32

Wayne Madsen (Corpwatch)

Un rapport de globalwitness.org implique les Etats-Unis dans le scandale armes-contre-pétrole angolais ("Angolagate")

Alors que le Congrès américan continue ses investigations dans l'affaire Enron, des militants des droits civiques demandent l'ouverture d'une enquête sur l'implication possible de membres de l'administration Bush dans un autre scandale associant trafic d'influence et énergie. Selon un rapport récent de l'ONG britannique Global Witness (http://www.globalwitness.org), Georges W. Bush et les intérêts pétroliers américains sont liés à des personnages clés du scandale armes-contre-pétrole qui a dévasté l'Angola.

Connu en France sous le nom d'"Angolagate", ce scandale porte sur des échanges "armes-contre-pétrole" associant l'homme d'affaires Pierre Falcone, le fils de l'ancien Président Francais Jean-Christophe Mitterand et le russo-israélien Arcadi Gaydamak.

Selon le rapport "All the President's Men" du 25 mars 2002 de Global Witness, Gaydamak a fourni des milliards de dollars US d'armes et de prêts au gouvernement angolais en échange de lucratifs contrats pétroliers pour les compagnies occidentales. Falcone et Gaydamak, utilisant l'accès privilégié de Jean-Christophe Mitterand au gouvernement angolais, ont acheminé quelques 463 millions de dollars US d'armes en Angola.

L'effet de cet afflux d'armement fut la désagrégation des accords de paix de Lusaka de 1994 entre le Président angolais Jose Eduardo Dos Santos et le chef des rebelles de l'UNITA Jonas Sawimbi, qui fut en d'autres temps le favori de la CIA et que le Président Reagan appelait le "Georges Washington de l'Afrique".

L'armée angolaise ainsi réarmée - soutenue par des sociétés de mercenaires basées aux Etats-Unis comme MPRI ou AirScan - a entrepris une sanglante offensive contre l'UNITA en 1998 et a pu repousser les rebelles de Sawimbi dans la jungle dans la partie est du pays. Ce fait a obligé l'UNITA à extraire et vendre plus de diamants sur le marché noir pour acheter des armes. Ce marché des "diamants du sang" a ainsi conduit l'UNITA à commetre de nombreuses exactions et d'atteintes au droits de l'homme. Par une ironie de l'Histoire, Jonas Sawimbi - le "Georges Washington de l'Afrique" de Ronald Reagan - fut abattu par les troupes régulières angolaises le 22 février 2002, date anniversaire de la naissance du premier président américain.

Selon Global Witness, les liens entre le gouvernement corrompu angolais et l'administration Bush sont de même nature que ceux le liant au gouvernement francais, actuel ou passé, socialiste ou gaulliste. En plus de la compagnie pétrolière francaise Total Fina Elf, des compagnies comme Chevron, Texaco, Phillips Petroleum, Exxon Mobil et BP-Amoco - toutes étroitement liées à la famille Bush et à l'équipe de la maison blanche, sont lourdement impliquées dans le soutien au Président Dos Santos en contrepartie de très profitables concessions pétrolières.

Après avoir transférés environ 770 millions de dollars de revenus pétroliers dans leurs propres comptes bancaires personnels, Dos Santos et ses acolytes devinrent convaincus que l'instauration du pluralisme dans leur pays pourrait constituer un danger pour leurs futures affaires. Ils ont rapidement abandonné leur idéologie marxiste pour un capitalisme identique à celui de Georges W. Bush ou de Jacques Chirac.

Paris, Texas

Il a plusieurs similitudes entre la nouvelle relation entre le Président Dos Santos et Georges W. Bush et les liens historiques entre la famille Bush et la dynastie séoudienne. Toutes les deux illustrent les relations obscures qui place l'économie américaine, la sécurité nationale et les droits de l'homme loin derrière la priorité donnée à la maximisation des profits d'une petite fraternité pétrolière internationale.

