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Économie et Kyoto

Anonyme, Lundi, Mai 27, 2002 - 21:10

Xavier Daxhelet

Le gouvernement de Jean Chrétien n’est pas très pressé de ratifier le protocole de Kyoto. C'est peut-être parce que les compagnies pétrolières et de l'automobile contribuent allègrement à la caisse du Parti Libérale du Canada. Alors que le milieu des affaires s'oppose contre la moindre dépense en faveur de l'accord de Kyoto, il se taisse lorsque des milliards de dollars sont dépensés pour l'armé et la lutte contre le terrorisme.

Le gouvernement de Jean Chrétien n’est pas très pressé de ratifier le protocole de Kyoto et cela malgré le fait que plus de 80% des Canadiens le veulent. Pourtant, ce gouvernement n’a été élu que par 24% des électeurs (40% des 60% qui s’ont allé voter, ont voté pour le PLC). Ce gouvernement se préoccupe plus de récompenser les amis du parti que de se soucier de ce que veut la population (autre exemple : plus de 90% des Canadiens voulaient un étiquetage obligatoire des OGM, un projet de loi est mort né avant d’être débattu).

Il n’y a pas que le goupeAction ou le Groupe Everest qui contribuent à la caisse électorale du Parti Libérale du Canada, le milieu pétrolier le fait aussi. Le milieu pétrolier a versé plus de 320 000$ dans la caisse électorale du parti libéral du Canada en 2000. La compagnie Canadian Occidental Petroleum Limitée a versé à elle seule 55 400 $, Imperial Oil Limité (Esso) a versé 20 000 $. À titre de comparaison, le groupe Everest a versé 29 000$ au parti libéral. Le milieu des énergies fossiles ne finance pas que les libéraux, il finance même davantage l’Alliance Canadienne avec une contribution de plus de 450 000$. Ce n’est pas étonnant que l’Alliance s’oppose à l’accord de Kyoto. L’opposition des compagnies pétrolières est similaire à celle des compagnies de tabacs face aux sévères réglementations anti-tabac. Ces sociétés s’étaient d’ailleurs parjurées en déclarant qu’elles ne croyaient pas que la nicotine créait une dépendance (l’industrie du tabac contribue généreusement aux caisses électorales des partis fédéraux).

En Alberta, bastion de l’Alliance Canadienne, les compagnies pétrolières n’hésitent pas à brûler un baril de pétrole pour en produire deux et à transformer des milliers de kilomètres carrés de forêt boréale en véritable paysage lunaire visible de l’espace. Ces compagnies pillent littéralement nos ressources sans que nos dirigeants ne disent quoi que ce soit. Tout ce pétrole sera envoyé en grande majorité dans l’atmosphère très probablement à partir des États-Unis. En Alberta, les émissions de gaz à effet de serre sont de 74,1 tonnes par habitant soit six fois plus qu’au Québec.

Le secteur des transports, et plus précisément l’automobile, consomme la majeure partie des produits pétroliers. Il est donc logique que le milieu de l’automobile participe également à la caisse électorale et de fait, ce secteur a versé près de 100 000$. Les trois principaux constructeurs automobiles américains, Ford, Chrysler et GMC, ont versé respectivement 14 492$, 14 458$ et 7 754$. La province dont l’économie dépend le plus de l’industrie automobile est l’Ontario. Il n’est donc pas surprenant que cette province s’oppose à l’accord.
L’opposition du milieu des affaires à l’accord de Kyoto s’appuie sur des prédictions de pertes économiques considérables si ce protocole devait être ratifié. Ces menaces rappèlent étrangement celles de la dévaluation possible du dollar canadien si le Québec devenait indépendant. Le Québec n’est pas devenu indépendant, mais le dollar a chuté sans qu’il n’y ait eu aucune causalité. Quelques mois avant la dégringolade de l’économie des nouvelles technologies, le président de Nortel révisait à la hausse ses prévisions économiques. Quelle est donc la crédibilité de ces prévisions économistes qu’elles soient alarmistes ou jovialistes?

