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Tunisie 2002 : Sous la plage, les barreauxarcenbulle, Vendredi, Mai 3, 2002 - 12:43
Valérie Cayouette-Guilloteau
Sous des démocraties à visages humains se cachent des dictatures. Loin des cocotiers, la Tunisie de Ben Ali est tortionnaire, inégalitaire et tyrannique. Le silence tue là-bas, tandis que les prochaines réformes constitutionnelles établissent une immunnité et une présidence à vie. par Valérie Cayouette-Guilloteau La Tunisie est une destination vacance fortement en vue pour la majorité des occidentaux. Ainsi, les plages de Djerba, le désert du Sahara, les villes comme Souze, évoquent détente, plaisir et soleil. Cette merveilleuse atmosphère ne sera pas le moins du monde assombri tant que l’on ne tentera pas de parler de la situation politique du pays avec des tunisiens. En effet, la peur et le silence règnent en roi dans les quartiers, la police politique rétribuant les délateurs. Non pas que de graves criminels se cachent partout dans le pays, simplement qu’exercer son rôle de citoyen est vu comme un grave danger pour le pouvoir. Chaque famille compte son nombre de prisonniers, que ce soit sous le protectorat français, le régime de Bourguiba ou celui de ben Ali. Nous avons observé cela dans le cadre d’une mission d’observation pour la ligue des droits de l’homme et il nous semble essentiel d’en témoigner. Le travail consistait à assister au procès du prisonnier politique Hamma Hammami et de ses camarades. Notre présence avait le but annoncé de dissuader les autorités judiciaires d’expédier le procès sans respecter les droits de la défense. Dans le présent texte vous verrez un bref résumé du procès, mais nous avons aussi choisi de parler de la situation générale du pays. Nous espérons que la parole reste encore la meilleure solution pour fissurer les blocs monolithiques des régimes dictatoriaux. Bien sûr, il serait préférable d’écouter des voix tunisiennes, mais cela est impossible pour des raisons que vous constaterez de vous-mêmes. Le 30 mars dernier se tenait à Tunis le procès de M. Hammami, Maddouri et Tâamallah, respectivement chef et membres du Parti communiste des ouvriers tunisiens. Le gouvernement leur reprochait des crimes bien connus en Tunisie: appartenance à une association illégale, incitation à la désobéissance, outrage à l’ordre public, diffusion de fausses nouvelles, appel à la rébellion et incitation des citoyens à violer les lois du pays, organisation de réunions sans autorisation, mise à la disposition d’un local pour réunions non autorisées et distribution de tracts. En 1998, ils avaient écopé de plus de neuf ans et les trois inculpés avaient disparus pendant 4 ans avant de réapparaître le 2 février dernier afin d’avoir un nouveau procès aux vus et aux sus des communautés tunisiennes et internationales. Le 30 mars 2002 leurs peines ont été réduites à 3 ans et 2 mois de prison pour Hammami, 21 mois pour Tâamallah et 21 mois plus 2ans pour outrage à magistrat pour Maddouri (lors du procès du 2 février il s’était écrié à l’extérieur de la salle : «Vive la justice libre ! »). Au passage, mentionnons simplement que les 3 ans d’Hammami sont bien le minimum possible car la réélection de ben Ali est prévue pour 2004 et que le PCOT avait bien l’intention d’être sur les bulletins de vote. Nous notons ces particularités de la justice tunisienne : aucun témoin n’aura été entendu, ces derniers ayant été interdit d’accès au tribunal, le procureur représentant la partie civile accusatrice n’aura pas prononcé un mot, le président de l’audience tenant presque son rôle. Aucun citoyen tunisien n’a eut le droit d’assister au procès dit «public» excepté un membre de la famille par accusé, le greffier n’a pris en note qu’une infime partie du procès et des traducteurs s’employaient à dire le contraire de ce qui se passait. Mais dans ce court article nous voulons aussi partager nos sentiments, pas seulement des faits. Les cinq jours passés à Tunis ont été marqués par les témoignages de victimes du régime. Nous pensons à Abdelmoumen Belanis, qui nous a raconté en détails les méthodes de tortures employées contre lui dans les caves du ministère de l’intérieur de Tunis, à maître Radhia Nasraoui (l’ épouse de Hamma Hammami) qui ne peut pas aller à la plage avec ses trois jeunes filles sans se faire suivre de près par des hommes de la police politique. Aux filles de M. Jourchi, des lycéennes, qui n’ont pas accès à tous les livres dont elles ont besoin, aux sites Internet du Monde Diplomatique, de Libération, etc.… à ce professeur de mathématiques appliquées qui se voit empêcher du droit d’éditer ses manuels, à monsieur Mohammed Talbi, historien de 80 ans qui s’est fait battre par des policiers le 30 mars devant le palais de justice, à Sedri Khiari qui ne peut aller soutenir sa thèse à Paris VIII car il lui est interdit de franchir les frontières… Pour terminer, Le 26 mai prochain se tiendra un référendum populaire en Tunisie concernant la réforme de la Constitution. Les dernières élections ayant consacrées le président Ben Ali à 99,4%, personne ne se fait d’illusions sur les chances du peuple à s’exprimer réellement. Cette réforme permettra au président d’être rééligible tant et aussi longtemps qu’il le souhaite (notons que la Tunisie a seulement eut 2 présidents depuis son indépendance en 1956) par l’article 39 et, d’avoir l’impunité à vie, article 41.Elle introduira aussi la notion de «crime contre la patrie» qui remplacera alors les différents chefs d’inculpation qui condamnaient les prisonniers d’opinion jusqu’alors (comme Hammami). Cela renforcera aussi le déséquilibre déjà immense entre les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaire. Dans un climat de limitations drastiques des libertés et d’atteintes profondes aux droits humains, particulièrement ceux d’expression, de réunion et d’organisation aucunes protestations ne seront entendues et cette réforme fera de la Tunisie une dictature en bonne et due forme. Avant, elle se cachait derrière un masque démocratique, maintenant elle est si sûr de l’appui de ses alliés qu’elle n’a plus peur d’avancer à un visage découvert. Pour plus d’informations sur le sujet n’hésitez pas à communiquer avec
Développement de la situation en Tunisie et compléments d'information.
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