Au même titre que ses relations financières passées avec la famille Ben Laden, les liens entre Georges W. Bush et l'angolagate et Pierre Falcone doivent être examinés. L'épouse de Pierre Falcone, Sonia, une ancienne Miss Bolivie, est une amie de la First Lady Laura Bush et est devenu une importante contributrice de la campagne électorale de Georges W. Bush en 2000. Des dons ont été faits par l'intermédiaire de la société de Sonia Falcone, Essanté, un distributeur de produits de beauté et de santé (en particulier une crème appelée Entisse dont le site Web d'Essanté nous garantit qu'elle peut doubler les effets du Viagra).

En 2000, Essanté, lié à la société de ventes d'armes de Pierre Falcone, Brenco, par le partage du même siège social et par ses comptes au Royaume Uni et dans les Iles Vierges britanniques, a donné au Parti Républicain et à la campagne Bush plus de 100 000 dollars US. Les archives de la commission électorale fédérale montrent une contribution de 1000 $ US au comité exploratoire présidentielle de Georges W. Bush le 14 avril 1999. Elle participa également à une soirée de levée de fonds pour le futur Président le 6 octobre 2000, un évènement à 2000 $ le ticket d'entrée.

C'est seulement après que Newsweek et The Arizona Republic aient publié les détails du trafic d'armes international de Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak que le Parti Républicain a rendu l'argent à Essanté, quelques jours avant l'investiture de Georges W. Bush. L'argent était encore disponible pendant les élections contestées de Floride et les batailles des cours suprêmes locale ou fédérale. Le comité national républicain déclara que l'argent fut rendu pour "éviter d'apparaître inconvenant".

De plus, juste avant l'arrestation de Pierre Falcone en France en décembre 2000 (en compagnie du fils de Mitterand), la police découvrit des fichiers informatiques incluant une lettre de Falcone invitant le candidat Bush à rencontrer Dos Santos dans son ranch de Paradise Valley en Arizona. Bien qu'il n'y ait aucune preuve que cette rencontre ait eu lieu, Bush a recu Dos Santos à la Maison Blanche peu de temps après la mort de Jonas Sawimbi. La date de cette rencontre soulève d'importantes questions sur le financement de la campagne de Georges W. Bush et son impact sur le changement de la politique du Parti Républicain vis à vis du soutien à Jonas Sawimbi.

Un des responsables de la campagne de Bush en Arizona, le sénateur Scott Bundgaard, a organisé une rencontre entre Sonia Falcone et Georges W. Bush à l'aéroport de Phoenix juste après qu'Essanté ait donné 20 000 $ pour sa campagne. Selon Global Witness, il y a de bonnes raisons de penser que ces dons ont en réalité été fait par Pierre Falcone lui-même par les biais de comptes anonymes numérotées de l'UBS suisse, la Bank Leumi-Le de Tel Aviv et la Banque Rothschild de Monaco.

La Cheney Connection

Le rapport de Global Witness révèle également que les enquêteurs francais ont découvert des liens possibles entre le gouvernement angolais et la société Halliburton et sa filliale Brown & Root du Vice-Président Dick Cheney. Les enquêteurs pense que le succès d'Halliburton en Angola est lié à la médiation de Pierre Falcone à Luanda: ses interventions auraient directement bénéficiées à Dick Cheney lorsqu'il a dirigé la société entre 1995 et 2000. Selon un rapport de l'Associated Press du 26 octobre 2000, l'ambassade américaine à Luanda a soutenue la société Halliburton en garantissant un prêt bancaire d'Import-Export pour l'Angola en 1998, au plus fort des échanges entre Dos Santos, Falcone et Gaydamak. L'agence Associated Press a cité un câble de l'ambassade américaine à Luanda au Secrétaire d'Etat Madeleine Albright: "Notre offre commerciale est littéralement enlisée dans les bureaux de la compagnie pétrolière nationale, du ministère du pétrole et de la banque centrale, progressant pied à pied pour obtenir les transferts de fonds... En arrière-plan: des milliers d'emploi américains et un pied dans la porte pour Halliburton pour gagner des contrats encore plus gros."
Cheney, l'ancien supporter de l'UNITA, semble avoir changer d'état d'esprit après que les groupes armées de celle-ci, autrefois soutenus par la CIA, furent devenus une menace pour les intérêts pétroliers américains. Sawimbi, comme Laurent Kabila et Joseph Mobutu au Congo, Manuel Noriega au Panama ou Sadaam Hussein en Irak, est juste devenu un outil de la CIA devenu inutile.