Pourtant certaines compagnies pétrolières comme Shell et British Petroleum appuient le protocole de Kyoto et investissent même des sommes importantes dans la recherche de sources d’énergie renouvelable tels l’éolien et le solaire. Ces compagnies ont compris qu’il est préférable de préserver la ressource car le pétrole ne sert pas seulement à être brûlé, mais on l’utilise dans la fabrication de nombreux matériaux utiles et recyclables. Évidemment, ces compagnies sont européennes. Voilà deux visions diamétralement opposées : une de gestion de risque typiquement états-unienne et une autre de précaution typiquement européenne. Les mêmes oppositions s’observent dans d’autres domaines comme l’alimentation et l’agriculture.

En parallèle, il y a quelque temps, le comité du Sénat Canadien sur la défense recommandait au gouvernement d’injecter 4 milliards de dollars dans l’armée. Cette somme devrait s’ajouter aux 7,7 milliards de dollars en dépense militaire que le gouvernement fédéral avait déjà budgétée sur cinq ans. Ce comité pense que la sécurité des Canadiens ainsi que celle de leurs institutions est menacée. Tout ça dans un pays qui n’a pas connu d’attentat terroriste depuis la période du FLQ, dans un pays qui possède des traditions de paix et dont le seul pays ennemi véritable ne l’est qu’économiquement et se situe juste au sud. Pourquoi devrions-nous payer pour les actions internationales douteuses des États-Unis ? Parce que ceux-ci pourraient nous menacer de ne plus faire affaire avec nous ? Peut-être, mais cela démontre, encore une fois, notre trop forte dépendance économique face aux États-Unis. De plus, les sommes injectées dans la défense ne constituent aucunement des investissements car cet argent ne rapporte rien d’autre qu’un faux sentiment de sécurité. Le manque d’argent publique disponible pour d’autres fins mettra encore plus de pression à la privatisation des services sociaux comme la santé, l’éducation, la distribution d’eau et d’électricité ou encore entraînera la réduction de la lutte à la pauvreté et celle des réglementations environnementales. Curieusement, le milieu des affaires n’a émis, dans ce cas-ci, aucune objection.

Pourtant la menace qu’est le réchauffement climatique est bien pire que celle du terrorisme. Cette menace pèse aussi bien sur tous les Canadiens que sur tous les habitants de notre unique planète. Bien qu’aucune victime de terrorisme n’ait été enregistrée au Canada depuis longtemps, de nombreux Canadiens meurent déjà des causes du réchauffement climatique. Les canicules de plus en plus longues augmentent significativement le taux de mortalité. Des pertes économiques considérables sont également déjà attribuées aux changements climatiques. On peut citer l’augmentation de phénomènes climatiques extrêmes telles l’averse de verglas, l’inondation du Saguenay, la sècheresse dans les provinces de l’ouest canadien mais également l’accessibilité de plus en plus menacée de la voix maritime du fleuve Saint-Laurent, l’augmentation des feux de forêts, la détérioration de la qualité de l’eau potable, la diminution des réserves hydroélectriques, etc. Pourtant pour cela, nos gouvernements débloquent que des sommes symboliques. Par contre, il est quant même extraordinaire de constater que lorsque la pression vient de nos voisins du sud, des sommes d’argent importantes deviennent subitement disponibles.

Il faut rappeler que l’accord de Kyoto n’est que symbolique car il ne réglera pas le problème des changements climatiques. Il ne permettra tout au plus que de réduire l’augmentation du réchauffement planétaire. Mais même s’il n’est que symbolique, c’est un premier pas vers un règlement mondial du problème. Alors si une acceptabilité mondiale de ce symbole devient impossible pour des objections économiques d’enfants gâtés, l’existence même des générations futures, et peut-être de l’humanité tout entière, devient compromise.

Xavier Daxhelet
xdax...@ofl.phys.polymtl.ca
Parti Vert du Québec

www.partivertquebec.org


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