Un autre confident de Georges W. Bush ayant intérêt à soutenir Dos Santos est le conseiller pour la sécurité nationale Condoleezza Rice. En tant qu'ancienne directrice de Chevron et, jusqu'a récemment, marraine du supertanker de Chevron, the SS Condoleezza Rice (rebaptisé depuis SS Altair Voyager), Rice aurait de bonnes raisons de voir l'Angola stabilisé sous le régime de Dos Santos et d'éliminer définitivement la menace de l'UNITA pour son ancien employeur.

Le lien probablement le plus ironique décrit dans le rapport de Global Witness est l'ancien "financier fugitif" Marc Rich. Celui-ci a joué un rôle majeur dans ce scandale par le biais d'une société suisse de trading pétrolier Glencore. En effet, Glencore a garanti pour un total de 1 milliard de $ des prêts pour l'angola, gagés sur son pétrole en 1998. La première série de prêts gagés sur le pétrole angolais en 1993 implique Glencore, Falcone et Gaydamak. Peu après, Gaydamak a conclu une vente d'hélicoptères et de munitions russes par l'intermédiaire d'une société slovaque appelée ZTS-OSOS. Le prêt de 1 milliard de dollars de 1998 inclut des prêts à l'exportation soutenus par Halliburton et Dick Cheney. Le Parti républicain s'était offusqué de l'amnistie de Marc Rich par le Président Bill Clinton la veille de son départ mais n'avait pas relevé les liens entre le vice-président et l'empire international de finances et de trafics d'influence du fugitif.

Les liens du Président Chirac avec l'angolagate sont aussi claires que ceux d'autres hommes politiques francais de premier plan, de gauche ou de droite, socialistes ou gaullistes. Ce qui est moins claire, c'est ce dont Chirac et le Président Bush ont parlé le 18 décembre 2000 à Washington, DC à l'ambassade de France dans une réunion sans précédent entre le Président élu mais non investi et un chef d'état étranger dans une mission diplomatique étrangère. Survenant juste quelques jours après la décision de la Cour suprême donnant la victoire à Georges W. Bush, la réunion Bush-Chirac en est entouré d'une aura encore plus mystérieuse.

Que Chirac fut le premier chef d'Etat étranger à rencontrer le Dauphin américain, avant même son investiture, était-il vraiment une coincidence ? Certains enquêteurs francais aimeraient bien connaitre la réponse.

Ne quittez pas

Il y a un autre élément dérangeant concernant les liens entre Bush et Dos Santos. Global Witness rapporte qu'il y avait un accord confidentiel entre la firme francaise Communications et Systèmes, le ministère francais de la défense et le Président Dos Santos pour acquérir en 2000 deux types d'équipements électroniques pour trianguler et localiser les téléphones GSM et satellites de Jonas Sawimbi dans la brousse angolaise. Ces deux systèmes - Murène (pour les appels GSM) et Menta (pour les appels satellites) sont supposés avoir aidé les forces de Dos Santos à les quartiers généraux en perpétuels mouvements de Sawimbi.

Apparemment, ces systèmes de plusieurs millions de dollars ne furent pas si efficaces pour localiser Sawimbi. Cependant, certains se demandent si des agences de renseignements américaines officielles ou non auraient pu contribuer à prendre l'ancien allié américain, devenu récalcitrant. Le nouveau mandat du Directeur de la CIA, George Tenet, d'éliminer les terroristes participant au "plan d'attaque mondial" lui permet de pourchasser toute personne identifié par les USA comme étant un terroriste. Selon des sources gouvernementales américaines, Sawimbi aurait été traqué par des troupes portugaises, alliées des USA dans le cadre de l'OTAN, avec le soutien de mercenaires israéliens et sud-africains. Jardo Muekalia, qui dirigea le bureau de l'UNITA à Washington jusqu'à sa fermeture forcée en 1997, a declaré que les forces militaires qui ont finalement assassiné Sawimbi ont été aidé par des images satellites commerciales et d'autres informations fournies par la société Brown & Boot basée à Houston et dirigée par Dick Cheney. Le Département d'Etat et le Pentagone ont violemment nié toute implication du gouvernement américain dans l'assassinat de Joseph Sawimbi.

Cependant, les USA utilisent fréquemment de tels procédés pour traquer et abattre des dirigeants problématiques. En 1996, selon des sources du renseignement américian et britannique, la NSA aurait fourni des indications sur la localisation du Président tchétchène Dzhokar Dudayev (il fut abattu par un missile air-surface pendant une communication par téléphone satellite). En 1999, le New York Times rapporta que le dirigeant du parti des travailleurs kurdes (PKK), Abdallah Ocalan, avait été capturé en Turquie après avoir été pisté par des agents américains, britanniques et israèliens.

Il n'y a pas qu'en Angola que coincide les intérêts pétroliers de Pierre Falcone et Georges W. Bush coincident. La société Brenco de Pierre Falcone a également des intérêts significatifs en Colombie et au Venezuela, deux bastions récents de la CIA et des activités paramilitaires des Etats-Unis en soutien de ses intérêts pétroliers. Gaydamak est également associé à Pierre Falcone en Amérique Latine depuis 1993.

Bien qu'Interpol est émis le 11 janvier 2001 un mandat d'arrêt international contre lui, Arcadi Gaydamak continue à voyager entre le Royaume-Uni, Israël et l'amérique du Sud utilisant un de ses passeports israëliens, canadiens ou angolais, évitant la police et passant d'une capitale à l'autre avec le soutien du gouvernement israëlien. Pierre Falcone et Jean-Christophe Mitterrand ont été emprisonnés et relachés en France. Si l'administration Bush est réellement intéressée par la traque et la comparution en justice des personnes impliquées dans le financement du terrorisme, comme celui qui a frappé l'Angola pendant des années, elle doit faire pression sur l'Etat d'Israël pour qu'il cesse sa protection diplomatique de Gaydamak et qu'il coopère avec Interpol pour le livrer à la justice. Cependant, cette perspective apparait bien improbable lorsque l'on considère le nombre des membres de l'administration Bush liés à l'angolagate.

Que signifie la continuation de la guerre en Angola au bénéfice des compagnies pétrolières ?

L'Angola est un des pays les plus pauvres du monde.
La famine augmente à travers le pays où un enfant meurt toutes les trois minutes de malnutrition ou de maladies associées. L'espérance de vie est de 45 ans dans un pays qui a gagné 5 miliards de dollars US de revenus pétroliers en 2001. La guerre civile angolaise a entraîné la mort de plus de 500 000 personnes et la fuite sur les routes de plus de 3 millions d'angolais. Des dizaines de milliers d'enfants ont été mutilés par des mines anti-personnelles.

Dans tous les cas, le "conservatisme compassionnel" de Georges W. Bush fut un mythe pour le peuple angolais et une aubaine pour ces bons amis pétroliers tels que les Falcone et les Ken Lay du monde entier. L'administration Bush ne doit plus apparaître comme le complice des ravages causés par les compagnies pétrolières dans les pays africains.

Traduit de l'article "Report Alleges US Role in Angola Arms-for-Oil Scandal" - By Wayne Madsen Special to Corpwatch

www.corpwatch.org


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